Il n'est jamais évident de faire une chronique sur un auteur comme
Pascal, encore moins sur une oeuvre comme «
Les Pensées » : essentiellement parce que c'est, dès le départ, une oeuvre partisane, en l'occurrence ici, une apologie de la vie chrétienne. (Remarquez qu'on peut dire la même chose du « Capital » de Marx, - Karl, pas Groucho). Mais
Pascal, s'il peut être discuté (favorablement ou défavorablement) sur les points de « doctrine », est souverain quand il parle de généralités par rapport à la nature humaine dans son essence même.
«
Les Pensées » ne constituent pas une oeuvre construite avec un début un raisonnement et une fin. Ce sont des notes éparses écrites tout au long de la vie de l'auteur, et que l'on a retrouvées après sa mort. Plusieurs éditions ont été proposées, au cours des siècles, suivant que les éditeurs voulaient mettre en avant tel ou tel aspect de l'ouvrage.
La religion chrétienne (fille aînée de la France, à l'époque de
Pascal) a conditionné pendant des siècles (et continue à le faire aujourd'hui) la vie de milliards de gens sur la terre. Je ne me hasarderai pas à juger de son bien-fondé (ou de son contraire), l'éducation chrétienne que j'ai eue, jointe à mes lectures parallèles du Coran, du Tao, de
Confucius et d'autres perspectives de sagesse, m'ont amené à ne retenir que deux préceptes des Evangiles, les Béatitudes et « Aimez-vous » les uns les autres », les seuls qui soient en adéquation avec un humanisme actif et non partisan. (Mais ceci n'engage que moi, chacun voit à sa porte).
Je ne me prononcerai donc pas sur les «
Pensées » qui sont censées prouver la misère de l'Homme sans Dieu, ou la félicité de l'Homme avec Dieu. Je n'en ai ni la compétence, ni les moyens, et je ne souhaite pas polémiquer avec un sujet qui paradoxalement, au lieu de rassembler les gens, les divise.
Mais le
Pascal qui parle de l'Homme dans son essence-même est autrement intéressant. On connaît certaines de ses
pensées : «
L'homme est un roseau pensant » (mais la femme est un roseau dépensant disait ce sexiste et machiste
Jules Renard), qui est un peu le pendant du « Je pense donc je suis » de
Descartes. « le silence éternel de ces espaces infinis m'effraie » Cette pensée, qui n'est pas seulement celle de l'homme regardant le ciel (encore que), est bien la représentation du trouble métaphysique de l'homme devant tout ce qu'il ne sait pas, une angoisse existentielle qui préfigure, trois siècles avant,
Sartre et Camus. Une des
pensées qui me touche le plus, et qui m'amène les plus à réfléchir est celle du divertissement : le divertissement est la tentative désespérée de l'homme pour échapper à lui-même, et à sa condition d'être humain, c'est-à-dire d'être mortel.
Pascal est avec
Descartes le plus grand penseur du XVIIème siècle. Moins « cérébral », moins « philosophe » que son collègue, il paraît plus proche des interrogations de l'homme sur lui-même et sur le sens qu'il doit donner à sa vie.
Ayez toujours «
Les Pensées » de
Pascal à votre portée. Vous verrez que les questions que vous vous posez, il se les est posées avant vous. Il a son pendant au XXIème siècle : lisez « de bonnes nouvelles » de
Michel Serres : dans ses entretiens sur
France-Info avec Michel Polaco, il recoupe tous les thèmes exploités par
Pascal, en les actualisant, et d'une façon merveilleusement simple et agréable pour nos petites cervelles…