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EAN : 9782268067261
378 pages
Les Editions du Rocher (22/10/2009)
3/5   3 notes
Résumé :

FEAL DIAZ fit disposer les flambeaux sur la place de la Constitution, un d chaque coin du rectangle, puis un cinquième pour fermer la rue de l'Église, précis comme un chien qui marque son territoire. Il en commanda d'autres du bout des doigts, que l'on plaça d égale distance des premiers et quand il y en eut dix, on recommença selon le même principe au rythme de sa main, dans la précipitation et les bruits de bottes... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (2) Ajouter une critique
Faussement fantastique et réellement subtile, une conspiration intime dans les plis de la grande Histoire.

Publié en 2001 chez Buchet-Chastel avant d'être réédité en 2009 chez Motifs, le premier roman du philosophe du langage Fabrice Pataut était déjà sainement ambitieux. Plaçant d'emblée ses pions fantastiques (le Diable - incarné en femme légère couverte de bijoux, en créature médiévale ou en simple phalène, ou bien un chat doué de parole et nommé Verlaine,...), il utilise habilement leur présence pour distraire l'attention du lecteur, et, tel un prestidigitateur, l'entraîner sans qu'il le réalise immédiatement dans une terrible histoire d'usurpation d'identité et de vengeance, dans laquelle la brutalité de la prise de Minorque par les troupes franquistes en 1939 a pour douloureux échos les réseaux d'amitiés tissés en Espagne par les nazis en fuite, jusque dans les années de la Movida...

Dans le cadre quelque peu idyllique et légèrement suranné des Baléares de 1939, le tout jeune Aloysius, seul héritier d'une riche famille anglo-espagnole, basculera un beau matin dans l'horreur et la tempête, le charme stylé de l'écriture de Fabrice Pataut, sans abus d'effets spéciaux, appuyant discrètement la brutalité surprenante des événements. Un peu comme si une division Das Reich énervée débarquait à l'improviste dans un Combray entièrement voué aux madeleines...

Quarante ans plus tard, le détachement glacé du héros, de retour au pays après un long exil en Allemagne sous une identité d'emprunt, et la sobriété même de sa quête, feront bien entendu planer le fantôme de Montecristo, avec sa patience et sa fulgurance, dans la Barcelone de l'immédiat post-franquisme...

Nimbé de Marcel Proust et de Virginia Woolf, organisé en une exigeante narration, le roman de Fabrice Pataut, dix ans avant son "Reconquêtes", nous parle déjà subtilement des puissances parfois bien obscures de la mémoire...

"Aloysius baissa la tête. Ce n'était pas que Maria Christina aurait dû ignorer l'existence de Stanley. Bien au contraire. Tout, en un sens, était arrivé grâce à lui. Elle venait simplement de rompre le pacte implicite qui l'obligeait à ne jamais en parler. Ils appartenaient à deux mondes incompatibles, aussi opposés qu'il était possible de l'être, engagés dans un conflit impitoyable, une guerre des peuples comme seules les Écritures peuvent les raconter sans tomber dans le ridicule, avec la hauteur légitime des véritables épopées. Il y avait dans cette franchise inattendue quelque chose de profondément troublant qui infirmait d'un seul coup sa représentation du monde, une représentation d'autant plus familière qu'elle avait été lente à s'imposer, convaincante parce que opportunément rigide et, qui plus est, subreptice. Elle était maintenant caduque ; le nom prononcé venait de détruire la niche qu'il s'y était ménagée. Ce monde n'était pas, comme il l'avait cru jusqu'ici, essentiellement par opportunisme, scindé en deux parties égales et étanches : l'une contenant Maria Christina et les siens, inclus un par un au fil des occasions obligatoires, déjeunes d'anniversaires et goûters du samedi, sans que cela eût toujours revêtu l'importance escomptée, et, de l'autre, l'univers prétendument aventureux de Stanley, ses bords flous, ses odeurs de sueur et de sperme séché, ses règles inflexibles, sa cartographie maniaque et ses rituels de collège.
Bien qu'elle n'eût rien dit de surprenant, Maria Christina venait de faire un aveu décisif en affichant ouvertement son mépris pour les manières de l'homme auquel elle l'avait arraché de force. Tout s'en trouva bousculé : son sens de la chronique familiale, le sentiment de sa valeur personnelle et jusqu'à l'idée qu'il avait lui-même choisi son rôle, jusqu'ici tout en apartés, dans un minuscule recoin de l'histoire des hommes. Elle tenait dans ses main un fabuleux kaléidoscope et venait d'en tourner l'embout de quelques millimètres sans qu'on ait pu avoir l'impression qu'elle avait fait plus que l'inciter à en observer innocemment l'intérieur. L'arrangement de ses fragments mobiles réfléchissait maintenant une tout autre combinaison, inhabituelle et presque dangereuse. La nouvelle configuration des petits morceaux de verre coloré reflétés dans le jeu de miroirs angulaires exigeait rien moins qu'un réajustement de tout son être."
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« Aloysius » est une construction magistrale, qui s'enroule autour du lecteur et dévoile progressivement et avec une grande virtuosité les pièces de l'histoire et les liens unissant les personnages.

Mais, avant de reconstituer ce puzzle, Fabrice Pataut nous entraîne sur de nombreuses fausses pistes dans ce roman de l'imposture et de la duplicité, nous montrant par l'exemple combien il est difficile de distinguer le bien du mal.

Dans la première partie, le Diable conte au narrateur la chronique familiale et l'enfance d'Aloysius en ces derniers jours de Mars 1939, au moment où finit la guerre d'Espagne. Les franquistes débarquent alors à Minorque et massacrent des Républicains avec une extrême cruauté, pour l'exemple. Aloysius, jeune héritier de la famille Nelson-Sintes est alors recherché ; il va prendre la fuite en compagnie de son chat Verlaine ....

Quelque quarante ans plus tard, juste après la disparition de Franco, Aloysius, enfant disparu en mer puis exilé en Allemagne au moment de la guerre d'Espagne avec des complicités nazies, vit maintenant à Barcelone sous une autre identité. Les souvenirs lui reviennent et il va régler ses comptes.

« Méphisto était venu troubler mon esprit, casser la rigueur et la discipline difficilement acquises et chèrement payées après l'effroi de l'abandon. Dolores m'avait rendu mon calme et voilà qu'Aloysius revenait maintenant en chair et en os. J'avais connu, moi aussi, le coucher de Maria-Christina, son parfum, le grain de sa peau et la douceur de ses baisers, mais je n'avais eu ni l'occasion ni la force de les laisser parler lorsque j'étais loin d'elle. »

L'imposture est-elle celle de l'histoire ou celle de la littérature ? Aloysius est une leçon d'histoire sur la guerre d'Espagne mais aussi une leçon sur la façon de raconter des histoires, et le rapport entre le récit et la réalité, a la manière du théâtre de noyaux d'olives que lady Blemley, la mère d'Aloysius, joue à la table du déjeuner de famille.

« le Noyau s'était emparé de l'esprit d'Esther sur l'instant ; le Petit Monde de l'Olive du Mercredi avait pris le dessus, fier et compact malgré le désintéressement général. Elle allait désormais gratifier d'un prénom tiré des Vagues ce qu'Edward vouait le plus normalement du monde à l'oubli, grande prêtresse de l'animisme végétal en lutte contre l'indifférence civilisée. »
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