« Mais, c'est la montée des Accoules ! » m'exclamais-je en repérant la couverture de ce livre exposé sur l'étal du libraire.
Aussitôt, le commerçant me donne le titre, que je n'avais pas lu, et le synopsis.
Mais moi, je n'entend que mes souvenirs d'enfance dans le récit de mes parents, mémoire collective des années sombres de la guerre (ma mère sort à peine de l'adolescence, mon père un peu plus âgé).
Ce quartier dit réservé, occupait le site fondateur qui dès l'arrivée des Phocéens, a constitué leur premier comptoir commercial autour du quelle ils ont construit, aménagé, protégé Massalia.
Cette construction littorale, plus ou moins anarchique, s'est peu à peu transformée, au fil des siècles, en un véritable cloaque du stupre et de la fornication internationalisée, prenant tour à tour le nom de « la Fosse » (Phocée= Foça?), puis de « Panier » (à crabes ? )
Pour la bourgeoisie marseillaise des 19ème et 20ème siècles, c'est un quartier à l'image de l'Enfer catho qu'il est impératif de détruire pour y reconstruire un Paradis (immobilier?)
L'arrivée des nazis en 1942 servira leur dessein.
D'abord, avec la rafle des juifs en fin d'année 42, l'urbanisation incohérente et désordonnée permettant de nombreuses caches et assurant des pistes de fuite
C'est aussi là que la Résistance marseillaise y a trouvé ses quartiers.
Pour joindre l'utile (lutte contre le terrorisme) à l'agréable (permettre à la bourgeoise collabo d'assouvir son dessein), les forces nazies ont donc dynamité les immeubles occupant la quatorzaine d'hectares de la rive nord du Vieux Port, laissant à nu un des quatre liens entre ville haute et ville basse : la montée des Accoules.
L'oralité familiale attribue l'origine de ce nom à un dialecte italien qui signifierait « alouette », vous savez bien, ce passereau qui, monté haut dans le ciel, nous inonde de ses trilles.
Probable analogie grivoise avec les pauvresses vendant leurs charmes pour emmener les amateurs aux cerveaux reptiliens vers leur septième ciel. Ah ! que cela nourrissait aussi mon cervelet prépubère d'images toutes aussi reptiliennes.
Une fois revenu de cette plongée historique, j'ai acheté le livre. Je découvre que c'est une BD ! Moi qui en suis resté aux albums de Tintin et d'Astérix, je suis surpris par ce format, inhabituel pour moi ; amis de la culture Bonjour !!!!
Le graphisme me plaît, me rappelant certains comics trip des années cinquante (Mandrake). Ce n'est qu'à la relecture que j'ai remarqué la différence entre la lettre du père et la réponse du fils.
Rouge pour souligner les couleurs chaudes des années folles, auquel répond le bleu-gris des années sombres de la guerre et de la reconstruction.
Est-il utile de dire que j'ai aimé cette bande dessinée en vous offrant le partage de ma remontée mémorielle plutôt qu'une véritable critique ?
Je vous souhaite autant de plaisir que le mien à cette lecture.
Ancelle, le 16 juillet 2023
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Ce jeu sur la couleur ne se remarque pas forcément à la première lecture mais participe à l’immersion dans ce récit très bien construit. C’est encore une grande réussite artistique chez Les Enfants Rouges qui confirme leur place dans le monde de la bande dessinée indépendante.
Lire la critique sur le site : ActuaBD
Quand on est Napolitain et qu'on arrive à Marseille on ne va pas s'installer dans les beaux quartiers.
Emmanuelle Bayamack-Tam et son invité, Frédéric Boyer.
À l'occasion d'une grande journée dominicale qui célèbre à La Criée les 40 ans des éditions P.O.L, Oh les beaux jours ! a convié l'un des grands noms de ce catalogue, Emmanuelle Bayamack-Tam, qui publie aussi des romans noirs sous le nom de Rebecca Lighieri, et dont l'oeuvre, dense et d'une folle liberté, échappe à toute tentative de classification.
Récemment couronnée par le prix Médicis pour La Treizième Heure, l'écrivaine reviendra sur les thèmes récurrents de ses romans : la métamorphose, qui parcourt son oeuvre, mais aussi le rapport au corps – notamment lorsqu'il se transforme à l'adolescence –, la famille et le nécessaire requestionnement du rôle qu'on lui alloue dans nos sociétés, la religion et l'appartenance à une communauté, la question du genre et des identités multiples…
L'entretien explorera également le style Bayamack-Tam, sa capacité à mêler les voix en explorant les genres littéraires (poésie, récit, chanson…) jusqu'à les renouveler, son art singulier et assumé de laisser infuser dans ses romans toutes les lectures qui l'ont «enfantée» en littérature. La conversation portera également sur une pièce de théâtre en cours d'écriture, dont nous sommes allés filmer les répétitions, et sur son goût pour le cinéma, en particulier pour les films de Pedro Almodóvar. Il sera aussi question du roman graphique qu'elle a écrit avec Jean-Marc Pontier, et bien sûr de Marseille, ville de ses origines présente dans nombre de ses romans, avec une interview exclusive d'une patronne de bar bien connue des Marseillais…
À ses côtés, pour évoquer la richesse de son travail et sa double identité littéraire, son éditeur, Frédéric Boyer, apportera un éclairage sur cette oeuvre sans pareille.
À lire (bibliographie sélective)
— Emmanuelle Bayamack-Tam, « La Treizième Heure », P.O.L., 2022 (prix Médicis 2022).
— Emmanuelle Bayamack-Tam, « Arcadie », P.O.L, 2018 (prix du Livre Inter 2019).
— Emmanuelle Bayamack-Tam, « Je viens », P.O.L, 2015.
— Emmanuelle Bayamack-Tam, « Si tout n'a pas péri avec mon innocence », P.O.L, 2013 (Prix Alexandre-Vialatte).
— Emmanuelle Bayamack-Tam, « Une fille du feu », P.O.L, 2008.
— Rebecca Lighieri, « Il est des hommes qui se perdront toujours », P.O.L, 2020.
— Rebecca Lighieri, « Les Garçons de l'été », P.O.L, 2017.
— Rebecca Lighieri, « Husbands », P.O.L, 2013.
— Rebecca Lihieri et Jean-Marc Pontier, « Que dire ? », Les Enfants Rouges, 2019.
Un grand entretien animé par Chloë Cambreling et enregistré en public le 28 mai 2023 au théâtre de la Criée, à Marseille, lors de la 7e édition du festival Oh les beaux jours !
Podcasts & replay sur http://ohlesbeauxjours.fr
#OhLesBeauxJours #OLBJ2023
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