Adapté cette année par Netflix et David Bruckner,
le Rituel est avant tout un roman d'horreur paru en 2011 et traduit chez Bragelonne dans la collection L'Ombre par
Benoît Domis. Son auteur, l'anglais
Adam Nevill a remporté pas moins de trois British Fantasy Award du meilleur roman d'horreur pour
Derniers Jours (lui aussi traduit chez Bragelonne), No One Gets Out Alive (encore inédit en France) et le roman qui nous intéresse aujourd'hui :
le Rituel. Près de quatre cents pages d'horreur pour un récit entre satanisme et randonnée dans les bois.
Quatre amis de fac — Dom, Phil, Luke et Hutch — se mettent en tête de se retrouver en partant randonner en Suède. Rapidement, leur petite escapade tourne au vinaigre quand les rivalités des uns et des autres commencent à resurgir. Mais c'est lorsqu'ils découvrent une carcasse de cerf éviscéré et pendant à un arbre que les choses se compliquent réellement. Ils comprennent que leur raccourci à travers la forêt les a mené tout droit dans la gueule du loup. Et le loup a faim, très faim.
le Rituel commence d'emblée et ne s'embarrasse pas de prologue ou de mise en situation. Nevill prend le temps d'épaissir ses personnages par différents flash-backs au cours du récit mais nous plonge immédiatement dans l'horreur en faisant aller Luke et ses compagnons de découvertes macabres en découvertes macabres. L'anglais installe une atmosphère inquiétante où il utilise l'élément naturel et la fatigue de ses (anti) héros pour décupler l'impact horrifique de son récit.
D'emblée, on peut reprocher le manque de crédibilité de ce voyage entre “amis” tant les choses semblent tendues dès l'origine entre Luke, Hutch, Dom et Phil. Difficile de croire que ces quatre-là aient pu vouloir partir en vacances ensemble. Nevill se rattrape en étoffant le background des personnages et notamment leur condition sociale pour se livrer à une intéressante comparaison des choix de vies de Luke et Dom. Pourtant, ce qui fait la force du Rituel, ce n'est pas vraiment ses personnages mais bien la traque au milieu de nul part et l'évocation régulière d'une ancienne religion nordique quelque part entre rites païens et satanisme. A cet égard, la découverte de la maison perdue dans les bois et la première nuit passée par la bande en son sein font froid dans le dos. La suite va crescendo et les morts finissent par arriver sans que le lecteur puisse vraiment comprendre la nature de la créature. Rythmée et prenante, cette première partie arrive même à livrer des personnages convaincants avec Dom et Luke. Première partie car
le Rituel comporte, malheureusement, deux parties…
Une fois les amis de Luke éliminés,
Adam Nevill opère un choix malheureux et transforme son récit en une sorte de torture-porn mêlant black metal, satanisme et adolescents tête-à-claques. En effet, Luke est emprisonné au coeur d'une vieille bicoque par les trois membres d'un groupe de black metal convaincus d'être appelés par les dieux Nordiques pour accomplir le fameux Rituel du titre. Et là, le récit s'effondre quasiment sur lui-même. D'abord parce que Nevill perd presque totalement de vue le caractère mystique et surnaturel de sa première partie mais aussi parce qu'il enquille les clichés d'une façon désastreuse. Les “méchants” sont en fait des gosses satanistes qui font du black metal et veulent détruire la société moderne trop conformiste pour eux… A côté,
Adam Nevill introduit pourtant une étrange vieille femme et un grenier terrifiant qui détonnent dans cette bande grotesque au possible. Les quelques bons éléments de cette seconde partie sont noyés dans des considérations répétitives sur le désespoir et la rage de Luke tandis que les trois tortionnaires n'en finissent pas d'enquiquiner le lecteur.
Adam Nevill rate complètement la seconde moitié de son roman pour arriver à une fin qu'il aurait aussi bien pu introduire autrement sans délayer son intrigue pour autant…et sans la dénaturer surtout. L'anglais avait déjà une fâcheuse tendance à tirer à la ligne dans la première partie… ce qui ne s'arrange nullement dans la seconde !
le Rituel aurait gagné à une sévère coupe pour se concentrer sur ses véritables forces au lieu de partir dans un numéro grotesque de torture-porn qui n'effraie finalement jamais.
Roman à moitié raté,
le Rituel a la chance d'être un page-turner qui se lit très rapidement.
Adam Nevill a encore un long chemin à faire avant de réussir à comprendre que la véritable horreur ne se niche pas dans le visible mais dans la suggestion et que le nombre de pages ne fait pas la qualité d'un récit. Dommage en regard d'une première partie vraiment prenante et tendue pour le lecteur.
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