Je dois avouer que le début du roman ne m'avait guère enthousiasmée, et m'avait fait craindre un long moment d'ennui, mais très vite, on se retrouve embarqué dans cette satire du régime totalitaire communiste et du rêve obsessionnel de certains Slovaques de devenir riches à l'instar des Européens de l'Ouest...
L'intrigue se déroule presque à huit-clos dans un vieil hôtel de luxe de Bratislava, L'Ambassador, dans les années 1989-1990, c-a-d entre la chute du mur de Berlin et la Révolution de velours.
D'entrée de jeu, la stupéfaction saisit le lecteur à la découverte du fonctionnement économique communiste complètement ubuesque : non seulement, Donáth, le chauffagiste, effectue le travail de ses 3 autres collègues partis depuis des années en touchant un double salaire - les 2 autres payes étant partagées entre les employés de bureau - mais il travaille dans les sous-sols de l'hôtel depuis 50 ans, sans en être sorti, se donnant sans compter pour son travail, et bien sûr cette situation semble tout à fait normale au directeur qui s'indigne même de l'ingratitude de son employé modèle quand celui-ci souhaite prendre une retraite bien méritée !! Donáth, consciencieux jusqu'au bout, promet de trouver et former son remplaçant. le hasard le place sur le chemin de Rácz, jeune paysan fruste et buté, monté en ville en vue d'amasser assez d'argent pour marier la fille du riche boucher de son village...
C'est à la 1ère journée d'hiver que Rácz officie seul à la chaufferie, et c'est sur une parole humiliante du directeur qu'il décide de soigner son orgueil froissé en coupant le chauffage dans tout l'hôtel. Les employés, et les clients, à tour de rôle, vont descendre dans les sous-sols offrir des cadeaux à l'ouvrier afin de l'amadouer, et lui faire ainsi prendre conscience du pouvoir qu'il détient. Peu à peu, Rácz va prendre le contrôle de l'hôtel tandis que tous lui lèchent les bottes... Tous ? non, le directeur résiste toujours et encore... mais pour combien de temps ?
Peter Pišt'anek nous dépeint une faune hétéroclite, avide d'enrichissement personnel par n'importe quel moyen : menaces, prostitution, chantage, escroquerie, extorsion... tout est bon pourvu que l'argent se gagne facilement et rapidement... au risque de tout perdre ensuite en ayant été trop gourmand !
Il faut dire que le tourisme sexuel, pratiqué par des Européens de l'Ouest sans vergogne, ou tout simplement le désir de passer des vacances bon marché à Bratislava, constituent une manne pour les profiteurs de tous poils !
L'auteur aborde des thématiques sombres mais son humour dévastateur emporte tout sur son passage, tant les situations sont parfois grotesques et "hénaurmes" ; elles contribuent d'ailleurs à dédramatiser la gravité de certains sujets, même si j'ai eu un pincement au coeur pour le destin sordide qui attend Silvia et Edita dans un bordel autrichien.
Rácz, l'anti-héros du roman, est hallucinant. Son futur associé, Vidéo-Urban (peut-être le personnage le moins antipathique) le décrit en ces termes peu flatteurs :
” C'est le type le plus stupide et le plus borné que j'aie jamais rencontré. Pour l'intelligence, il en a encore moins que [ma] chaussure droite. Mais une faculté d'adaptation inimaginable. Et un prédateur. Rácz, c'est une catastrophe naturelle. Une machine à faire du fric."
(page 244-245)
En plus de cela, Rácz est, au niveau de l'habillement, top ringard. C'est aussi un rustre, complètement inculte (il est persuadé que Puccini est un peintre !!^^), mais son ascension est irrésistible, et il finit par se faire baiser la main comme le Parrain de Coppola...
Pour conclure, l'auteur nous offre une peinture complètement déjantée et cynique de cette micro-société avide de richesse et prête à tout pour l'obtenir. J'ai ri à plusieurs reprises, bien que certains passages soient vraiment noirs. Rácz est vraiment un anti-héros incroyable, détestable au possible mais tellement stupide, tyrannique et irréfrénable qu'il en devient fascinant...
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