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Citations sur Le livre de l'intranquillité (816)

Oui, nous tous nous passerons, et nous passerons tout entiers. Il ne restera rien de ce qui possédait gants et sentiments, de ce qui parlait de la mort et de politique locale.

Texte n° 202.
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Je ne distingue pas, fondamentalement, un homme d'un arbre ; et, sans aucun doute, ma préférence va à celui des deux qui produit le meilleur effet décoratif, et qui intéresse davantage mes yeux pensants. Si c'est le cas de l'arbre, alors je souffre davantage de voir couper l'arbre que de voir l'homme mourir. Il est des départs de soleil couchant plus douloureux pour moi que la mort d'un enfant.

Texte n° 161.
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Parfois je songe, avec une volupté triste, que si un jour, dans un avenir auquel je n'appartiendrai plus, des louanges viennent prolonger la vie de ces pages, j'aurai enfin quelqu'un qui me " comprenne ", une vraie famille où je puisse naître et être aimé. Mais, bien loin d'y naître, je serai mort depuis longtemps. Je ne serai compris qu'en effigie, quand l'affection ne pourra plus compenser, pour le mort, la désaffection qu'il aura seule connue de son vivant.
Un jour peut-être on comprendra que j'ai accompli, comme nul autre, mon devoir — de naissance, dirai-je — d'interprète d'une bonne part de notre siècle ; et quand on le comprendra, on écrira qu'à mon époque j'ai été incompris, que j'ai malheureusement vécu au milieu de l'indifférence et de la froideur générales, et qu'il est bien dommage que cela me soit arrivé. Et celui qui écrira tout cela péchera, à l'époque où il l'écrira, par incompréhension envers mon homologue de cette époque future, tout comme ceux qui m'entourent aujourd'hui.

Texte n° 191.
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Ma vieille tante faisait des patiences pendant l'infini des soirées. Ces confessions de mes sensations, ce sont mes patiences à moi. Je ne les interprète pas, comme quelqu'un qui tirerait les cartes pour connaître l'avenir. Je ne les ausculte pas, parce que dans les jeux de patience, les cartes, à proprement parler, n'ont aucune valeur. Je me déroule comme un écheveau multicolore, ou bien je fais de moi-même un de ces jeux de ficelle que les enfants tissent, sur leurs doigts écartés, et qu'ils se passent de main en main. Je prends soin seulement que le pouce ne lâche pas le brin qui lui revient. Puis je retourne mes mains, et une nouvelle figure apparaît. Et je recommence.
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Nous sommes des sortes de climats, sur lesquels pèsent des menaces de tempête qui vont se concrétiser ailleurs.

Texte n°192.
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Ce que l'on a perdu, ce que l'on aurait dû vouloir, ce que l'on a obtenu et gagné par erreur ; ce que nous avons aimé pour le perdre ensuite et constater, après l'avoir perdu et l'aimant pour cela même, que tout d'abord nous ne l'aimions pas.
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L'intensité des sensations a toujours été plus faible, chez moi, que l'intensité de la conscience que j'en avais. J'ai toujours souffert davantage de ma conscience de la douleur que de la souffrance même dont j'avais conscience.
La vie de mes émotions a choisi de s'installer, dès l'origine, dans les salons de la pensée, et j'ai toujours vécu là plus largement ma connaissance émotive de la vie.
Et comme la pensée, lorsqu'elle héberge l'émotion, devient plus exigeante qu'elle, ce régime de la conscience, où j'ai opté de vivre ce que je ressentais, a rendu ma manière de sentir plus quotidienne, plus titillante et plus épidermique.
Je me suis créé écho et abîme, en pensant. Je me suis multiplié, en m'approfondissant. L'épisode le plus minime - un changement né de la lumière, la chute enroulée d'une feuille, un pétale jauni qui se détache, une voix de l'autre côté du mur, et les pas de la personne qui parle mêlés aux pas de celle qui probablement l'écoute, le portail entrebâillé sur le vieux jardin, la cour s'ouvrant sur l'arc des maisons rassemblées sous la lune -, toutes ces choses, qui ne m'appartiennent pas, retienne ma méditation sensible dans les liens de la résonance et de la nostalgie. Dans chacune de ces sensations je suis autre, je me renouvelle douloureusement dans chaque impression indéfinie.
Je vis d'impressions qui ne m'appartiennent pas, je me dilapide en renoncements, je suis autre dans la manière même dont je suis moi.
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Il existe des gens qui souffrent réellement de n'avoir pu, dans la vie réelle, vivre avec Mr Pickwick ni serrer la main de Mr Wardle. J'en fais partie. J'ai pleuré de vraies larmes sur ce roman, de n'avoir pas vécu à cette époque-là, avec ces gens-là, des gens pour moi bien réels.
Les drames sont toujours beaux dans les romans, parce qu'il n'y coule point de sang authentique, pas plus que les morts n'y pourrissent, et d'ailleurs la pourriture n'est jamais pourrie dans les romans.
Quand Mr Pickwick est ridicule, en fait il ne l'est pas, parce que c'est un roman. Qui sait si le roman n'est pas une vie et une réalité plus parfaites que Dieu crée à travers nous, et si nous n'existons pas — qui sait — uniquement pour les créer ? Les civilisations semblent n'exister que pour produire l'art et la littérature ; et les mots, c'est ce qui nous parle et nous reste d'elles. Pourquoi ces figures extra-humaines ne seraient-elles pas réelles et véritables ? Cela me fait mal, dans mon existence mentale, de penser qu'il en est peut-être ainsi…

Texte n° 195.
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Pourquoi écrire, si je n'écris pas mieux ? Mais que deviendrais-je si je n'écrivais pas le peu que je réussi à écrire, même si, ce faisant, je demeure très inférieur à moi-même ? Je suis un plébéien de l'idéal, puisque je tente de réaliser ; je n'ose pas le silence, tel un homme qui aurait peur d'une pièce obscure. Je suis comme ceux qui apprécient davantage la médaille que l'effort, et qui se parent des plumes du paon.
Pour moi, écrire c'est m'abaisser ; mais je ne puis m'en empêcher. Ecrire, c'est comme la drogue qui me répugne et que je prends quand même, le vice que je méprise et dans lequel je vis. Il est des poisons nécessaires, et il en est de forts subtiles, composés des ingrédients de l'âme, herbes cueillies dans les ruines cachées de nos rêves, coquelicots noirs trouvés sur les tombeau de nos projets, longues feuilles d'arbres obscènes, agitant leurs branches sur les rives des eaux infernales de l'âme.
Ecrire, oui, c'est me perdre, mais tout le monde se perd, car vivre c'est se perdre. Et pourtant je me perds sans joie, non-pas comme le fleuve qui se perd à son embouchure - pour laquelle il est né, encore inconnu -, mais comme la flaque laissée dans le sable par la marée haute, et dont l'eau lentement absorbée ne retournera jamais à la mer.
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Organiser notre existence de façon qu'elle soit aux yeux des autres un mystère, et que ceux mêmes qui nous connaissent le mieux nous méconnaissent seulement de plus près que les autres. J'ai façonné ainsi ma vie, presque sans y penser, mais avec tant d'art et d'instinct que je suis devenu pour moi-même une individualité qui n'est ni clairement ni entièrement définie, mais absolument mienne.
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