«
L'amour sans elle » de
Cristina Peri Rossi est-il bien un roman comme on peut le lire en première de couverture ? Pas grand chose ne se passe dans cet ouvrage (hormis la chute finale), si ce n'est l'essentiel : la narration vétilleuse d'un amour total, entier, obsessionnel, anxieux, maniaque, fanatique d'un homme pour une femme. Vous avez dit « passion » ? Non, parlons plutôt de dépendance, de douleur et de plaisir, de dévoration, d'aliénation... L'amour rend le narrateur hors la loi et du monde « normal » (le monde des gens qui « lisent le journal » autrement dit qui ne sont pas amoureux), sauvage, taciturne, autiste. Cet homme qui n'a pas de nom est à la fois prisonnier et lucide, ensorcelé et consentant, drogué. Un ami psy, fugitivement, lui distille quelques aphorismes.
Cet ouvrage ne ressemble à aucun autre. Il est magnifiquement écrit et n'est-ce pas là l'essentiel ? Langue de poète, superbement traduite, opulente, précise, exaltant une chair tremblante de désir, jamais assouvie. Il n'y a qu'à se laisser embarquer par un texte hypnotique, sans commencement ni fin mais profondément humain, déchirant, beau comme une étreinte amoureuse.
Qu'attendent les éditeurs français pour s'engager dans la traduction des autres oeuvres de cette grande dame ?