Niveau 6 : Quel est le but du jeu ? Est-ce gagner ? Ou bien simplement prendre du plaisir durant la partie ? Faut-il qu'elle dure longtemps pour être plus heureux ? Et si la vie était un jeu ? Quel est alors son enjeu ? Regarde bien dans le miroir face aux joueurs : qui chacun d'eux voit-il comme plus farouche adversaire ?
Attention prends tout le temps de la réflexion...dis-moi miroir...quelles sont les règles finalement ? Où est le Bien ? Où est le Mal ? Où commence la fiction ? Où est la réalité ? Faut-il tout donner, toujours aller de l'avant ? Quels sacrifices accepter, quand et comment ? Car pour bien finir faut-il seulement un vainqueur ? Et si c'était finalement un jeu à qui perd gagne, la vie ? La vie si courte et qui ne contient que la vie...
Tu l'auras compris, ami lecteur, je n'ai pas résisté à te présenter en premier le niveau le plus élevé. Ne crains rien : pas de spoiler car ce niveau n'est pas tel quel ni dans le livre, ni dans le tableau. A ce niveau tout devient très personnel et ta manière d'appréhender le monde va fortement impacter ton interprétation des faits et des symboles. Moi par exemple, j'aime bien laisser des options ouvertes, d'où toutes ces questions.
Arturo Perez-Reverte lui aime bien jouer, je l'ai déjà dit lors de critiques précédentes, je le répète. Ne te laisse pas embarquer car il aime jouer des tours au lecteur et essaye de le rendre fou. Avec cette dernière phrase aucun doute il adore jouer, entre autre, aux échecs, mais je te préviens il aime aussi les constructions géométriques et les mathématiques : donc la balistique, l'architecture, la peinture et la musique. En avant pour le niveau 1 (certains d'entre vous connaissent mieux les jeux vidéos et Super Mario que les échecs, c'est bien aussi pour aborder des univers parallèles) !
Niveau 1 : Écriture simple et claire pour cette démonstration quasi mathématique, adaptée aux raisonnements logiques du joueur d'échecs. Les personnages sont plutôt plats comme faisant partie du tableau. Quelques belles descriptions toutefois, sur les antiquités, la restauration d'oeuvres d'art, l'univers des antiquaires, le marché de l'art. La palme revient bien sûr à la description de ce tableau purement imaginaire d'un peintre qui n'a pas vécu ni la scène ni l'époque. Admirable sans égaler, à mon avis,
Borges qui a inventé de toute pièce une encyclopédie complète. Quelques beaux dialogues sur la musique notamment. Et bien sûr les clins d'oeil à des héros imaginaires ou des figures légendaires pour renforcer l'illusion de la réalité de l'histoire racontée. Prêt pour le niveau 2.
Niveau 2 :
Enquêtes entrelacées, assassinée l'unité de lieu et de temps dans ces univers parallèles, dans ce jeu de miroirs on finirait vite par ne plus savoir sa gauche de sa droite, l'envers ou l'endroit, et le passé explique-t-il le présent ou le présent permet-il d'élucider les énigmes du passé ? Y a-t-il un lapin blanc dans cette histoire ? Qui va rester sur le carreau, le carreau du dallage et le carreau du damier, l'arme est évidemment une arbalète qui nous renvoie au carreau meurtrier ? (Ouf, ni nappes en vichy, ni pantalons en pied de poule, heureusement !) Mais que fait donc la police ? Attention de ne pas glisser sur les carreaux de la salle de bain pour pouvoir atteindre le niveau 3.
Niveau 3 : Ombres et lumière, petitesses et grandeur, intrigues et jeux de pouvoir, domination et soumission, marchandages en tout genres et à tous les étages. Différents points de vue établissent différentes perspectives et différentes lignes de fuites. Attention au renversement des évidences. Qui manipule qui ? Ne te perds pas si tu veux être bien armé pour le niveau 4.
Niveau 4 : de l'art, de la peinture, de la musique et au-delà de la littérature aussi; eh oui. A ce niveau, ami lecteur, tu vas apprendre un peu sur tout. Mais j'espère que tu n'as pas oublié de prendre avec toi ce miroir que tu as déjà croisé dans les niveaux précédents car avec lui tu pourras transposer tout ce qui est dit sur la musique ou sur la peinture à la littérature. Ah, il est diablement fort cet Arturo ! Bon tout jusqu'à présent n'est qu'échauffement pour le niveau 5.
Niveau 5 : La partie d'échecs, quelle frustration, sois prêt ! Bon il faut s'accrocher si tu ne sais pas jouer au échecs mais plus encore si tu sais jouer. Quand tu tombes sur la page 88 tu vois tout de suite que les blancs ont l'avantage, confirmé en page 90, seul point délicat la tour b6 menacée par le pion noir en a7 qui pourrait mettre à mal tout ce bel édifice. Alors quand tu apprends que c'est aux blancs de jouer, tu imagines bien sûr prendre le pion noir en b7 par le pion blanc en c6. Ton adversaire se trouve en face du dilemme prendre ta tour en b6 avec son pion en a7 ce qui t'ouvre une voie royale pour aller à la dame tout en prenant son fou en d8 ou plus vraisemblablement parce qu'il n'est pas fou il va s'en servir et le sacrifier pour prendre ton pion en b7. Au coup d'après tu lui prends son fou avec ton pion en a6. Résultat tu accrois grandement ton avantage par un partage de pions, un gain d'un fou et le blocage de son cavalier en b8 ou plus tard en c6. Eh, eh pour comprendre il te faut le bouquin, c'est mon but aussi ;). Mais attends toi à une déception en page 167 !
De tout façon tu n'as pas le choix tu es prisonnier de la partie. Amoureux de liberté j'ai alors imaginé un damier en rouge et noir. Ah, ah Mr
Perez-Reverte le rouge et le noir, l'amour et la mort, fini le Bien et le Mal ! Car si tout est permis pour l'auteur, le lecteur peut tout lui aussi. Incidemment, en choisissant comme modèle un maître qui préfère terminer par un Pat (match nul) plutôt qu'un Mat (prise du roi) cela pose immédiatement les questions du niveau 6.
Voilà si tu veux jouer tu peux commencer par associer les citations que j'ai déposées aux niveaux que je mentionne dans la critique. Pour corser il n'y a que 5 citations pour 6 niveaux. Et puis surtout, jette-toi sur ce très troublant roman.
Mon édition livre de poche fait 347 pages le texte commençant en page 7.