[Cette critique sera probablement republiée sur mon blog à la fin de l'année.]
Livre reçu grâce à Masse Critique, le meilleur ami des bolchéviques !
C'est le printemps, les fleurs bourgeonnent, mon ongle incarné aussi, et tous ceux qui lèvent un peu les yeux de leur magazine de fond de Biocoop constatent que les paysans n'en ont pas grand-chose à cirer des cheminées thermo-cosmiques. Que diantre arrive-t-il aux vilains pour qu'il eussoissent si grise mine ? Mais la lutte des classes, camarade !
Voilà bien trop longtemps que les agriculteurs et consorts sont exploités par une bureaucratie capitaliste de plus en plus intenable pour quiconque aime autre chose que faire du chiffre. Avec ferveur, ironie et sarcasme, le berger anarchiste
Yannick Ogor dénonce ici la décrépitude des campagnes françaises, fustigeant aussi bien les industriels et leur logique déshumanisante que les écologistes qui selon lui ne font rien d'autre que donner ou dans un romantisme échevelé ou dans un rationalisme arbitraire, dans tous les cas une idéologie coupée des réalités du terrain. Et c'est sans doute sur ce point que je le rejoins moins : il y a là pour moi une confusion entre l'écologie officielle, européenne, capitaliste et provoquée au nom d'un soi-disant développement durable (pour le plus gros du greenwashing), et celle « alternative », faite de collapsologues, de décroissantistes, ou encore de ceux qui justement prônent le retour d'une agriculture à l'ancienne. le fait de mesurer le vivant par des chiffres et des données, qui resteront il est vrai à jamais imparfaits, n'est selon moi en rien incompatible avec le fait d'observer la nature ou d'estimer ses dégâts de matière empirique ; au contraire, ces approches devraient pour moi être complémentaires.
Quitte à râler, disons aussi que l'édition oublie de justifier certaines notes en bas de page, n'utilise pas d'alinéas et aurait mérité un glossaire à la fin pour mémoriser les différents acteurs et syndicats. Sinon, c'est du travail tout à fait sérieux à un prix abordable, avec une belle couverture sans plastique.
Et pour le reste, on a là un pamphlet juste, intelligent et complexe, se terminant par une lettre marquante et dotée d'un humour féroce, qui ne cache / gâche pas sa colère derrière de vains discours, mais va droit au but en nous apprenant énormément sur les dessous de la start-up paysannerie imposée depuis des années à ceux qui voulaient juste poursuivre le métier de leurs parents. Reste à espérer qu'ils choisiront de rejoindre la convergence des luttes…