Mélanger les genres et faire que la sororité et le féminisme rejoignent le western, pourquoi pas, cela donne parfois de belles surprises. Et c'est avec le souvenir des belles lectures de
Calamity Jane,
Glendon Swarthout,
Ron Rash,
Céline Minard ou
Marion Brunet – sans oublier Astier et sa venin – que j'ai plongé dans
Hors-la-loi de
Anna North, traduit par
Jean Esch.
Quittant foyer et famille pour échapper aux sévices mortels promis aux sorcières ne pouvant donner d'enfant à leur mari, Ada trouve refuge dans les Big Horns du Wyoming, parmi les femmes du gang du Hole in the Wall et leur chef le Kid qui les a recueillies une à une et veille sur elles avec bienveillance entre deux hold-ups.
Ada s'y épanouit et entrevoit son rêve de se rendre un jour dans le Colorado pour y rencontrer Alice Schaeffer, la sage-femme américaine la plus en pointe sur la santé des femmes en cette fin de XIXe siècle, afin d'apporter, comme sa mère avant elle, sa part d'assistance à ses soeurs.
Encore faut-il réussir le dernier gros coup avec le Kid et la bande, qui les rendra riches et libres d'atteindre leurs rêves respectifs et pour Ada, une forme de rédemption et de quiétude tant attendue.
C'est une lecture surprenante que ce livre qui mélange épopée épique d'une bande de
hors-la-loi avec tous les codes du genre (braquages, poursuites, shérifs, chariots, chevaux, pendaisons…) et thèmes féministes transplantés à une époque où on ne les appréhendait probablement pas encore tels-quels.
North parsème ainsi sa trame romanesque d'évocations des troubles de la santé féminine, de l'infécondité (et de la sorcellerie qui y est alors associée), de l'émancipation, de l'avortement, de l'homosexualité ou des changements de genre. Sans oublier la culpabilité qui en retombe sur les femmes et reste toujours difficile à transposer.
« Si tu sais pourquoi ce drame est arrivé, si tu peux rejeter la faute sur quelqu'un ou quelque chose, parfois c'est suffisant pour te permettre de continuer à vivre. »
Tout cela fait parfois un peu beaucoup au regard de l'époque, mais ça fonctionne. J'aurais cependant aimé une tonalité encore plus sombre pour donner davantage de souffle qui manque parfois. Reste cependant une lecture originale et plaisante mais qui me laisse un peu sur ma faim…