Deux hommes de bien

Journaliste, correspondant de guerre (notamment en ex-Yougoslavie), Arturo Perez-Reverte se veut, comme l'annonce son roman de 2007, un « peintre de batailles ». Il s'appuie sur son expérience du combat pour faire entrer ses lecteurs dans le mystère du sacrifice suprême accepté par le soldat. Chez les marins, il retrouve l'esprit de sacrifice comme le montre « Cadix ou la diagonale du Fou ». le talent d'écriture produit des textes lumineux et passionnants, souvent émouvants, comme « Jour de colère », récit du terrible Dos de Mayo.
Dans « Deux hommes de bien », l'auteur dévoile à ses lecteurs et étudiants ses travaux de documentation, et ses visites sur place, par exemple dans le vieux Paris préalable à l'aménagement haussmannien. Ses « deux hommes de bien » sont deux membres de l'Académie royale espagnole, délégués par leurs éminents collègues pour aller à Paris et en ramener la première édition de l'Encyclopédie de d'Alembert, Diderot et autres Philosophes.
Las, le trajet Paris-Madrid et retour (400 lieues soit 1600 km) en berline tirée par deux chevaux, sur de mauvais chemins infestés de brigands, est déjà un exploit, surtout au retour avec, sur la galerie, 28 volumes in quarto reliés plein cuir. Ajoutez-y les complots qui encerclent cette Encyclopédie, somme de toutes les connaissances modernes, et donc jugée diabolique par les ultra-conservateurs religieux de Madrid. Sans oublier que tous les libéraux ne sont pas ouverts à l'Encyclopédie comme outil du progrès.
On tremble à chaque page pour nos deux héros, le « petit gros » bibliothécaire de l'Académie, et l'Amiral en retraite, qui reste, malgré l'âge, élégant, rapide et efficace à l'épée comme au pistolet.
Plus grave : il y a, au-dessus de ces « hommes de bien » espagnols, comme autour de leurs interlocuteurs français, de lourds nuages : la révolution de 1789-1793, qui condamnera plusieurs d'entre eux, et, pour les Espagnols, le spectre de la terrible guerre civile de 1936-39.
Un livre à la fois drôle, plein d'aventures autant que de réflexions, à placer tout en haut de votre pile de livres pour l'été ...
Lien : http://www.bigmammy.fr/archi..

Dès la première page, le narrateur prend à témoin le lecteur, ce qui parait normal puisque c'est d'un duel qu'il s'agit. Mais il souhaite d'abord nous conter l'origine de ce différent. Nous voilà donc partis en voiture à cheval, en cette fin de XVIIIème siècle, sur les mauvais chemins, souvent impraticables, entre Madrid et Paris, à la suite d'un bibliothécaire et d'un retraité de la marine tous deux membres de l'honorable Académie Royale espagnole. Leurs pairs les ont chargés de rapporter en Espagne une édition originale en 28 volumes de l'Encyclopédie de Diderot et D Alembert. Les académiciens souhaitent ainsi faire sortir l'Espagne de l'obscurantisme et de l'apathie dont se complaisent l'Eglise et la royauté et ouvrir en grand les portes de l'avenir et de la raison à travers les penseurs, les philosophes et les scientifiques

Le narrateur, écrivain sans doute, par ses recherches dans des documents, plans, archives cartes et livres de voyage, et en se rendant lui-même à Paris sur les lieux fréquentés par les deux académiciens, nous fait revivre ce périple semé d'embûches, d'incidents, d'attaques de gibiers de potence, d'autant plus qu'un certain Raposo, ancien soldat, qui survit d'expédient a été soudoyer pour empêcher ces "deux hommes de bien" de réussir leur mission.

Malgré quelques longueurs et des propos parfois très érudits, laissez-vous embarquer dans cette aventure mélange de réalités historiques et de fiction, c'est une véritable épopée dans laquelle nous entraîne l'auteur. L'écriture précise et imagée nous décrit les visages et les lieux comme dans un tableau d'un peintre espagnole. Tout au long de leur long voyage les deux hommes devisent sur la religion " la plus grande tromperie qu'ait inventée l'homme ", sur l'amour des beaux livres, sur les femmes et le libertinage. Des portraits savoureux dont celui de l'abbé Bringas, sorte de Mélenchon du XVIIIème siècle, poète révolutionnaire, qui en dépit de son titre n'est pas exactement un homme pieux, et qui sera le guide pittoresque de nos deux académiciens dans les salons parisiens hauts lieux de la mode et de l'élégance où l'on vient pour admirer et être admiré alors que dans les quartiers populaires on se prostitue pour une miche de pain. Un roman hommage à cet ouvrage majeur du XVIIIe siècle, première Encyclopédie française, synthèse des connaissances, symbole du siècle des lumières, et véritable arme politique dans un Paris pré-révolutionnaire.

Le résumé donné par l'éditeur de cet ouvrage est tellement complet qu'il est bien difficile de faire une chronique destinée à le parfaire . Et pourtant j'y vais de ma plume, ou plutôt de mon clavier, pour dire combien j'ai aimé ce livre qui ne fait que renforcer la vénération que je porte à l'auteur depuis de longues années et qui est l'un des rares (le second pour 2018) auquel j'attribuerai 6 étoiles si cette classification existait sur le site.
L'histoire passionnante de la quête de l'Encylopédie de Diderot et D Alembert ( et aussi de beaucoup d'autres), ce monument du savoir, dans la France pré-révolutionnaire est parsemée des réflexions personnelles de l'auteur qui présente , au fur et à mesure de l'avancement du récit ,sa façon de travailler, de mener l'intrigue et de respecter le contexte historique puisqu'il met en scène des personnages ayant réellement existé et fait appel à toute son imagination pour rendre leurs aventures attractives.
Ainsi on suit Arturo Perez-Reverte dans ses recherches bibliographiques, dans ses entretiens avec des historiens , dans le voyage d'Espagne à Paris qu'il fait lui même, cherchant à se mettre littéralement dans les traces de ses personnages.
Au passage il rend un hommage appuyé à Louis-Sébastien Mercier ( un de mes auteurs favoris), ce génial chroniqueur du 18ème siècle qui a croqué ses contemporains dans "les Tableaux de Paris", un texte d'une drôlerie irrésistible qui mieux qu'un pédant livre d'histoire, permet d'appréhender toute une époque.
Bien sûr les auteurs fétiches de Perez-Reverte ne sont pas loin et on devine en filigrane, le célèbre Cervantès et l'illustre Alexandre Dumas qui restent ses sources d'inspiration toujours renouvelées.
Bref ce roman est absolument passionnant tant par l'histoire qu'il raconte que par les digressions sur la création littéraire et j'ai passé un formidable moment de lecture avec ces personnages qui resteront longtemps dans ma mémoire.

« Deux hommes de bien ». le titre est vraiment très bien trouvé ! Car ce sont réellement deux hommes de bien que ces deux académiciens… courageux, intelligents, esprits ouverts et bienveillants. J'avoue m'être fort attachée à ces deux hommes de l'Académie Royale d'Espagne : d'un côté l'Amiral, Don Pedro Zerrata, ancien brigadier de la Marine Royale d'Espagne, d'un certain âge mais qu'il porte fort bien, grand, calme, sobre et élégant à la fois, parfois un peu guindé mais d'une grande intelligence et bienveillant – de l'autre, le bibliothécaire de l'Académie, Don Hermogenes Molina, plus rondouillard que son collègue, un peu plus « négligé », très catholique mais néanmoins relativement ouvert d'esprit, très bienveillant, un peu ingénu et bien sûr très bibliophile.
Nous sommes au 18e siècle dans la très catholique Espagne. L'histoire se déroule une dizaine d'années avant la Révolution française. Il y a quelques années maintenant, en France justement, a été publiée l'Encyclopédie de Diderot et D'Alembert. Sous l'impulsion de l'Eglise, elle a été interdite en France et encore plus en Espagne. Malgré tout, en France, elle circule encore et a été réimprimée plusieurs fois, souvent à l'étranger avec quelques modifications. L'Académie Royale d'Espagne, après de nombreux débats en son sein, a décidé de l'acquérir pour sa bibliothèque et surtout avant la réédition de son dictionnaire. Elle a obtenu la permission exceptionnelle du Roi d'Espagne et de la Sainte Inquisition. C'est ainsi que nos deux valeureux académiciens sont mandatés par leurs collègues pour se rendre à Paris et essayer de trouver et d'acquérir l'Encyclopédie, l'édition originale.
Nous suivons donc ces deux hommes courageux d'entreprendre un tel voyage, tous deux d'un certain âge tout de même, qui font plus ample connaissance au fil du voyage qui n'est pas de tout repos comme peuvent l'être les voyages à cette époque. Chemins plus ou moins carrossables, bandits de grand chemin, auberges plus ou moins propres et confortables etc. D'autant plus que certains académiciens contre l'achat de cette Encyclopédie, ont fomenté une opération secrète pour empêcher la réussite de cette expédition. Au fil des conversations entre les deux hommes, on en apprend beaucoup sur l'Espagne du 18e siècle et c'est très intéressant. Une amitié sincère naît également entre ces deux compagnons de voyage. Quand ils arrivent enfin à Paris, ils découvrent émerveillés cette magnifique ville, et commencent leurs pérégrinations pour trouver l'Encyclopédie. On découvre avec eux la France prérévolutionnaire. Au cours de leurs recherches, ils font énormément de rencontres intéressantes, parfois étonnantes comme celle par exemple de ce « drôle » d'abbé Bringas qui perdra sa tête quelques années plus tard sur la guillotine en compagnie de Robespierre.
Tout cela donne un livre attachant, captivant, très documenté (des petites interruptions de l'auteur nous l'expliquent parfois au détour d'un fait, d'un lieu) et finalement assez haletant (je ne m'y attendais pas en démarrant cette lecture). Vont-ils venir à bout de leur mission ? Vont-ils rentrer sains et saufs tous les deux en Espagne ?
Pour le savoir, à votre de tour de lire cette belle aventure humaine et intellectuelle.
Je remercie Babélio et les éditions du Seuil pour cet envoi dans le cadre de l'opération Masse Critique. Cela m'a permis un très joli voyage que j'ai beaucoup apprécié.

Lien : https://mapassionleslivres.w..

Brillante idée que celle-là : en retraçant le parcours rocambolesque des 28 volumes de l'édition originale de l'Encyclopédie depuis Paris jusqu'à l'académie royale espagnole en cette fin d'un XVIIIe siècle, hésitant encore entre les lumières et l'inquisition, la raison et la religion. le monde est sur le point de basculer et ce roman le décrit merveilleusement bien. Les personnages sont étonnants, drôles, complexes mais surtout : authentiques.
Par ailleurs, la mise en abîme de l'auteur qui livre ses propres interrogations, ses recherches et ses trouvailles de narration pourraient n'être qu'un artifice, mais au contraire, elles ajoutent de la véracité au récit.

Les aventures picaresques de deux académiciens espagnols venus chercher l'Encyclopédie à Paris au Siècle des Lumières. L'un d'entre eux en particulier va se révéler un héros attachant et plein de ressources...ils en auront besoin pour mener à bien leur quête et lutter contre les intrigues d'un brigand truculent qui tient aussi le haut de l'affiche.
Le roman est admirablement bien construit, avec des aller-retours dans le présent et dans l'histoire, suggérant au lecteur que tous les faits et personnages sont réels, mais les incursions dans le roman de personnages ayant réellement existé sont savoureuses, tout comme l'anticipation des bouleversements à venir.
Arturo Perez-Reverte est venu à Versailles en 2022 présenter son dernier ouvrage sur son passé de reporter de guerre et s'est révélé à l'image de ce livre : vif, chaleureux, érudit, plein d'humour, parfois cru, et je pense qu'il a mis un peu de lui dans les personnages du brigand et surtout de Don Pedro Zarate.

Je dois vous avouer que je suis sans doute légèrement amoureuse de Arturo Perez Reverte. Académicien, correspondant de guerre, grand historien, son regard malicieux, sa grande sagesse, l'étendue de ses connaissances....en Espagne, il énerve un peu.
Deux hommes de bien est un voyage aller retour Madrid/Paris avec bien des péripéties, des descriptions précises des deux capitales, de leurs élites et de leur peuple.
Des aventures épiques qui souffrent pourtant des très longues discussions entre le prêtre et l'officier au sujet de la religion. Arguments interessants de part et d'autre, mais à force, je me suis un peu lassée!
Heureusement, APR est un maître et je lui ai fait confiance jusqu'au bout du voyage.
Étonnant procédé utilisé dans ce roman, il nous conte aussi comment il l'a documenté, qui étaient ses contacts et quels lieux il a visité. Je me suis apercue qu'il était venu tout près de chez moi pour ses recherches. Rendez- vous manqué, quel dommage!

De la part de cet auteur que j'apprécie, je m'attendais à un roman d'aventures historiques avec du suspense qui donne envie de tourner les pages, et un cadre temporel bien restitué. Pour le cadre, rien ne manque, des menus des auberges sur la route à la misère du peuple de Paris, des grands philosophes mondains au libertinage galant des salons. J'ai d'ailleurs particulièrement apprécié les interventions de l'auteur, expliquant la façon dont il se documente, donnant ses notes de lecture sous forme romanesque. Cela lui permet de suspendre l'action principale aux moments importants pour créer du suspense, tout en présentant cette recherche documentaire comme une autre chasse aux trésors bibliophiles, à deux siècles d'écart. Connaissant assez bien cette fin du XVIIIème siècle, j'ai apprécié de retrouver des auteurs ou des historiens que je connaissais.
Cependant, malgré cette intrigue très prometteuse, la fidélité historique et les interventions stimulantes de l'auteur, le rythme s'essouffle et j'ai un peu déchanté. Les deux personnages principaux ne sont pas traités de la même façon - don Hermes aurait gagné à être mis en avant lui aussi, les ruses du mercenaire sont trop faciles pour qu'il réussisse.
Finalement, si quelques passages sont passionnants (le duel, la grande dame libertine...), d'autres manquent d'élan, peut-être parce que les deux académiciens sont plus des hommes de parole que d'action.

J'ai adoré ce roman que l'on pourrait classer dans le genre "aventure". Ce livre est très bien écrit et les dialogues, échanges d'idées et de points de vue, entre les différents personnages sont savoureux.

On ne s'ennuie jamais durant les pérégrinations des deux personnages principaux. Ceux-ci sont chargés par l'académie royale d'Espagne de ramener la première édition de l'encyclopédie, alors interdite dans ce pays. Ce projet ne fait pas l'unanimité et de nombreux obstacles vont se dresser devant les deux personnages.

Un travail de recherche considérable a été réalisé pendant la phase d'écriture de ce roman. Il est d'ailleurs décrit par l'auteur dans certaines parties de l'ouvrage. J'ai eu un peu peur au début que cela vienne clairement couper le récit mais pas du tout, c'est au contraire très intéressant et cela s'intègre parfaitement à l'histoire sans casser le rythme.

Je recommande vivement ce roman (et les autres de l'auteur aussi).

Voici un livre intelligent et subtil. On se retrouve au coeur des lumières lorsque deux membres de l'académie royale d'Espagne ont pour mission de rechercher l'encyclopédie française à Paris vers la fin du 18 ième mais avant la révolution française et de ramener les 28 ouvrages dans une Espagne vivant encore dans l'ombre de la très sainte et puissante inquisition.
Ce n'est pas un thriller, ce n'est pas un policier, c'est un récit érudit, clair et écrit avec délicatesse et subtilité. J'ai beaucoup apprécié de me retrouver dans cette ambiance
ancien régime et on ressent combien l'auteur a pris soin de se documenter avant de livrer ce roman à mi chemin entre la réalité et la fiction.