L'amour.
Le mot est lâché.
Lâché dans la fosse aux cancres.
Comme s'il parviendrait à tout résoudre.
Monsieur
Pennac, permettez-moi d'en douter.
Mais, je suis d'accord avec vous. Il en faut de l'amour. de l'amour pour son métier, de l'empathie pour ceux que vous nommez « cancre », de la passion pour transmettre le savoir.
L'amour suffit-il seulement ? Suffit-il à consoler tous ceux qui comme vous ont eu un gros
chagrin d'école ?
Vous êtes un rescapé. Mais, je ne suis pas certaine qu'on puisse, même avec tout l'amour du monde, donner cette même chance à tous nos élèves.
Vous en parlez très bien des élèves en difficulté (les « cancres », comme vous dites), vous exprimez leur douleur, celle de leurs parents. Vous parlez d'eux avec compassion, avec un ton légèrement ironique mais tellement bienveillant. C'est tout à votre honneur. Ça fait du bien de vous entendre parler d'eux avec sincérité et tendresse.
Vous nous parlez de vous-même, quand vous étiez écolier, quand vous étiez professeur. Vous nous parlez de la société moderne, des pressions que subissent les enfants, de leurs parents inquiets, de cette école ghetto... C'est bien.
Mais ça ne m'a pas suffi.
J'ai mis beaucoup de temps avant de me décider à lire votre livre. Il fut un temps où votre livre nous était même recommandé par les inspecteurs de l'Education Nationale comme lecture de vacances. Histoire de ne pas trop décrocher de nos préoccupations d'enseignant tout en prenant un peu de recul aussi.
J'attendais beaucoup de ce livre... Je l'idéalisais, je crois.
A vrai dire, je suis un peu déçue parce que je ne m'y suis pas vraiment retrouvée ou plutôt que je n'y ai pas trouvé ce que je cherchais. Il m'a manqué une réelle réflexion sur le métier de professeur. Sur la formation des maîtres, sur les méthodes utilisées, sur la façon de désamorcer les blocages de certains élèves.
Il faudrait réécrire cet ouvrage..car le « cancre » que vous décrivez a changé de visage. Il est plus souvent maintenant un enfant « dys », ou un enfant perturbé par son milieu familial, ou encore un enfant aux capacités intellectuelles limitées. Dans la plupart des cas, redonner confiance, transmettre avec passion, avoir une attitude positive sont des éléments importants mais ne sont certainement pas les seuls facteurs qui parviendront à faire progresser les enfants en question.
Mais, nous restons d'accord sur un point essentiel : cela leur permettra d'appréhender l'école plus sereinement et d'avoir un moins gros chagrin.
Ceci dit, votre livre n'a que dix ans...et même si vous aviez la volonté d'écrire un livre sur ce qui ne change pas à travers les bouleversements de la société, à savoir « la douleur partagée du cancre, des parents et des professeurs » eh bien, votre livre a tout de même pris un sacré coup de vieux !
Mais, ça n'enlève rien à toute la tendresse que je vous porte, Monsieur
Pennac.