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Critiques filtrées sur 5 étoiles  
D'Orhan Pamuk, Prix Nobel de Littérature 2006, je n'avais lu que La Femme aux cheveux roux, un roman que j'avais beaucoup apprécié. Mon expérience avec cet immense écrivain turc en restait là alors que le choix ne manque pas, quand je tombe sur un lot de livres « désherbés » par ma médiathèque.
Le nom de l'auteur fait tilt et je sauve aussitôt du pilon Istanbul Souvenirs d'une ville, un livre dense et illustré par de nombreuses photos dans lequel Orhan Pamuk confie ses souvenirs de jeunesse et communique surtout tout ce qu'il éprouve à propos de sa ville natale. En trente-sept chapitres denses, à l'écriture soignée, prenante, captivante – bravo aux trois traducteurs : Savas Semirel, Valérie Gay-Aksoy et Jean-François Pérouse ! – Orhan Pamuk partage son ressenti sur Istanbul et m'emmène dans quantité de rues, de quartiers qui se sont transformés, occidentalisés dans la seconde moitié du XXe siècle. L'auteur le précise bien : il écrit ce livre à la cinquantaine, en 2002-2003, à Istanbul.
Au début, c'est surtout sa famille qui tient le devant de la scène. Alors que j'ai l'impression que les Pamuk, mot qui, en turc, signifie coton, font partie des gens aisés, je constate peu à peu qu'ils sont plutôt dans la classe moyenne, une bourgeoisie qui se paie quand même domestiques, concierge, cuisinière et habite un immeuble tout entier, l'immeuble Pamuk. Au gré des fâcheries ou des aléas de la vie, la famille d'Orhan peut aller vivre dans un autre appartement puis revenir au bercail.
Orhan, né le 7 juin 1952, raconte sa petite enfance d'après ce que d'autres lui ont dit. Ce sont donc des souvenirs qui, comme tous les souvenirs, diffèrent de la réalité.
Dans cet immeuble de cinq étages, vivent plusieurs générations et Orhan ne se prive pas de se réfugier auprès de sa grand-mère paternelle. le grand-père, disparu prématurément, avait amassé une immense fortune que le père et l'oncle d'Orhan ont dilapidée en partie dans plusieurs faillites.
Il faut lire tous ces démêlés familiaux qui m'emmènent jusqu'à la discussion, la dispute finale entre Orhan et sa mère au sujet de son avenir. Mêlé à tout cela, prenant de plus en plus d'importance, c'est la découverte d'Istanbul, le retour sur le passé avec ces konaks, palais en bois qui brûlent ou s'effondrent au fil les ans.
Orhan Pamuk livre ici des descriptions soignées, précises, pleines de nostalgie, toujours réalistes d'une ville qui grandit soudain trop vite et qu'il arpente de jour comme de nuit.
Bien sûr, le Bosphore – du turc Boğaz, la gorge – tient la vedette. Que ce soit depuis la ville, en barque, en vapur ou en motor (bateau privé de taille modeste), le Bosphore est le témoin d'une civilisation somptueuse disparue.
Débutent alors les références passionnantes de l'auteur avec des peintres comme Melling qui représente Constantinople en 1819. C'est dans ces quarante-huit gravures qu'Orhan Pamuk retrouve tous ses souvenirs d'enfance. Lorsque l'auteur sera dans sa période de peinture, il fera allusion à Utrillo, à Matisse, à Bonnard.
Dans ce tableau complet de la vie des Stambouliotes, Orhan Pamuk met en exergue ce fameux hüzün, sentiment à la fois négatif et positif, sorte de mélancolie, de tristesse proche de la dépression.
C'est le moment, pour l'auteur, de sortir de l'oubli quatre écrivains du hüzün : Abdüllak Şinasi Hisar (mémorialiste), Yahya Kemal (poète), Ahmet Hamdi Tanpınar (romancier) et Reşat Ekrem Koçu (journaliste et écrivain, auteur de la fameuse Encyclopédie d'Istanbul). Tous les quatre émerveillés par la littérature française, ils ont joué un rôle important mais sont morts seuls, jamais mariés, sans enfant. Orhan Pamuk leur ajoute Ahmet Rasim et les autres épistoliers urbains, pleins de joie de vivre, qui ont écrit sur la ville et la vie de ses habitants.
Avec les auteurs du cru, ce sont Gérard de Nerval et Théophile Gautier qui retiennent l'attention de l'auteur. Il réalise une belle et complète évocation de ces deux écrivains français qui ont séjourné dans sa ville. Il évoque aussi plus loin Pierre Loti et André Gide. le premier regrette l'occidentalisation des Stambouliotes alors que le second n'est pas turcophile. Que de références littéraires ! C'est savoureux !
Quand il revient à lui, l'auteur se confie avec beaucoup de spontanéité et de franchise, détaillant ses sentiments à propos de la religion, parlant de son éveil au sexe et de son amour pour celle qu'il nomme Rose Noire.
Istanbul Souvenirs d'une ville est une introspection poussée, une visite passionnante de l'ancienne Byzance, visite que beaucoup aimeraient accomplir avec Orhan Pamuk comme guide parce que différente des circuits touristiques. C'est une lecture riche en enseignements, une lecture captivante de bout en bout.

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C'est un des ces livres qui me réconcilie avec la Littérature, la vraie. Ohran Pamuk revient ici sur sa vie qu'il entrecroise avec celle de sa ville natale. Istanbul fait partie de lui-même, est indissociable de son Être. Curieux destin que celui de cette cité. Comme il y revient souvent, Istanbul souffre de deux maux qu'il analyse dans son livre : Être à la charnière entre l'Orient et l'Occident, et entre deux régimes, la chute de l'Empire Ottoman et la naissance d'une République autoritaire. Passer de capitale flamboyante à une ville provinciale décadente, se cherchant un avenir. Pamuk n'est pas tendre non plus avec lui-même. Il ne cache rien de sa jeunesse relativement dorée, issue d'une famille bourgeoise mais décadente aussi, à l'image de la ville. Sans arrêt, ses questionnements d'enfant, d'adolescent, d'adulte, se font à l'aune de cette ville, se cherchant elle-aussi un avenir, plutôt tourné vers une occidentalisation outrancière.
Ses contemplations du Bosphore et ses errances à travers les rues poussiéreuses dont les vestiges du passé s'écroulent les uns après les autres, nourrissent ses propres questionnements sur son être et son devenir, à la recherche d'une cohérence, d'un sens qu'il pourrait donner à sa vie.
On sait, nous, lecteurs, qu'il la trouvera, cette cohérence, grâce à cette ville.
Il faut aussi parler des nombreuses photos qui accompagnent le texte. Photos souvent très originales d'une ville qui se transforme et provoque ce sentiment de « hüzün », mélancolie et tristesse qui s'en dégage.
Istanbul ne laisse pas indifférent. Il faut, comme l'auteur, arpenter ses ruelles, à toute heure, contempler, s'asseoir à la terrasse d'un café, et observer la vie qui émane de cette ville, qui retrouve de plus en plus sa place, il me semble, à la jonction de deux mondes en pleine évolution.
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Ceci est une critique 100% élogieuse d'un livre que je n'ai pas encore fini mais qui me bouleverse à chaque ligne.
Je suis tombée amoureuse d'Istanbul lors d'un premier voyage, après avoir accompli un long périple d'au moins 2000 km à bord d'une 403 plus vieille que moi et qui ne dépassait pas le 80 à l'heure.
Istanbul, sa lumière, ses paysages, ses habitants, tout m'a éblouie.
Quand je lis le portrait que fait Orhan Pamuk, à travers ses souvenirs personnels, ses délicates photos sépia, ses descriptions qui s'allongent comme un poème en prose interminable, je ressens toute son émotion, sa tendresse, sa tristesse et son amour pour un lieu incomparable.
Istanbul s'inscrit dans l'espace mais le temps y est palpable, la culture qui s'est accumulée depuis des siècles est présente partout.
Istanbul est l'antithèse d'une ville moderne, elle a trop de mémoire, trop de pudeur et trop de fierté pour vouloir être occidentale.
Elle est belle sans chercher à nous plaire.
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Incroyablement beau. (Attention petit bug Babelio ou d'ISBN, je ne parle pas ici du beau livre de souvenirs d'Orhan Pamuk)
Deux pêcheurs sur une barque discutent, au loin un pont, une mosquée, des minarets. Les reflets de l'eau, de la fumée, des nuages. Bien difficile de rendre à l'écrit l'extrême beauté de ces photographies d'Ara Güler datant des années 1950-1960 éditée dans un superbe livre préfacé par, excusez du peu, Orhan Pamuk. Personnellement j'ai acheté le livre rien qu'après avoir flashé sur la beauté de la couverture.
Le livre présente des dizaines de photographies toutes plus belles et poétiques que les autres, d'une beauté d'ailleurs particulièrement accessible. Elles sont devenues parfois iconiques pour cette ville qui a, on le comprend, la nostalgie facile. le livre peut être vraiment un magnifique cadeau pour un amoureux d'Istanbul, ou pour quelqu'un qui rêverait d'y aller.
Un livre superbement édité.
(Attention cependant la critique de cet ouvrage sur Babelio se mélange parfois avec celle d'un ouvrage autobiographique d'Orhan Pamuk qui a pour couverture une photo d'Ara Güler. Mais ce sont deux livres bien distincts !)
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Une deuxième chronique sur ce livre, car je n'ai pas assez parlé des nombreuses photos en noir et blanc qui parsèment le texte, non comme des illustrations, mais qui sont à prendre comme des fragments de souvenirs, des touches de cette beauté triste et poignante de lieux où l'auteur a vécu.
Rien à voir avec les beaux clichés qui abondent dans les livres touristiques ou dans les albums spectaculaires des "grands" photographes. Les images choisies par Orhan Pamuk nous donnent une vision intime, non-pittoresque des vieux quartiers, des habitants, du brouillard et de la fumée en hiver, de sa famille, de lieux où aucun touriste ne sortirait son Canon pour mitrailler le paysage.
Leur objet n'est pas de nous montrer la ville, mais son humanité, ses imperfections, son état d'inachèvement définitif.
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Un livre plein de nostalgie
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