«
Faune » (2005, Gallimard – L'Arpenteur, 160 p.) est un petit recueil, écrit par
Gaëlle Obiégly, de 80 courts textes, tous faisant référence à des animaux, de l'agneau au zoo. « Je me suis rendu compte que chaque épisode avait quelque chose à voir avec l'animal, réel ou légendaire. Quelqu'un qui lirait les titres, en tête du volume, pourrait se dire qu'il a affaire à un bestiaire. S'il lisait les récits sans se préoccuper des titres, il verrait qu'il s'agit d'êtres humains. Il y a des gens qui font de l'anthropomorphisme avec les animaux, moi je préfère faire l'inverse ».
Née en 1971, adolescente, elle était « la fille la plus silencieuse du lycée ». Aujourd'hui, cette jeune femme secrète et obstinée confirme dans son quatrième livre, «
Faune » une parole authentique et sans concession. En effet, depuis l'âge de 15 ans,
Gaëlle Obiégly écrit « sans rien montrer à personne ». le premier texte qu'elle a envoyé à un éditeur, en 1999, a aussitôt été accepté par Gallimard, dans la collection « L'Arpenteur » de Gérard Bourgadier, avec un très long titre « Petite figurine en biscuit qui tourne sur elle-même dans sa boîte à musique » (2000, Gallimard L'Arpenteur, 132 p.). Il faut dire que la première phrase est assez accrocheuse. « Je suis partie un dimanche après-midi pour Saint-Pétersbourg voir mon père sur son lit de mort. Devant la porte du crématorium j'ai renoncé ». Un grand-père paternel venu de Pologne, une famille maternelle venue de l'« Ouest granitique », en fait des environs de Chartres. le tout est évoqué dans un roman abrupt et douloureux «
Gens de Beauce » (2003, Gallimard L'Arpenteur, 208 p.) qui nous introduit et entraine dans sa région natale, près de Chartres. Entre-temps, un autre livre, violent comme une venue au monde et à la parole, intitulé « le Vingt et Un Août » (2001, Gallimard L'Arpenteur, 180 p.), soit le jour de sa naissance. La narratrice, à moitié mythomane, décide de tout avouer. Elle se souvient d'avoir commencé à mentir vers quinze ans, alors que sa famille l'a placé en internat. A Gamin, qu'elle vient de rencontrer, elle décide de tout avouer. Suit une année entière d'agitation pendant laquelle elle prépare sa libération. Mais enfin, elle parle.
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Faune », suite de 80 textes sur des animaux, du labrador au Minotaure, mais il n'y a pas qu la
faune, il y a aussi la flore avec l'araucaria, le jardin, le pissenlit ou les violettes. Où classer l'hermaphrodite ou peau d'âne ou encore le sphinx et la chimère ? Il est vrai que la chimère vient après le chat noir et les chauves-souris. Mais on a évité le mistigri, et le nain jaune. Au rayon cheval, il est surtout question de chevalière (« en or massif »). de même que pour l'article chimère, il s'agit d'un acte familial, « ma mère joyeuse embrasse mon père, je crois qu'il va être heureux ». C'était en mai 1981, à l'occasion de l'élection du nouveau président de la république. « Cochon d'Inde » ou « Cochon-dinde », le distinguo est subtil, surtout que la bestiole est installée dans « une cage à tourterelles ».
« Violette est le nom de mon intérieur. Je suis violette en dedans, ma chair ». En fait, c'est parce qu'elle dénonce son père qui boit en cachette « on aurait dû t'appeler Violette » en référence à Violette Nozière, « le monstre en jupon », empoisonneuse et parricide, presque matricide, à 18 ans. Mais c'était en 1933. de son enfance,
Gaëlle Obiégly n'en a gardé que « la faculté de voir ce que personne ne voit ». Pas comme son frère qui « arrive de se planter devant des petits massifs de violettes sauvages au bord des champs et de pisser dessus agilement ». et vis-à-vis des autres, « Il y a des animaux qui m'apparaissent quand je regarde les humains, des animaux précis. »
Au rayon « Dromadaires », on peut lire ce texte que j'adore. « Ma mère me coud une robe longue en plumetis rose. Je vais faire partie du cortège de la Reine du Printemps. Je serai assise à ses pieds, sur son char qui défilera dans les rues. le jour J, nous sommes plusieurs enfants décoratifs. Je ne parle à personne, je ne chahute pas, ma grand-mère vient m'embrasser, je la repousse, je regarde devant moi, je suis image, j'accompagne en silence. Alors que ma mère coud mon habit, un Arabe frappe avant d'entrer par la porte-fenêtre ouverte. Il vend des tapis. Ma mère n'en veut pas. Il demande s'il peut me regarder. Il propose à ma mère de m'échanger contre deux dromadaires. Ma mère accepte, elle sourit. Je crois que l'homme va revenir et m'emmener. Que va-t-elle faire des deux dromadaires ? Depuis, je sens que j'épouserai un étranger ». le texte est bref, et son introduction et sa conclusion, sont sans beaucoup d'intérêt littéraire. En contrepartie le texte sur « Chameau » ne comporte pas d'Arabe intrinsèquement bossu. C'est à cela qu'on distingue les deux animaux.
Par contre, cela me remet en mémoire, une anecdote rapportée par
Tomi Ungerer, l'auteur de livres pour (mais pas que) enfants, tels que «
Jean de la Lune » (1981, L'Ecole des Loisirs, 39 p.) ou «
Les Trois Brigands » (1998, L'Ecole des Loisirs, 39 p.). On réservera « Fornicon » (1969, Rhinoceros Press, 62 p.) pour les adultes. Un jour ensoleillé, donc, dans le Jardin du Luxembourg, il aborde une dame qui promenait une poussette, et s'extasie devant le bébé. « Quel beau bébé ! Il est à vendre, ce beau bébé ? / Non, pourquoi voulez-vous l'acheter ? / – Pour le manger ».