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Citations sur Le livre de l'intranquillité (816)

Tout effort, quel que soit le but auquel il tend, subit, dès qu'il se manifeste, les déviations que la vie lui impose ; il devient un autre effort, sert d'autres fins, et aboutit parfois à un résultat contraire à celui qu'il visait. Seul un objectif méprisable vaut la peine, parce que c'est le seul que l'on puisse atteindre intégralement. Si je veux employer mes efforts à faire fortune, je pourrai, d'une certaine manière, y réussir ; c'est un but méprisable, comme tous les buts quantitatifs, qu'ils soient personnels ou non, et c'est un but accessible et contrôlable. Mais comment puis-je réaliser le vœu de servir ma patrie, de développer la culture ou d'améliorer l'humanité ? Je ne peux ni connaître les moyens pour y parvenir, ni contrôler le résultat.

Texte n° 147.
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1er février 1931
Après tous ces jours de pluie, le ciel ramène l'azur dérobé aux profondeurs de l'espace. Entre les rues, où les flaques dorment comme les mares dans les champs, et la gaieté lumineuse jetant un éclat froid dans le ciel, le contraste rend plaisantes les rues sales, et printanier ce banal ciel d'hiver. C'est dimanche, et je n'ai rien à faire. Je n'ai même pas envie de rêver, tellement la journée est belle. J'en profite avec une sincérité des sens à laquelle s'abandonne mon intelligence. Je me promène, comme un employé en liberté. Je me sens vieux, pour le seul plaisir de me sentir rajeunir.
Sur la grand-place dominicale, j'assiste au mouvement solennel d'une journée d'un autre genre. À São Domingos, c'est la sortie de la messe, tandis qu'une autre commence déjà. Je vois des gens qui sortent, et d'autres qui n'entrent pas, car ils attendent d'autres gens encore qui ne voient pas ceux qui sortent.
Toutes ces choses sont sans importance. Elles sont, comme tout ce qui fait la banalité de la vie, un sommeil des mystères et des remparts crénelés d'où je contemple, tel un héraut parvenu au but, la plaine de mes méditations.
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Voyager ? Pour voyager il suffit d'exister.
Je vais d'un jour à l'autre comme d'une gare à l'autre, dans le train de mon corps ou de ma destinée, penché sur les rues et les places, sur les visages et les gestes, toujours semblables toujours différents, comme, du reste, le sont les paysages.
Si j'imagine, je vois. Que fais-je de plus en voyageant ? Seule une extrême faiblesse de l'imagination peut justifier que l'on ait à se déplacer pour sentir.
(...) C'est en nous que les paysages trouvent un paysage. C'est pourquoi, si je les imagine, je les crée ; si je les crée, ils existent ; s'ils existent, je les vois tout comme je vois les autres. A quoi bon voyager ? A Madrid, à Berlin, en Perse, en Chine, à chacun des pôles, où serai-je sinon en moi-même, et enfermé dans mon type et mon genre propre de sensations.
La vie est ce que nous en faisons. Les voyages, ce sont les voyageurs eux-mêmes. Ce que nous voyons n'est pas fait de ce que nous voyons, mais de ce que nous sommes. p 203 édition de 1988
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Les maux de l'esprit, malheureusement, font moins souffrir que ceux de la sensibilité, et ceux-ci moins que ceux du corps. Je dis « malheureusement » parce que la dignité humaine demanderait l'inverse. Aucune sensation angoissée du mystère ne peut faire souffrir comme l'amour, la jalousie ou le regret, ne peut suffoquer comme une peur physique intense, ou transformer comme la colère ou l'ambition. Mais il est également vrai qu'aucune des douleurs qui déchirent l'âme ne parvient à être aussi réellement douleur qu'une rage de dents, une crise de coliques ou (j'imagine) les douleurs de l'enfantement.
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Quel autre serais-je aujourd’hui, si l’on m’avait donné cette tendresse qui vient du fond du ventre, et qui monte jusqu’aux baisers posés sur un petit visage
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Il est si difficile de décrire ce que l'on éprouve, lorsque l'on sent qu'on existe réellement et que notre âme est une entité réelle — si difficile que je ne sais avec quels mots humains je pourrais le définir.
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L'inconscience est le fondement de la vie. S'il pouvait penser, le cœur s'arrêterait.
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Je n'ai jamais rien fait que rêver. Cela, et seulement cela, a toujours été le sens de ma vie. Je n'ai jamais eu d'autre souci véritable que celui de ma vie intérieure. Les plus grands chagrins de mon existence se sont estompés dès lors que j'ai pu, ouvrant la fenêtre qui donne sur moi-même, m'oublier en contemplant son perpétuel mouvement.
Je n'ai jamais voulu être rien d'autre qu'un rêveur. Si on me parlait de vivre, j'écoutais à peine. J'ai toujours appartenu à ce qui n'est pas là où je me trouve, et à ce que je n'ai jamais pu être.
(...) Je n'ai jamais demandé à la vie que de m'effleurer, sans que je la sente passer. (...)
Cette manie de me créer un monde factice ne m'a jamais quitté, et ne me quittera que le jour de ma mort. Je n'aligne plus, aujourd'hui, au fond de mes tiroirs, de bobines de fils aux tons multicolores, ou de pièces de jeu d'échecs - où parfois se détachaient un fou ou un cavalier -, mais je le regrette... et ce que j'aligne maintenant dans mon imagination, tout à mon aise, comme on se chauffe en hiver au coin de la cheminée, ce sont des créatures qui habitent, de façon constante et parfaitement vivante, ma vie intérieure. J'ai tout un monde d'amis au fond de moi, dotés d'existences personnelles, réelles, bien définies et imparfaites.
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Les fleurs, les fleurs que là-bas j'ai vécues ! Des fleurs que la vue traduisait en noms, les reconnaissant, et dont notre âme cueillait le parfum, non pas en elles-mêmes mais dans la mélodie de leurs noms. Des fleurs dont les noms étaient, répétés en longues suites, des orchestres de parfums sonores… Des arbres dont la verte volupté mettait ombre et fraîcheur dans la façon dont ils s'appelaient… Des fruits dont le nom était comme planter les dents dans l'âme de leur pulpe… Des ombres qui étaient des reliques d'autrefois si heureux… Des clairières, des clairières toutes claires, qui étaient des sourires plus francs du paysage bâillant tout auprès… Ô heures multicolores !… Instants-fleurs, minutes-arbres, ô temps figé en espace, temps mort d'espace et couvert de fleurs, et du parfum des fleurs, et du parfum du nom des fleurs !

GRANDS TEXTES, I : « Madonne des eaux dormantes… »
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Notre vie d'adultes se borne à faire l'aumône aux autres. Nous vivons tous des aumônes d'autrui. Nous gaspillons notre personnalité en orgies de coexistence.

Texte n° 209.
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