Pour tromper sa déprime après la mort de ses parents et la démission de son travail, le narrateur, la petite quarantaine, se réfugie avec le chien, Tartuffe, sur la «plateforme», lieu désaffecté investi par les parents fantasques pour y faire la fête.
Au 13 -ème étage, il prend de la hauteur, et de la distance, pour ne vivre qu'avec l'essentiel, dans un minimalisme poussé à l'extrême.
L'écriture est concise, poétique, économique, avec ses phrases brèves, son découpage en chapitres courts, qui se terminent par une petite phrase de synthèse, qui tend vers l'aphorisme. le texte pourrait presque faire des paroles de chansons. D'ailleurs,
Frédéric Perrot écrit pour la chanson. Il a collaboré à l'album Éphémère avec
Gaël Faye et
Grand Corps Malade. «L'écriture sert à dédramatiser les grands drames de l'existence» formule l'auteur pour La Charente Libre en 2023. C'est bien ce que l'on perçoit à la lecture de
Ce qu'il reste d'horizon. On est dans le registre de la légèreté, de l'humour poétique à la
Sempé, du burlesque, de l'absurde.
Le narrateur semble émerger d'un film muet à la
Buster Keaton, mais c'est Demy que l'auteur cite, ou 37,2, lorsqu'il fait référence au cinéma. le personnage choisit la marge et le retrait, avec une certaine candeur. Il est mal armé pour la vie, déprimé, solitaire, et gentiment subversif. Son « Quand on découvre qu'on n'est pas seul à être seul, on l'est d'emblée un peu moins « fait écho à
Jean-Louis Fournier et son
Je ne suis pas seul à être seul.
Frédéric Perrot n'appartient toutefois pas à la même génération.
Le récit baigne dans la Suze, cet apéro qui date de 1889, tout comme la Tour Eiffel et
Jean Cocteau. En 1910, la bouteille arborait sur son étiquette un collage de Picasso. Elle a inspiré d'autres artistes encore, comme
Jean-Charles de Castelbajac,
Christian Lacroix,
Sonia Rykiel,
Paco Rabanne. Je ne m'explique pas bien pourquoi, mais la liqueur a un effet indéniable sur les personnalités artistiques, et certainement sur
Frédéric Perrot... Sa recette à base de racine de gentiane s'accorde avec l'engouement du personnage pour la culture de son potager domestique, et fait écho au retour à la nature très tendance chez les urbains de nos jours.
Le personnage est touchant parce que sensible et sincère. L'histoire, qui est celle de son deuil et de son nouveau choix de vie, est originale et pleine de fantaisie. Elle véhicule des éléments dans l'air du temps. Les nombreux aphorismes peuvent lasser, mais ils impriment un rythme à l'écriture. On craint une fin heureuse et béate. Elle est évitée. J'ai découvert
Frédéric Perrot avec
Ce qu'il reste d'horizon, et le lirai volontiers à nouveau.