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EAN : 9782378941123
112 pages
Les Rêveurs (11/03/2022)
4.43/5   7 notes
Résumé :
Pour sa nouvelle histoire, Lucas Nine dessine le Paris de la Belle Epoque, le Paris des impressionnistes, et cela lui sied à merveille. René Dulac, chroniqueur mondain du quotidien Le Siècle va de fil en aiguille découvrir qu'une bande criminelle parisienne conduit ses opérations macabres depuis le cabaret du Gai Cochon. Encore en fois, l'auteur argentin régale avec son dessin qui rend hommage à Honoré Daumier, en utilisant le trait de crayon avec du fusain pour don... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (5) Ajouter une critique
Lucas Nine s'inspire du style de son père, Carlos Nine. Ses personnages sont flous, ondulants, le trait est vague, les couleurs vaporeuses, parfois un peu sombres, pas toujours très lisibles, mais toujours d'une belle originalité. Dans ce monde de corps flasques et désossés, les personnages semblent nager dans l'air. C'est tantôt aérien, tantôt liquide, et tantôt terreux. Les personnages, silhouettes et décors sont dessinés dans un trait unique sans fin, le crayon ne semble jamais se séparer du papier, comme embarqué dans le récit, qu'il raconte dans ses volutes infinies, comme une écriture automatique sous hypnose créatrice… Un surréalisme onirique que j'aime beaucoup.

Le récit est tout aussi savoureux, bien que les plats servis ne soient pas forcément très appétissants.
René Dulac dit “Le Sueur”, toujours suintant, maigre et dégingandé, doit servir de chaperon pour son collègue du journal, Eugène Concombre, critique d'art à la faconde aussi empesée et volumineuse que sa silhouette. Pour la direction du journal, un accident pour se débarrasser du gros serait souhaitable. Evidemment, ça va tourner au vinaigre.

Il y a une ambiance fin XIXe début XXe, avec une référence aux romans feuilletons de cette époque, ━ Rouletabille est d'ailleurs de la partie, en personnage secondaire ━ ainsi qu'à ces remous artistiques. On peut s'amuser à y dénicher les nombreux clins d'oeils à ses différents mouvements artistiques, de Honoré Daumier au cubisme, en passant par Toulouse-Lautrec ou Degas, Tanguy, Chirico, jusqu'à Francis Bacon et Niki de Saint Phalle (pas de la même époque cependant), avec une étonnante apparition de Claude Monet et quelques autres pétillantes fugacités, une cantatrice qui s'appelle Kastafiore (Tintin), et un poète qui se promène avec son homard (de Nerval). Les dialogues sont formidables, les paroles d'Eugène Concombre sont délectables, savantes et drôles, L'univers fantastique et glaçant s'insère dans l'histoire de l'art, dans les affres de la création, pour dériver par un récit à la Jean Ray, l'horreur devient merveilleuse sous les coups de crayon de Lucas Nine. On va rencontrer en homme cochon, une femme vache, des petites filles rats, un héros mi-grenouille mi-humain dans une monde d'humains, des personnages qui ne semblent pas à leur place, mais qui s'impose à leur manière, pas toujours très légale.

Dans les tentatives de rapprocher le surréalisme du roman feuilleton populaire, initié par Philippe Soupault dans la “Mort de Nick Carter” (tentative que je trouve ratée), cette bande dessinée fait bonne figure au côté du génial “Nick Carter et André Breton - Une enquête surréaliste” de David B., modèle du genre.

Le récit est onirique, fou et cultivé, l'image nous immerge dans cet univers, on se laisse bercer par son surréalisme, par les forces créatrices en jeu dans une action de roman noir et fantastique d'une étrange intensité, cette bande dessinée est un petit ovni littéraire.
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Le Paris fiévreux de la Belle Époque est celui des bouillon Kub et du papier Job affichés sur les colonnes Morris. Celui des guinguettes, des apaches et des cocottes, de l'art et de ses conceptualisations en « isme » qui prêtent à l'ironie : « couillisme », « cochonisme », « kubisme » (du bouillon Kub pour la dénonciation de la « dure géométrie du rectangle germanique »)

S'agissant du fabuleux graphisme : les corps et les formes sont torturées, les « gueules funambulesques » dans une sorte de dramaturgie des volutes à la Francis Bacon. Les scènes semblent peintes sur le vif avec une acuité troublante.

Le trait, continu et fébrile, relève de l'esquisse : un brouillon qui se trouverait figé. La palette des couleurs, sagement terne, aux tons bruns, gris, accompagne le récit.

La figure tutélaire De Toulouse-Lautrec plane alors qu'un aéropage de 3 fées clochette, danseuses diaphanes, sorti de l'atelier de Degas, a élu domicile sur les toits de Paris.

Au détour, il est fait mention des « chairs » de Boucher, qualifié de central dans la peinture française, de Monet devant son chevalet et un parterre de nymphéas

Eugene Concombre, critique d'art à l'embonpoint notable et René Dulac alias René La Sueur, batracien filiforme et chroniqueur mondain, accueillent au siège du journal le Siècle un nouvel embauché enquêteur-journaliste : Rouletabille, sorte de Tintin à la houppette.

Après s'être encanaillé dans un des multiples lupanars parisiens pour y voir Henri le cochon alias marquis de Porcignoles, se trémousser sur scène avec une cocotte à la frimousse de Vache-qui-rit, Eugene est assassiné de manière concomitante avec le vol des bijoux de la Kastafiore.

L'enterrement a lieu au cimetière du Père Lachaise, à l'ombre du buste De Balzac

Un clin d'oeil à Max Weber et sa théorie du protestantisme dans la construction du capitalisme vient étayer une féroce satire de la bourgeoisie de l'époque. Ces bourgeois qui ne « lâchent pas un sou parce qu'ils économisent pour leur mausolée »

Avant de prévenir : « Il n'y a rien de plus dangereux qu'un bourgeois qui a peur »

A lire et à relire doucement pour bien percevoir l'ensemble des références qui s'insinuent dans le récit. Remarquable.
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De l'art ou du cochon ? interroge avec humour @martinj lecteur et amateur de ce Delicatessen qui... tranche heureusement dans le paysage de la bande dessinée. Dans le Paris de la Belle Époque, une bande d'apaches affole les riches, excite les journalistes et nourrit à son tour les rangs d'une bourgeoisie  parvenue et dévoyée. À l'âge de la presse triomphante et des feuilletons haletants, le crime serait-il un art ? Delicatessen plonge dans la Belle Époque et ses contraires. Les décors, des palais aux bas-fonds de Paris, nous aimantent, peuplés de personnages comme sortis d'une fable. le traitement animalier perce les caractères, tisse une comédie (in)humaine et une satire sociale à couteaux tirés. Un bal (dé)masqué riche de personnages tous (ou pas !) plus vrais que nature, d'un Rouletabille façon Tintin au homard de Nerval. Surprenant et captivant.
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Laurent Marguliew (sur le blog de l'auteur):

"Monde rond et aérien et gracile d'un ballet mais plein de grosses "vaches" et ceux qui y ressemblent. Tout cela semble s'accorder comme monde pareil que dans "Budapest" mais de de même il y a des "cochonneries" et voire à défaut du royaume du Veau d'Or celui du cochon sacré, le cochon réjoui peut être tire-lire et de la ferme des animaux d'Orwell.
Dans vos mondes de carnavals des fous, Lucas, des sociétés décadentes ce qui ramène à Huysmans, décadentes parce que dans une ivresse de la fête morbide trouverais je plutôt, le rire, le plaisir y deviennent de plus en plus gras d'où en venir à M. Cochon lui même, cochon décadent lui aussi, tant et si bien qu'il se dévoile sur scène, déshabillage en douceur et suavité de la mariée déshabillée par ses célibataires mêmes, trois petits tours innocents d'une rondeur toute rose plus gracile que l'on ne l'imaginait d'un cochon, développements, enveloppements bien de vos personnages par votre trait.
Et dans vos sociétés forcément un peu balzaciennes il y a quelque chose de pourri au royaume du Danemark, tant des petits défauts et petits vices et,cause à effet ? le complot du coeur même de ce qui réunit ou réjouit cette société, nous, lecteurs, compris, assistant aux manigances et en redemandant encore !
Avez vous pensé que est-ce de l'art ou du cochon, les deux ici, dans ce Paris décadent et floride quand le cochon, lui, c'est du lard ?

Enfin, dans Budapest, le complot venait des objets, des choses si je me réfère à Pérec. Se vendre pour prendre possession du monde puis avaler ce monde qui ne tenait qu'à un fil. J'en ai déjà parlé. Ici le cochon et la mangeaille vend la mangeaille pour un complot. Passer du monde des objets qui conspirent à celui de l'aliment de même, c'était logique ! Tout ce que nous croyons qui nous sert nous vise en fait ! Mais la lutte est chez vous burlesque, une burlesque iliade cependant , carnaval shop du Croquemitaine (voir Borges inspecteur de volaille). Dans "Delicatessen" même cabaret burlesque, antre du rire monstrueux de tous des monstres, non ?

Vos personnages dansent tous sous votre crayon, du ballet de monsieur Jourdain jusqu' au jeu du cochon pendu mais là pour Nerval pendu par son cochon. Les petites rats de l'opéra ont toutes un défaut pour que l'opéra les rejette mais peut être pas M. Degas pour la parodie même sublimée de la parodie déjà de nos univers et leurs membres me risquerais à écrire. le comique ici fait peur et il peut être sérieux avec des méthodes et des visées de cochons de Yankee ou du moins d'impérialistes. le ballet est aérien et ramasse les miettes aussi. Quand il est rose ou du Bolchoï, c'est la parade de la gymnastique.

Deux entrées chez Cochon et son repaire : la fêtarde artistique et l'autre, comploteuse et criminelle, toutes deux pour des domaines où il promène sa rondeur rassurante et aussi dégoûtante avec toujours son esthétisme de dandy ! Inspiration de "L'homme qui rit" de Victor Hugo pour votre "Vache qui rit" ?

Lien : https://lucasnine.blogspot.c..
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J'avais mis un peu de temps à m'habituer au style assez génial de Carlos NINE avec ses personnages animaux, ses maisons théières, ces flics pris dans les affres de femmes manipulatrices. le fils "Lucas" reprend certains aspects graphiques, c'est indéniable comme le cochon ou cet homme grenouille, mais il y ajoute son style avec de la photo retravaillée et des clins d'oeils et renvois aux mouvements picturaux. On croise aussi bien les nénuphars que les danseuses, on parle de cubisme et de théâtre. Un peu déroutant également.
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