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J'ai fini hier soir de Rithy Panh - L'élimination -, un livre poignant sur le génocide cambodgien perpétré par les Khmers rouges entre 1975 et 1979.

"À 18 ans, je découvre Nuit et Brouillard d'Alain Resnais. Je suis surpris. C'est pareil. C'est ailleurs. C'est avant nous. Mais c'est nous..."

Ce qui s'est imposé comme une évidence dans cet ouvrage où l'auteur alterne l'horreur qu'il a côtoyé enfant au Cambodge et ses rencontres avec Duch, le bourreau responsable du camp S21, qu'il interviewe en tant que cinéaste trente ans après le génocide, un peu comme l'a fait en son temps Claude Lanzmann, auquel il fait référence, c'est l'universalité du Mal ... banal ou absolu...

Que l'on ouvre des camps de concentration ou d'extermination en Allemagne, en URSS, en Chine, en Corée du Nord, au Cambodge, en Afrique... que les bourreaux soient blancs, noirs, jaunes ou... les prétextes à déshumaniser, emprisonner, torturer, éliminer sont les mêmes.
Les méthodes sont les mêmes.
Et lorsque les bourreaux ont été vaincus et qu'ils doivent répondre de leurs actes, les "réponses" qu'ils donnent sont les mêmes...

Duch aurait pu substituer Eichmann et vice-versa...

Un livre qui fait écho à ceux de Charlotte Delbo, de Victor Klemperer, de Charlotte Beradt, de Soljenitsyne, de Varlam Chalamov, de Dostoïevski de Liao Yiwu, de Blaine Harden, de Claude Lanzmann, d'Hannah Harendt, de Primo Levi etc etc et/mais aussi de George Orwell... qui avait tout compris...

Un livre qui mérite lecture dans ce monde où le Mal est de retour et où l'homme cède de plus en plus le pas aux passions tristes...

PS : j'avais, l'été dernier, fait une courte présentation d'une lecture qui m'avait apporté du réconfort lors d'un passage ambulatoire dans une clinique aux fins d'examens médicaux... et profité de cet exercice pour dire aux quelques babéliens qui me suivaient que c'était là une exception à un état général qui ne m'autorise plus désormais à être dispendieux en énergie... mauvais état de santé oblige.
Il en est de même en ce début d'année.
J'ai voulu témoigner de mon intérêt toujours prégnant pour la lecture et pour tous ceux qui, comme moi, ont l'amour des livres.

J'en profite donc pour souhaiter aux lecteurs de bonne volonté une très bonne année 2024. Qu'elle soit généreuse avec vous, qu'elle vous donne...
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Par l'auteur du premier documentaire de référence sur le camp de torture et d'exécution de khmers rouges, qui poursuit sa quête de vérité avec ce livre. S'y mêlent ses entretiens avec Duch, le chef du camp S21, où n'entrèrent que des ennemis du peuple, torturés et condamnés à l'exécution suite à leurs nécessaires aveux, et les souvenirs de l'auteur, adolescent en 1975, survivant d'une famille décimée.
On retrouve dans ce livre les champs communs aux livres de survivants : mettre des mots sur ce qui a disparu avec les victimes, assembler la vérité, faire mémoire, et ramener le pays à son histoire. Il est tout à fait incroyable de lire les slogans des khmers rouges, qui décrivent une idéologie théorique, sans être humain. Tout aussi incroyable que ni mémoire ni justice n'aie réellement fait leur oeuvre.
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Dans son documentaire "S21, la machine de mort khmère rouge", Rithy Panh a raconté comment, de 1975 à 1979, 17 000 personnes ont été torturées, interrogées puis exécutées dans le centre S21.
S21 n'est, hélas que l'un des nombreux centres ouverts au Cambodge sous le régime des Khmers rouges.
Sept personnes seulement survécurent aux horreurs de S21 et le cinéaste fit témoigner deux d'entre elles.
Le film est puissant, saisissant, souvent insoutenable, mais je vous le recommande (on peut le trouver sur internet). Il ne s'agit pas de s'adonner au voyeurisme malsain, mais de s'informer et surtout de réfléchir.

La réflexion, couplée au désir de comprendre, est justement le moteur de Rithy Panh.
Quelques années après la sortie de son documentaire, il a souhaité le compléter. Pour schématiser, le film montre et raconte, le livre tente de comprendre l'origine du mal.
De comprendre l'incompréhensible. de trouver des explications, des causes à ce mal absolu qui a permis que des hommes aient pu infliger tant de souffrances à d'autres hommes. Sans états d'âme et d'une façon systématique.
"Qui proteste est un ennemi, qui s'oppose est un cadavre !" : les slogans khmers rouges sont clairs !

On peut légitimement se demander comment un être dit humain peut être à ce point barbare, et faire subir autant d'horreurs à ses semblables.
Eh bien, c'est simple, il suffit de ne pas considérer sa victime comme humaine, de refuser de la voir semblable à soi : "Duch est un idéologue : les ennemis sont des déchets, à traiter puis à détruire. C'est une tâche pratique, qui pose des problèmes d'hygiène, de mécanique et d'organisation."
Ça ne vous rappelle rien cette déshumanisation de ceux qu'on cherche à anéantir ? le nazisme, évidemment ! Les idéologies ont bien des points communs et sont toutes destructrices.
L'auteur en est d'ailleurs bien conscient puisqu'il écrit : "À dix-huit ans, je découvre "Nuit et brouillard" d'Alain Resnais. Je suis surpris. C'est pareil. C'est ailleurs. C'est avant nous. Mais c'est nous."
Trente ans après les faits, Rithy Panh interroge celui qui a été le chef d'un centre de torture et d'exécution et la personnalité de celui-ci est glaçante.

Rithy Panh analyse avec le recul et son intelligence d'adulte les évènements qu'il a vécus enfant et dont sa famille a souffert ; son livre est le fruit de ses réflexions et il est d'une force inouïe.
C'est un ouvrage indispensable pour essayer de comprendre comment une idéologie a pu transformer des gens ordinaires en monstres sans limites, capables des pires atrocités.

[Entre 1975 et 1979, le régime des Khmers rouges a causé la mort de 1,7 millions de Cambodgiens, soit le tiers de la population du pays.]
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Nous ne sommes pas dans le roman, nous ne sommes pas dans la fiction, hélas! Rithy Panh est dans l'introspection et cherche à pénétrer l'esprit de Duch, l'oxymore: le tortionnaire qui ne torturait pas . Mais rien n'est plus complexe que lorsque deux logiques s'affrontent, lorsque dialoguent la carpe et le lapin et que les mêmes faits, comme sous l'effet d'une boule à facettes, ouvrent des perspectives différentes où l'on ne distingue plus le mensonge, l'interprétation, la vision partielle et partiale.
Ni véritable récit, ni journal, ni même chronique d'une période, sans chapitres ni temps d'arrêt, Rithy Panh alterne les épisodes vécus en les reliant avec ses entretiens pour démasquer le bourreau. Peine perdue.
La lecture est facile, les faits sont horribles (non l'holocauste ne se limite pas à la Shoah), il reste que l'ensemble est un peu brouillon, que l'émotion n'est pas au rendez-vous, que l'auteur en voulant dénoncer nous invite surtout à la réflexion.
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Le 17 avril 1975 est une date marquée au fer rouge dans la vie de Rithy Panh : celle où sa vie a irrémédiablement basculé. Les Khmers rouges prennent Phnom Penh, la capitale du Cambodge, la vidant de tous ses habitants. de 1975 à 1979, 1,7 millions de personnes trouveront la mort dans des conditions terribles de famine, de tortures et d'exécutions. Dans L'Élimination, l'auteur et cinéaste poursuit sa série d'entretiens et va à la rencontre de Kaing Guek Eav, dit Duch, le responsable du centre S21, où ont été détenues, torturées et exécutées au moins 12380 personnes selon ce qu'il rapporte. Il veut qu'il parle. Il cherche l'humanité. Ce document, qui a reçu plusieurs prix littéraires, s'avère très instructif tant sur les plans politique qu'idéologique, et il m'a aidé à comprendre le vrai sens du mot survivant, car comment se remet-on d'une telle expérience ? « Dans mon cas, c'est un chagrin sans fin; images ineffaçables, gestes impossibles désormais, silences qui me poursuivent. » (p. 13) Rithy Panh y apporte une réponse : on ne s'en remet pas. Mais on peut la communiquer.
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L'âme Khmère découverte

Entre 1975 et 1979, 1,7 million de cambodgiens (1/4 de la population) ont péri suite à la famine et aux exécutions de masse.

Rithy Panh, 13 ans au moment de la prise de Phnom Penh, en a réchappé, mais il a perdu une grande partie de sa famille. Depuis, il filme et il écrit, pour rappeler.

"L'élimination" co-écrit avec Christophe Bataille, se situe dans le prolongement du formidable film reportage : S21 - La Machine de mort Khmere rouge.

Ce livre croise le récit par Rithy Panh, de ses années de survie et celui de ses entretiens avec Duch, le tristement célèbre commandant de l'usine de mort S 21, le principal camp Khmer rouge.

Rithy Pahn cherche à comprendre comment des hommes issus de familles aisés, cultivés comme Pol Pot, Kieu Samphan, Ieng Sary, Ieng Thirith ou Duch, qui ont étudié en France, ont pu se transformer en monstres au service d'une idéologie dévastatrice. Il cherche l'humanité chez les bourreaux.

Le récit de Rithy Pahn fait froid dans le dos quand il évoque la lutte quotidienne pour la vie, la disparition d'une partie de sa famille, le climat de peur dans un pays devenu un immense camp de travail, l'absurdité idéologique.

Dès l'entrée dans la capitale Khmère le 17 avril 75, les Khmers s'acharnent à faire disparaître toute histoire personnelle et se lancent dans un projet dément : "créer" un homme...ancien ! Oui, les Khmers rouges considèrent que seul "l'ancien Peuple" (les paysans, les illettrés, les acculturés), est l'héritier du grand Royaume Khmer et que quiconque possède un semblant d'éducation, ou vit en ville ou porte des lunettes ou n'a pas les mains calleuses...est un "nouveau Peuple" et doit être rééduqué, écrasé, effacé.

Car cette dictature est aussi celle du verbe.

Les chefs Khmers rouges ne sont pas issus de cette classe du "Peuple ancien", mais en tant que "Techniciens de la révolution", même bourgeois, même éduqués, ils sont assimilés. Car "la révolution n'est pas une idée ou une aspiration, mais aussi une technique".

Les slogans sont terrifiants : "A te garder on ne gagne rien. A t'éliminer, on ne perd rien". "La dette de sang doit être remboursée par le sang", "L'homme n'a droit à rien".
Au S 21, dirigé par un ancien professeur de mathématiques, les détenus ne sont pas des hommes mais des ennemis qui doivent avouer, par principe. Même n'importe quoi, même si c'est absurde ou incohérent.
Leurs "aveux" ne sont de toute façon, qu'une étape. Ils sont torturés quoi qu'ils fassent ou disent, puis éliminés. Personne n'est épargné. Les parents sont torturés avant d'"être "écrasés", les "enfants-ennemis" sont fracassés contre un tronc d'arbre.

"L'histoire nouvelle doit effacer L Histoire".

Cette démence dialectique n'a évidemment pas rebuté d'illustres intellectuels qui n'ont pas hésité à crier "Touche pas à mon Pol Pot", en vertu de la traditionnelle attirance de certains, pour des classes ouvrières ou paysannes qu'ils n'ont jamais fréquentées ailleurs que dans les livres et qu'ils parent de toutes les vertus et toutes les sagesses primitives.

C'est Alain Badiou qui écrit en 1979 dans sa tribune "Kampuchea vaincra !" (Le Monde) : "...la simple volonté de compter sur ses propres forces et de n'être vassalisé par personne éclaire bien des aspects, y compris en ce qui concerne la mise à l'ordre du jour de la terreur", avant de fustiger la "formidable campagne anticambodgienne".

Ce sont aussi les propos ambigus de Noam Chomsky qui déplore la mauvaise image qu'on donne des Khmers rouges et souhaite qu'on se demande pourquoi ils ont choisi "la voie étrange de l'autogénocide".

C'est enfin, bien évidemment, Jacques Vergès : "Il y en a qui disent que le génocide c'est un crime qui a été voulu. Moi je dis non,. Il y a eu des morts, il y a eu la famine, c'était involontaire"...".."on n'a qu'à regarder les charniers qu'on a trouvés, on ne trouve pas le nombre de morts qu'on dit"..." ...on a ignoré les bombardements américains et la famine provenant de l'embargo américain". Puis : "Il n'y a pas eu de génocide au Cambodge. Ces chiffres sont exagérés. Il y a eu beaucoup de meurtres, et certains sont impardonnables. Cependant, il est faux de définir cela comme un génocide délibéré. La majorité des gens sont morts des suites de la famine et de maladies." Ce fut la conséquence de la politique d'embargo des Etats-Unis. Il y eut un prologue sanglant au processus : les Américains ont soumis la population civile cambodgienne à un bombardement brutal au début des années 70"

Et là, on touche du doigt l'importance de ce livre.

Rithy a la même hantise que Primo Levi, de ne pas être cru. Il sait que "tout crime de masse est susceptible un jour ou l'autre, d'être considéré comme un détail".
Alors, il filme, il interroge, il accumule la documentation pour que "les victimes soient à leur place, les bourreaux aussi".

Il ne s'agit pas pour autant de nier la responsabilité du Protectorat français, des régimes corrompus qui l'ont suivi, l'importance des bombardements américains lors de la guerre du Vietnam, les conséquences de l'embargo ou les difficiles conditions de vie des paysans Khmers.

La famine a tué au Cambodge. Mais comment gommer la responsabilité de ces idéologues meurtriers à l'origine de l'effarante et continuelle migration à laquelle a été soumise la population des villes (deux millions d'habitants rien que pour Phnom Phen), envoyée sur les routes, dans des conditions logistiques et sanitaires suicidaires ?

Il y a eu crime de masse et famine.

Comment considérer comme une incidence regrettable, une erreur ou un détail, l'exécution après torture, de 17000 personnes au seul camp S 21 ?

Autre élément important du livre, la question sur le caractère unique ou non du génocide cambodgien.

Toutes les dérives ou composantes du communisme telles que l'Europe de l'Est a pu les connaître, sont ici démultipliées dans cette quête du "communisme parfait", mais contrairement à François Bizot par exemple, Rithy refuse de considérer que cette parenthèse folle est spécifiquement cambodgienne. Il ne la voit pas comme "le fruit d'une démence collective...un autogénocide unique".

Pour lui, elle est le fruit d'un travail humain, d'une "partie de notre XXème siècle, pas seulement d'une "bizarrerie" de l'Histoire. L'histoire du Cambodge est la nôtre.

A la fin du livre, on sent Rithy un peu frustré et meurtri. le bourreau continue à mentir, à rester loin de la communauté humaine. Duch ne regrette qu'une chose au fond, que les chiffres "2" et "1" du sigle (S 21 est la fréquence radio du camp) ne donnent que 3, alors que les bureaux prestigieux de l'Angkar (le nom du Parti -l'Organisation) ont 3 chiffres plus importants.

Rithy voulait comprendre, il ne semble pas y être parvenu. Mais il y a t-il quelque chose à comprendre ?

En attendant, son témoignage est essentiel car aujourd'hui comme hier, ceux qui ont décidé de jouer sur les maux sont à l'affût.

Livre dur, mais qu'il est difficile de ne pas conseiller.
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Rithy Panh a subi le Génocide Cambodgien à l'âge de 13 ans. Aujourd'hui, il est cinéaste et se donne comme mission de restituer le plus fidèlement possible ce que fut cet effroyable Génocide, commis par le Parti Communiste du « Kampuchéa Démocratique » (P.C.K.) des Khmers Rouges, dirigé par l'infâme Pol Pot, entre le 17 avril 1975 et le 6 janvier 1979. Cette entité à caractère Totalitaire était également nommée l'Angkar (l'Organisation). le siège permanent du Comité Central du Parti Communiste était intitulé : le Bureau 870.
Rithy Panh a notamment réalisé deux documentaires essentiels qui sont sortis en 2012 dans un coffret en double D.V.D. : « S21 : La machine de mort Khmère Rouge » qui retrace l'histoire de ce Génocide, et : « Duch, le Maître des Forges de l'Enfer » qui présente, entre autres, une interview unique d'un bourreau encore en vie, issu d'un régime Totalitaire.
Lors de ce Génocide qui a coûté la vie à au moins 1 700 000 victimes sur une population d'environ 7 000 000 de Cambodgiens (soit l'extermination d'environ 25 % de la population), Rithy Panh a perdu dans sa propre famille : ses soeurs, son grand frère, son beau-frère et ses parents !
La seule petite difficulté dans ce formidable ouvrage réside dans l'alternance permanente entre la propre expérience de Rithy Panh et l'interview du bourreau Duch. Cette présentation peut donc éventuellement déstabiliser quelque peu le lecteur, peu informé sur le sujet. En revanche, cela procure une grande densité analytique et Mémorielle à l'ouvrage.
Je suivrai donc, dans ce commentaire, la forme de présentation choisie par l'auteur.

Cet incroyable ouvrage retrace donc le témoignage de Rithy Panh quant à cet effroyable Génocide, mais également la retranscription de moments cruciaux lors de l'interview filmée qu'il a faite de Kaing Guek Eav (alias Douch ou Duch), dans sa prion, en attendant son Procès devant le Tribunal International (le C.E.T.C. : « Chambres extraordinaires au sein des tribunaux cambodgiens »). En effet, Duch fut le Responsable, entre autres, du Centre d'interrogatoire et de Torture S-21 (ou Tuol Sleng) situé dans l'ancien lycée de Ponhiear Yat, dans la Capitale Phnom Penh ; et du champ d'exécution Choeung Ek situé à 15 kilomètres de Phnom Penh ; ainsi que de plusieurs autres Centres de torture au Cambodge. J'écris « entre autres » parce qu'avant, entre 1971 et 1975, il fut également le Responsable du Centre de détention, de torture et d'exécution : M-13 (confer l'excellent ouvrage de François Bizot : « le Portail ») situé dans la jungle Cambodgienne. Et durant le régime des Khmers Rouges, Duch fut aussi le Haut-Responsable de la Police Politique, nommée Santebal.
Qui plus est, lors de ses tournages, Rithy Panh a également pu interviewer les bourreaux de S-21 qui torturaient les victimes, sous la Responsabilité de Duch. Et aussi incroyable et terrible que cela puisse paraître, depuis 1979, ces tortionnaires vivent en liberté au Cambodge parmi la population Cambodgienne qui a tant souffert !

Rithy Panh se souvient parfaitement bien de ce 17 avril 1975, lorsque les Khmers Rouges ont envahi Phnom Penh, pour en faire évacuer aussitôt toute la population, en prétextant un risque imminent de bombardement par les B-52 Américains. Ce prétexte était évidemment fallacieux et les Khmers Rouges promirent aux habitants qu'ils pourraient réintégrer la Capitale trois jours plus tard. C'était également une fausse promesse, puisque tragiquement, nombreux sont ceux qui ne revinrent jamais chez eux, ayant été massivement exterminés durant le Génocide (page 49) :
« Aujourd'hui, les historiens pensent que les révolutionnaires ont déversé vers les campagnes près de 40 % de la population totale du pays. En quelques jours. Il n'y avait aucun plan d'ensemble. Aucune organisation. Rien n'était prévu pour guider, nourrir, soigner, héberger ces millions de personnes. Peu à peu, nous avons vu sur les routes des malades, des vieux, de grands invalides, des brancards. Nous avons senti que l'évacuation tournait mal. La peur était palpable. »
Dans le régime Totalitaire Communiste des Khmers Rouges, les victimes étiquettées par le Parti comme des « ennemis de classe » étaient immédiatement déshumanisées et considérées en tant que : Non-êtres ; comme en témoigne la réponse d'un tortionnaire à Rithy Panh (page 12) :
« Les prisonniers ? C'est comme un bout de bois. »
Un autre tortionnaire lui explique que (pages 12 et 13)… :
« Les prisonniers n'ont aucun droit. Ils sont moitié homme, moitié cadavre. Ce ne sont pas des hommes. Ce ne sont pas des cadavres. Ce sont comme des animaux sans âme. On n'a pas peur de leur faire du mal. On n'a pas peur pour notre karma ».
À Duch aussi, je demande s'il cauchemarde, la nuit, d'avoir fait électrocuter, frapper avec des câbles électriques, planter des aiguilles sous les ongles, d'avoir fait manger des excréments, d'avoir consigné des aveux qui sont des mensonges, d'avoir fait égorger ces femmes et ces hommes, les yeux bandés au bord de la fosse, dans le grondement du groupe électrogène. Il réfléchit puis me répond, les yeux baissés : « Non. » Plus tard, je filme son rire. »
Duch est passé de la condition de professeur de mathématiques cultivé et respecté avant les années 1970, à l'état de « Révolutionnaire Communiste » sanguinaire et sans aucune morale humaine. En effet, désormais la seule « morale » qui comptait pour lui, était celle de l'application stricto sensu de…, l'Idéologie Communiste.
En interrogeant ces bourreaux, Rithy Panh cherche donc à comprendre comment des gens simples et ordinaires ont pu se transformer en tortionnaires sanguinaires ; et qui plus est, de répéter un nombre de fois incalculable ces mêmes horreurs d'interrogatoires, de tortures et d'exécutions sommaires d'une très grande sauvagerie.
C'est donc d'abord au Centre M-13, entre 1971 et 1975, que Duch mit en place et peaufina ses « techniques » d'interrogatoires et de tortures (page 23) :
« En 1973, au bureau M13, je recrute des enfants. Je les choisis selon leur classe : paysans de la classe moyenne ou pauvre. Je les mets au travail, je les amène ensuite à S21. Ces enfants sont forgés par le mouvement et par le travail. Je les contrains à garder et à interroger. Les plus jeunes s'occupent des lapins. Garder et interroger passe avant l'alphabétisation. Leur niveau culturel est faible, mais ils sont loyaux envers moi. J'ai confiance en eux ». »
Lors du tournage du documentaire : « S21 – La machine de mort khmère rouge », à la fin des années 1990, Rithy Panh fut confronté physiquement aux menaces des Khmers Rouges toujours en libertés, et qui surveillaient le tournage. Dans ce passionnant documentaire Rithy Panh montre la confrontation morale entre, l'un des rares rescapés de S-21, Vann Nath (confer son terrible témoignage : « Dans l'enfer de Tuol Sleng : L'inquisition khmère rouge en mots et en tableaux ») et des tortionnaires de S-21. Vann Nath n'a eu la vie sauve que parce qu'il était un très bon peintre et que Duch l'avait choisi pour peindre des portraits valorisant de Pol Pot, afin de mettre en place un « Culte de la personnalité » sur les modèles de : Staline, Mao et King Il-sung.
En effet, Duch avait écrit sur le dossier de Vann Nath la mention suivante : « Garder pour utiliser ».

Donc, lorsque Duch a été arrêté afin d'être jugé, Rithy Panh a demandé l'autorisation, aux juges Cambodgiens et Internationaux, d'interviewer et de filmer le chef des bourreaux, pour la postérité, comme lors du Procès des Nazis devant le Tribunal de Nuremberg. À la grande différence, qu'ici, Rithy Panh a pu interviewer Duch en tête-à-tête.
Dès le début du tournage du second documentaire : « Duch, le Maître des Forges de l'Enfer », Duch avoue sa responsabilité en tant que chef de S-21 et semble vouloir « confesser » tous ses crimes. Pourtant, en réalité, comme nous allons pouvoir le constater tout au long de ce commentaire, psychologiquement, ce n'est pas aussi simple pour lui de tout avouer (page 27) :
« Je ne reconnais pas tout ce qui est dit dans votre film, mais j'endosse toute la responsabilité en tant que directeur de S21. » Duch veut croire que la rédemption s'achète avec des mots. Il conteste la vérité historique ; puis il affirme endosser toute la responsabilité. Autrement dit : je nie ce que vous affirmez, mais je porterai le fardeau de votre vérité. »
La voix de Duch est douce et posée. Mais parfois, touché au vif par Rithy Panh, il s'emporte avant de se calmer à nouveau…
Rithy Panh tente alors d'élucider le principe hallucinant des interrogatoires destinés à extirper de faux aveux aux victimes (page 35) :
« Moi : Les dirigeants savent que les aveux sont faux ?
Duch : Je sais ! Je sais ! Cela m'inquiète ! Depuis M13, je veux comparer avec la vérité, mais comment faire ?
Moi : Donc tout le monde sait que les aveux sont faux ?
Duch : Oui, mais personne n'ose le dire ! Monsieur Rithy, j'aime le travail de la police, mais pour chercher la vérité ! Je n'aime pas le faire à la manière des Khmers rouges. »
Dans l'immensité des Archives abandonnées par Duch à S-21, on y trouve, entre autres : des photos des victimes et des dossiers détaillés des interrogatoires. Duch étant minutieux dans son « travail », il supervisait et annotait les dossiers de ses commentaires, à l'encre rouge (page 45) :
« Annotation à l'encre rouge dans le registre de S21, en face du nom de très jeunes enfants : « Réduis-les en poussière ». Signature : « Duch ». Duch reconnaît son écriture. Oui, c'est bien lui qui a écrit cela. Mais il précise : il l'a écrit à la demande de son adjoint, le camarade Hor, le chef de l'unité de sécurité – pour « secouer » le camarade Peng, qui semblait hésiter…
Sur une page de ces registres, il peut y avoir vingt ou trente noms. Pour chaque nom, une mention manuscrite de Duch : « détruire », « garder », « vous pouvez détruire », « photographie nécessaire », comme s'il connaissait chaque cas dans le détail. Minutie de la torture. Minutie du travail de torture. »
Rithy Panh et toute sa famille étaient considérés par les Khmers Rouges comme appartenant au : « nouveau peuple », également nommés : « Les 17 Avril ». En effet, comme pour des millions d'autres Cambodgiens, ces terminologies étaient censées classifier les « ennemis du peuple » ou « ennemis de classe », comprenant : des « bourgeois », des « intellectuels », des « propriétaires », mais aussi les citadins vivant dans les villes, les professeurs et instituteurs, les médecins, etc.. Selon la propre définition de Duch, ces ennemis s'appelaient aussi (page 58)… :
« capitalistes, féodaux, fonctionnaires, classes moyennes, intellectuels, professeurs, étudiants. »
Ces ennemis devaient être rééduqués dans les campagnes ou être exterminés. Mais finalement, comme dans tous les pays Totalitaires Communistes de la planète, c'était TOUTE la population qui était susceptible d'être visée par le régime, d'être persécutée de manière aveugle, soumise : aux maladies, à la famine de masse, aux tortures et exécutions sommaires et arbitraires.
Le reste de la population était nommé : « l'ancien peuple » ou « peuple de base ».
De toute façon, lorsqu'un État Totalitaire, ici l'Angkar des Khmers Rouges, est capable d'exterminer environ 2 000 000 de personnes, soit 25 % de sa propre population, l'ignoble critère de « classe » consistant à déterminer qui doit vivre ou mourir, se trouve donc largement dépassé.
Les Nazis du IIIe Reich utilisaient, eux, le tout aussi monstrueux critère de « race ».
Toute l'organisation sociétale a été détruite au Cambodge durant ces terribles années sous le régime de l' »Angkar » : le système monétaire fut supprimé et la régression sociétale fut totale. le troc et les échanges réapparurent jusqu'à ce qu'il n'y eut plus rien à échanger.
Pour les Communistes Khmers Rouges, il fallait donc déstructurer totalement la Société Civile, dissoudre même le principe de la famille et détruire les traditions politiques, intellectuelles, culturelles et religieuses.

Après une déportation aussi massive des populations des villes vers les campagnes, très rapidement des milliers de morts s'accumulèrent aux bords des routes : les malades, les personnes âgées, les femmes enceintes, les enfants en bas âge et les affamés !

Lorsque Rithy Panh interview Duch, il essaye toujours, par des questions subtiles, de le faire avouer (page 63) :
« L'aveu ne vient jamais de façon claire et directe. C'est un murmure, auquel il faut prêter une oreille extrêmement attentive. Je mets ces deux phrases sous forme logique : « À l'époque, tout le monde a cru que l'ennemi nous affamait, et que si nous l'arrêtions, nous n'aurions plus faim. Ce n'était pas vrai. Ce n'était pas vrai mais nous, les Khmers rouges, nous avons menti. Et nous avons cru à notre mensonge ». À son niveau de responsabilité – il est le chef de la police du régime, comme il le dit lui-même -, Duch ne pouvait pas ignorer ce mensonge. J'insiste sur ce « nous », car Duch dit désormais « ils » pour évoquer les Khmers rouges. « Ils ne pensent pas à la vie des gens. » Ils, ce n'est pas lui. le révolutionnaire, c'est l'autre. »
Rithy Panh et sa famille furent déportés en wagons à bestiaux, à Mong, dans le nord-ouest du Cambodge. Puis, ils subirent d'autres déportations par la suite.

Comme les gigantesques Famines de l'univers Totalitaire Communiste, notamment celles : de 1921-1922 en Russie (U.R.S.S.) sous Lénine, Trotski et Staline faisant 5 000 000 de morts ; sous Staline en Ukraine (Génocide de l'Holodomor) en 1932-1333 ajoutant encore 6 000 000 de victimes ; puis lors de la politique du « Grand Bond en avant » (confer notamment, le formidable travail, très récent, de reconstitution effectué par Yang Jisheng, au péril de sa vie, dans son ouvrage : « Stèles ») sous Mao Zedong entre 1958 et 1961, engendrant la mort de 36 000 000 de victimes, etc.. Pol Pot réutilisa, à nouveau, cette même arme de destruction massive qu'est…, la Famine !

Certains intellectuels pensent que la frontière entre le bourreau et la victime peut être extrêmement ténue, lorsqu'une Société Civile se retrouve sous le joug d'un régime Totalitaire de Terreur de masse (confer le formidable ouvrage de Christopher Browning : « Des hommes ordinaires : le 101e bataillon de réserve de la police allemande et la Solution finale en Pologne »). le sujet est extrêmement complexe puisque l'on convoque ici : la conscience humaine. Dans ce contexte de Terreur, on se pose également souvent la question de savoir si un bourreau est un être humain comme un autre, un être humain « ordinaire », et qu'est-ce qui le fait basculer dans l'horreur de cette condition de tortionnaire ? Ce qu'analyse très bien Primo Lévi dans son extraordinaire ouvrage : « Les Naufragés et les Rescapés : Quarante ans après Auschwitz » sur la notion de « zone grise » ; et également Hannah Arendt avec sa notion de « banalité du mal », développée dans son prodigieux ouvrage concernant le Procès du Nazi Adolf Eichmann, dans : « Eichmann à Jérusalem ».
Mais Rithy Panh n'adhère pas complètement à ce type d'analyse, comme il l'explique en décortiquant l'exemple de Duch (page 79) :
« La question aujourd'hui n'est pas de savoir s'il est humain ou non. Il est humain à chaque instant : c'est pourquoi il peut être jugé et condamné. On ne doit s'autoriser à humaniser ni à déshumaniser personne. Mais nul ne peut se tenir à la place de Duch dans la communauté humaine. Nul ne peut endosser son parcours biographique, intellectuel et psychique. Nul ne peut croire qu'il était un rouage parmi d'autres dans la machine de mort. Je reviendrai sur le sentiment contemporain que nous sommes tous des bourreaux en puissance. Ce fatalisme empreint de complaisance travaille la littérature, le cinéma et certains intellectuels. Après tout, quoi de plus excitant qu'un grand criminel ? Non, une feuille de papier ne sépare pas chacun de nous d'un crime majeur. Pour ma part, je crois aux faits et je regarde le monde. Les victimes sont à leur place. Les bourreaux aussi. »
Je ne pense pas qu'il existe vraiment de réponses précises et uniques à ces terribles questions, car dans ce contexte de persécution, les êtres humains réagissent différemment : à l'oppression, aux ordres, aux menaces de mort, à la propagande Idéologique, etc..
Alors si l'on considère que ces interrogations peuvent être légitimes envers le « simple » bourreau exécutant, il me semble, en revanche, qu'elles le sont nettement moins dans le cas d'un Haut Responsable des bourreaux, puisque-là rentre en compte, dans d'importantes proportions, la notion d'adhésion à l'Idéologie, comme dans le cas de Duch qui a adhéré à l'Idéologie Totalitaire Communiste Marxiste-Léniniste de la Dictature du prolétariat. de plus, le fait que la responsabilité destructrice soit encore plus élevée dans le cas de Hauts Responsables Criminels, cela soulève de manière encore plus prégnante, la question de la responsabilité Morale.
Or, un bourreau peut être particulièrement perfide, car en reprenant le cas du Nazi Eichmann, ce dernier se targuait cyniquement de n'avoir jamais tué un être humain de ses propres mains (c'était en tout cas ce qu'il prétendait !), alors qu'il était l'un des principaux organisateurs et responsables de : « la Solution Finale de la question Juive » ! Il reconnaissait juste avoir : « aidé et encouragé » l'exécution des crimes dont on l'accusait !

P.S. : Vous pouvez consulter ce commentaire, dans son intégralité, sur mon blog :
Lien : https://communismetotalitari..
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Rithy Panh est un cinéaste d'origine cambodgienne. 

En 1975, il avait 13 ans, quand les khmers rouges ont pris le pouvoir à Phnom Penh et que s'est installée la dictature de Pol Pot.

Le maître mot du nouveau régime : l'élimination.

Elimination des comportements individuels, élimination des anciennes élites, élimination des ressources, élimination des prénoms réduits à une seule syllabe, élimination des individus ...

Pendant les quatre années de ce régime, le petit Rithy va assister à la mort des membres de sa famille, de son père à ses petits neveux.

De camps de travail, des rizières aux hôpitaux où il triera les cadavres, il surmontera les blessures, les mauvais traitements, échappera aux tortures, mais pas aux souvenirs indélébiles.

Dans cet ouvrage, il se confronte à l'un de ses démons, "Duch, le maître des forges de l"enfer", responsable du centre S21, qu'il a mis en images, pour garder la mémoire, ne pas oublier et honorer les disparus.

Récit bouleversant, tout aussi fort que lés témoignages de la Shoah, d'une histoire tellement plus récente.

Récit d'un survivant, toujours assailli par des images, des sons, des cauchemars. 

Ouvrage indispensable pour connaître cette histoire récente de l'Asie du sud-est.

 
Lien : http://les.lectures.de.bill...
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Destruction d'un peuple, destruction d'une famille, destruction d'un enfant, Rithy Panh, devenu, d'une certaine manière, un homme détruit, bousillé, déchiré à jamais.
Jamais rien ne pourra être réparé, ce qui a disparu a bel et bien disparu, et tout ceux qu'il aime ne reviendront pas.
Cette blessure sanglante, Rithy Panh tente à chaque nouvelle oeuvre - livre, film de fiction, documentaire - d'en stopper l'écoulement, comme il le peut, grâce à une démarche artistique.
Nous le remercions pour cela.
D'une certaine manière il nous donne de la force.
Et son travail est nécessaire, indispensable, capital: il nous interroge sans cesse sur le bien et le mal.
Ce livre est à mettre en parallèle avec celui de François Bizot: "Le silence du bourreau", car ces 2 auteurs-témoins (témoin dans une infinie moindre mesure pour F. Bizot) ont une interprétation très différente de la possibilité du mal chez tout être humain.
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Un témoignage remarquable et bouleversant, dense et poignant.
Le vocabulaire est précis, les phrases courtes et incisives. Comme au cinéma les plans s'enchaînent avec rapidité. le récit est construit comme un va-et-vient dans le temps entre le narrateur adulte, avec son approche de cinéaste-écrivain qui donne à voir et à lire l'indicible, et son enfance survécue aux khmères rouges.
Trente ans après la fin du régime de Pol Pot, l'auteur s'exprime au nom de son peuple et de la multitude anéantie, et interviewe un bourreau tortionnaire. Par un renversement des rôles, les interviews ont remplacé les interrogatoires...
Un formidable "travail de recherche, de compréhension, d'explication, qui (...)lutte contre l'élimination". Grâce à son récit Rithy Panh souhaite que "la vérité soit établie et documentée" ; pour lui "oublier est impossible. Comprendre est difficile". Toutes les phrases du livre pourraient être citées, tant elles expriment avec force et précision le vécu de l'auteur et des siens.
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