Ce livre m'a bouleversée, d'où ma difficulté à le chroniquer. Je n'ai toujours pas fini de le lire… J'ai regardé l'excellent documentaire d'ARTE en 2018. Je ne me résous pas à l'enfermer dans mes interprétations subjectives, voire à le trahir avec mes gros sabots.
Amos Oz nous raconte son histoire qui s'imbrique avec l'histoire des juifs et d'Israël.
Pauvre petit Amos, reclus dans cet appartement sombre de 30m2, à Kerem Avraham – Jérusalem, dans une ambiance pesante : un père qui parle sans arrêt, ne supporte pas le silence, abuse des jeux de mots ; une mère belle, mélancolique, prodigue en contes cruels, qui se suicide à trente-huit ans.
Je me suis attachée à cet enfant unique, solitaire, adulé dans un monde d'adultes, qui fait figure de prodige bien sage, bien élevé alors qu'il cache bien son jeu. Il fait croire qu'il sait lire alors qu'il a juste appris par coeur. Chez Mala et Staszek Rudnicki, il mime tellement bien le ravissement devant le gâteau qu'il a droit à la surprise : la limonade maison écoeurante de sucre ! Il remercie traitreusement, et en catimini, verse le breuvage dans le pot à fleurs !
Il rêve d'être un livre :
« Enfant, j'espérais devenir un livre quand je serais grand. Pas un écrivain, un livre : les hommes se font tuer comme des fourmis. Les écrivains aussi. Mais un livre, même si on le détruisait méthodiquement, il en subsisterait toujours quelque part un exemplaire qui ressusciterait sur une étagère, au fond d'un rayonnage dans quelque bibliothèque perdue, à Reykjavik, Valladolid ou Vancouver ». (p.29)
D'Odessa à Vilnius ou Rovno (Russie, Ukraine, Lituanie, Pologne), sa famille qui fait partie de l'élite intellectuelle juive, persécutée par l'antisémitisme, se crée un rempart contre l'adversité avec les livres qui tiennent lieu de patrie et Dieu.
Déclaration du grand-père Alexandre : « Je hais Dieu ! Puisse-t-il mourir ! La canaille de Berlin a brûlé, mais il y a un autre Hitler là-haut ! Bien pire ! « Nu, chto » ! Il se moque de nous, le salaud ! » (p.370-1)
Les grands-parents d'Amos n'émigrent pas volontairement en Palestine. Leur « terre promise » c'est l'Europe. Ils ont aussi postulé aussi pour les Etats-Unis. Mais, les quotas sont atteints, on ne veut plus de juifs.
« Là-bas, dans le monde, les murs étaient couverts de graffitis haineux : « Sale youpin, va-t'en en Palestine », alors nous sommes allés en Palestine et aujourd'hui, le mondeentier nous crie : « Sale youpin, va-t'en de Palestine » (p.12)
Amos se réfugie dans sa bulle, avec ses guerres à lui, avec encrier, gomme, taille-crayon, stylos, carnets, trombones, punaises, coussins, allumettes, couverts, dominos, chiffons, sparadrap, cure-dents, brosse à dents, épingles à cheveux, papier toilettes, boites…, tout ce qui lui tombe sous la main.
Un jour de sabbat, sa mère achète une carpe qu'elle conserve vivante dans la baignoire.
« Un jour, alors que j'étais seul à la maison, j'avais décidé de distraire la carpe qui se morfondait avec des îles, des détroits, des écueils et des récifs, sous la forme de divers ustensiles de cuisine que j'avais immergés dans l'eau de la baignoire. Avec la patience et l'acharnement du capitaine Achab, j'avais longtemps poursuivi, à l'aide d'une louche, mon Moby Dick qui s'échappait grâce aux cachettes sous-marines que j'avais semées pour lui au fond de la mer ». (p.224)
Autant je me suis attachée à l'enfant, autant je garde mes distances par rapport à l'adulte, sans pour autant remettre en cause ses qualités d'écrivain.
Amos Oz dit que le besoin d'écriture nait d'une blessure profonde. Il ne se remet jamais du suicide de sa mère qui l'a abandonné, en claquant la porte. Il est constamment dans l'opposition.
A seize ans, contre l'avis de son père et de sa famille qui sont « révisionnistes » (sionistes de droite), il part au kibboutz Houlda, où il restera trente et un an (1954 – 1985). Il change son nom Klausner en Oz, qui signifie la force.
Amos Oz milite publiquement pour la paix, pour deux états, mais il défend essentiellement l'intérêt des juifs.
Il cite crument la devise de sa grand-mère Schlomit : « le Levant est infesté de microbes » (p.44)
Il n'a aucune accointance avec les arabes. Dans
Une histoire d'amour et de ténèbres, il ne les approche que dans deux épisodes. Dans le premier, il est enfant et s'est perdu dans un magasin, c'est un arabe gentil qui le libère du placard où il est enfermé. Dans le deuxième, il a dans les neuf ans, il se rend avec Mala et Staszek Rudnicki, à une réception chez des arabes riches, les Silwani. Il a une discussion étrange (vu son âge) avec une jeune adolescente arabe, dont il blesse involontairement le petit frère. Cette anecdote me semble floue. Cette famille arabe reste un mystère pour lui : « Je leur parlais souvent en moi-même » (p.401).
Amos Oz présente deux peuples bannis : les juifs et les palestiniens qui se retrouvent à partager un même territoire, alors qu'il s'agit de deux peuples incapables de communiquer entre eux. Il ne blâme pas les arabes, mais à la guerre comme à la guerre.
« - Des assassins ? Mais qu'aurais-tu voulu qu'ils fassent ? de leur point de vue, nous sommes des extraterrestres qui avons envahi leur pays et le grignotons petit à petit. [...] Qu'est-ce que tu croyais ? Qu'ils allaient nous remercier ? Qu'ils nous accueilleraient en fanfare ? Qu'ils nous remettraient respectueusement les clés du pays sous prétexte que nos ancêtres y vivaient autrefois ? En quoi est-ce extraordinaire qu'ils aient pris les armes contre nous ? Et maintenant que nous les avons battus et que des centaines de milliers d'entre eux vivent dans des camps, penses-tu vraiment qu'ils vont se réjouir avec nous et nous souhaiter bonne chance ?
[...]
-- Et si les fedayin débarquaient maintenant ?
--Dans ce cas, soupira Ephraim, « ey bien », il faudra nous aplatir dans la boue et tirer. Et on aura intérêt à tirer mieux et plus vite. Pas parce que ce sont des assassins, mais pour la simple raison que nous avons également le droit de vivre et d'avoir un pays à nous." (p.450-1)
Il aurait fallu avant de voter à l'ONU, en 1948, la création d'Israël, établir un dialogue constructif entre les arabes et les juifs.
Israël est technologiquement un des pays les plus avancés au monde.
Les palestiniens sont démunis face à une telle force de frappe.
Je plaide la cause du peuple palestinien, l'arrêt du génocide.
Je prie pour la paix.