Une bonne idée de roman historique, mais servie par un récit un peu trop délayé, comme si l'auteur avait été payé au nombre de pages.
L'académie royale d'Espagne, peu de temps avant la Révolution française, confie à deux de ses membres la mission d'acquérir à Paris un exemplaire original de la première édition de l'Encyclopédie. Ces
deux hommes de bien ont des personnalités fortement contrastées : l'un est un ancien officier de marine, réservé, courageux et maître de ses émotions, l'autre est plutôt timoré et couard. La religion les sépare. L'académie les lie.
On accompagne ces deux gentilshommes au cours de leur périple et des aventures qui leur arrivent : complot, traquenard, duel, marivaudage, etc. L'auteur multiplie les références littéraires dont certaines sont authentiques, mais d'autres totalement fantaisistes. de même, tout au long du récit, on croise des individus ayant existé et d'autres de pure invention. Cela ne gène pas trop la lecture, jusqu'à ce que l'auteur prête à plusieurs de ses personnages des propos laissant entrevoir la Révolution qui allait advenir quelques années plus tard. J'ai trouvé ces anticipations plutôt pénibles et un peu lourdes : l'auteur voulant passer pour érudit se montre pédant et fait malheureusement l'économie de la description de la situation économique et sociale de l'époque. Peut-être aura-t-il voulu mieux faire connaître à ses compatriotes espagnols la période pré-révolutionnaire française, mais je doute que le public français suffisamment averti apprécie le tableau ainsi brossé.
En revanche, lorsque
Pérez-Reverte interrompt son discours pour faire partager au lecteur toutes les difficultés de sa recherche documentaire, jouant ainsi à saute-mouton par-dessus les siècles, il nous offre une vue sur son travail de collecte de matériau pendant le temps d'écriture. Quittant les cahots et les péripéties du chemin entre deux relais de poste, le lecteur est ainsi invité à faire une halte sur une aire d'autoroute car l'auteur, pour ajuster son roman, tient à visiter les villes étapes où les deux académiciens ont passé une nuit à l'auberge. Ces parties du roman sont intéressantes : on accompagne l'écrivain dans sa besogne.
L'ouvrage eût pu être plus court tout en offrant une description plus réaliste de la période pré-révolutionnaire. On peut soupçonner
Pérez-Reverte d'avoir eu l'arrière pensée du scénario d'un film : le cadre de vie et les vêtements (j'allais dire le décor et les costumes) sont décrits avec précision.
En résumé : un roman intéressant, dont on peut avantageusement entreprendre la lecture au début d'une longue série de jours pluvieux.