J'éprouve toujours une certaine appréhension quand j'ouvre le roman d'un auteur que j'adore. D'une part, il y a une impatience, une excitation même, à retrouver un univers, des personnages, une plume, un(e) ami(e). Et d'autre part, il y a ce risque – minime mais réel - que la mayonnaise ne prenne pas, que la magie n'opère pas … Mais bon quand on aime il faut partir. Ah non, pardon rien à voir. Quand on aime il faut se lancer. Alors un deux trois, on y va …
L'univers d'
Ogawa, oui, je l'ai bien retrouvé. Avec ses termes de prédilection: l'identité, la mémoire, le (presque) silence, la musique (peut-on vraiment parler de musique quand du vieil harmonium ne s'échappent plus que des souffles), les bricolages en papier, les histoires inventées par les personnages, l'absence d'un être cher, la réclusion loin (peut-être devrais-je écrire à l'abri, quoique …) de la société.
Des personnages fragiles, délicats et si légers qu'ils en deviennent évanescents. Et cette atmosphère étrange qui se propage peu à peu et teinte les situations de merveilleux, presque de féerie. Oui c'est bien tout l'univers de mon amie Yoko.
Par contre la plume d'
Ogawa, je ne l'ai pas retrouvée du tout … le texte est très explicatif, trop pour moi, et très descriptif. Les phrases sont lourdes et explicites. Je n'avais jamais remarqué cette lourdeur auparavant. J'ai même été vérifiée si les autres livres étaient traduits par la même personne. Ben oui. Maintenant difficile de savoir où le bât blesse : dans la traduction ou dans le texte original.
Néanmoins on referme le livre avec quelques questions tout de même : pourquoi le nom du héros change-t-il d'Ambre, à l'enfance, à Monsieur Amber, à l'âge adulte ? Pourquoi ne pas l'avoir appelé « Monsieur Ambre » tout simplement ? Question de traduction ? Ou volonté de l'auteure ?
Et
la mère, ce personnage étrange, cette grande absente qui pourtant occupe tout le roman, en transparence. N'est-elle pas dérangée psychologiquement ? Sous son apparence lisse ne se cache-t-il pas un monstre ? N'a-t-elle pas tué la benjamine ?
La mère qui s'en va travailler avec une pioche sur le dos, en cas de mauvaise rencontre.
La mère qui a tué un chien à coups de pieds dans les flancs pour avoir léché sa fille benjamine.
La mère qui emmène ses enfants dans un endroit retiré comme si elle fuyait la police - ou sa mauvaise conscience - et les tient éloignés de tout contact avec le monde extérieur.
La mère qui interdit aux enfants de parler fort ou émettre des bruits intempestifs, au point que les enfants auront les cordes vocales atrophiées et deviendront incapables d'émettre un rire …
La mère qui ordonne aux enfants d'oublier leur prénom d'origine, de ne plus l'utiliser. Quoi de plus terrible de demander à quelqu'un d'abandonner son prénom, c'est-à-dire une part de son histoire et une partie essentielle de son identité ?
Et derrière cette fausse apparence de douceur, d'enfance feutrée se dessine peu à peu, insidieusement, un tableau glaçant.
Ces questionnements en filigrane sont, je l'avoue, certainement des bouts de bois auxquels je m'accroche, car je vois là-bas au loin s'éloigner mon amour pour
Ogawa. Amour que je voudrais poursuivre, le temps d'un roman ou deux encore, en souvenir du bon vieux temps. Mais voilà l'histoire s'achève possiblement ici.
Et je reste avec Ambre qui jette des gratterons par-dessus la muraille, avec l'espoir qu'ils s'envolent loin, loin, loin de la maison, de la forêt, qu'ils aillent jusqu'au bout du monde pour commencer une nouvelle vie ….