Comme j'effectue des recherches sur le Tadla, j'empruntais à la bibliothèque ce livre d'
Erik Orsenna car j'avais découvert qu'il était passé au Tadla. Enfin je tenais un sujet fort, un académicien au Tadla – quand
Daniel Rondeau, en 1996, traversa le Tadla sans s'y arrêter, il n'était pas encore académicien, mais déjà aveugle pour y voir des choses inexistantes et ne pas voir l'existant.
Erik Orsenna est accompagné par deux agronomes dont Marcel
Kuper dont on peut lire des publications sur les problèmes hydriques au Tadla sur internet, ce qui n'exonère pas
Erik Orsenna d'être scientifiquement inexact sur de nombreux points, ce qui pollue le propos par ailleurs fluide, alerte, enjoué. Contrairement à
Daniel Rondeau, il s'arrête, sort de la voiture, regarde mais tout cela est très superficiel. « Un moteur de voiture tournait à plein régime, entraînant une courroie horizontale, elle-même entraînant un tube qui s'enfonçait progressivement dans le sol. » (pages 272/273), les forages sont effectués par des camions qui forent, le moteur de voiture, souvent de R25, pompe l'eau une fois le forage effectué, ils n'entraînent pas un tube qui s'enfonce dans le sol, et si le moteur s'arrête l'eau ne coule plus, c'est pour cela qu'en balade dans la campagne au Tadla l'air est saturé du bruit des pompes fonctionnant avec des moteurs alimentés au gaz en bonbonne.
« Je me préparai donc au double regard. Chaque réalité rencontrée, j'allais m'obliger à la considérer deux fois : telle qu'en elle-même aujourd'hui et telle qu'elle serait plus tard, voire bientôt, si les évolutions néfastes n'étaient pas à temps combattues. » (page 257).
Erik Orsenna est-il retourné au Tadla quinze ans après l'écriture de ce livre ? Les barrages sont de plus en plus vides, le « Plan pour un Maroc vert » vire à l'ocre, des fleuves ne voient plus la mer ou l'océan, les agriculteurs doivent forer de plus en plus profond pour trouver de l'eau, l'eau de surface disparaît, on le voit, mais l'eau des nappes phréatiques également, on s'en aperçoit moins.
Erik Orsenna précise qu'il est « optimiste de nature et par morale » (page 402) même s'il sent sourdre en lui l'angoisse de l'épuisement de la terre (des terres cultivables pour nourrir les Hommes). Voilà le problème des optimistes pragmatiques macroniens, ne pas voir que la catastrophe écologique est derrière nous, que les bassins de stockage d'eau, que l'irrigation forcenée productiviste, que le pompage immodéré des nappes phréatiques, que s'adosser à une pensée obsolète héritée des « Lumières », conduisent à la mort et n'apportent aucune solution.
« Un point de vue global ne raconte rien d'utile. Pour servir à quelque chose, toute analyse doit se référer à des réalités locales. » (page 256), cela semble réfléchi et irréfléchi, de quelle utilité parle
Erik Orsenna ? L'Afrique étant le continent le moins émetteur de gaz à effet de serre, souffre terriblement des conséquences de cet effet de serre anthropique, bien énoncées par
Erik Orsenna, mais ... c'est le rapport du GIEC … recopié ; si pour l'eau, l'économiser au Canada ne changera pas la problématique hydrique au Maroc, les scientifiques du quai Conti savent incontestablement que la distribution des précipitations dépend essentiellement du global, la petite forêt locale étant anecdotique dans cette distribution. La difficulté étant aujourd'hui de penser global, de ne pas parcelliser les analyses qui amènent à l'illusion d'une solution.
Erik Orsenna, tu passes quand tu veux me voir au Tadla, on ira à bicyclette voir des paysans et tu verras des choses que tes accompagnateurs de 2008 ne t'ont pas montrées, dites, que le goutte à goutte est une catastrophe donnant l'illusion d'économies, par exemple (les appareils sobres en énergie électrique étant plus nombreux, plus utilisés, au final la consommation d'électricité est plus importante, pour le goutte à goutte c'est la même chose). Il n'y aura pas de pigeons au repas, juste des lentilles, tu verras comme c'est délicieux et sain. Cela m'a réjoui de te lire malgré les erreurs.
J'ai mis en ligne les extraits sur le Tadla, avec des photographies et une vidéo (voir lien, ici : https://sites.google.com/view/kasba-tadla/accueil)