« Et les autres … Sa femme … Sa fille… Oui, elle aussi, il savait bien. Une machine à faire de l'argent … Il n'était bon qu'à ça … Paie, paie et puis, va, crève. »
Ce sont ces pensées qui assaillent
David Golder lorsqu'il prend conscience du peu de considération dont il est l'objet de la part de son épouse et de sa fille. Cet homme, au caractère bien trempé, impitoyable en affaires, s'est échiné pendant toutes ces années, à gagner beaucoup d'argent afin d'assouvir leur soif inextinguible de biens matériels. Chez lui, l'attrait n'est pas l'argent, non, chez
David Golder, c'est le jeu des affaires qui le motive. Mais certains jeux peuvent vous faire perdre votre intégrité, votre humanité, l'estime de soi.
David Golder, juif russe, pauvre, originaire d'Ukraine, a immigré aux Etats-Unis où il rencontre celle qui deviendra son épouse Gloria et qui lui donnera une fille, Joyce.
Installés ensuite à Paris où nous le retrouvons richissime, fatigué, rompu et endurci au milieu « des affaires financières », il vit entouré de sa fille, très jolie, qu'il chérit et de son épouse, Gloria.
Joyce, grande séductrice, manipule son père. Oisive, superficielle, elle utilise la tendresse afin d'obtenir de lui, l'argent qui lui file entre les doigts tandis que ce dernier se laisse totalement aveuglé par l'amour qu'il lui porte sans se rendre compte des manigances de Joyce. Quant à Gloria, elle est devenue une épouse haïssant son mari, trompant ce dernier avec « des gigolos » sans aucun scrupule et dont le goût pour l'argent n'a pas de limite. Mais, mais, mais …. Jusqu'au jour où !
Je suis assez stupéfaite par la puissance de l'écriture de cette jeune écrivaine de vingt six ans, c'est un livre qui me rappelle ces grands portraits de la littérature française du XIXème siècle comme Madame Bovary ou le Père Goriot : des portraits sans concession et qui marquent la littérature.
La plume est incisive, elle tranche dans le vif du sujet, ne laisse passer aucune lumière même si je trouve les relations assez caricaturales, on ne peut s'empêcher de ressentir comme une sensation diffuse d'angoisse, d'étouffement. L'appât du gain est ici poussé à l'outrance.
C'est un portrait au vitriol d'une classe sociale dans laquelle, l'auteure a vu le jour et qu'elle déteste. Irène est née d'un père yiddishophone pauvre d'Odessa qui deviendra l'un des banquiers les plus riches de Russie et d'une mère, très éduquée, née dans la bourgeoisie juive de Kiev. Son père étant parvenu à éviter le ghetto, il a toujours été méprisé par la famille de son épouse. Et lorsque je lis
David Golder, je sens la souffrance d'Irène, déchirée, abandonnée entre une mère défaillante, coquette, cupide, et un père qui tente de faire oublier sa naissance. Je découvre petit à petit l'oeuvre d'
Irène Némirovsky et les portraits de ses mères ne sont jamais glorieux.
A la lecture de
David Golder, on comprend très bien que certains lecteurs aient été indignés en découvrant les stéréotypes antisémites que véhicule «
David Golder ». le livre de
Susan Rubin Suleiman permet une meilleure compréhension de l'oeuvre d'
Irène Némirovsky. Il y a un avant la Shoah et un après. Nous sommes en 1929, l'auteure dépeint un milieu qu'elle honnit, une façon d'exorciser son enfance. Aveuglée par le rejet de ce milieu de « parvenus » sans scrupule, elle dresse un portrait excessivement à charge d'un microcosme juif qu'elle juge sévèrement sans vraiment se rendre compte qu'elle donne une communauté en pâture aux idéologies nauséabondes qui gangrènent l'Europe. Elle le regrettera amèrement quelques années plus tard.
Je vais continuer à découvrir l'oeuvre d'
Irène Némirovsky mais je reconnais préférer la plume de sa fille,
Elisabeth Gille dont l'oeuvre littéraire me reste aussi à parcourir n'ayant lu d'elle que «
le Mirador ».