Un automne de
FlaubertAlexandre Postel
roman
Gallimard, 2021, 132 p.
Voici un récit court, très court, dont on voit aisément la construction, claire et agréable, comme l'écriture, émaillée de citations de
Flaubert caractéristisées par leur verve et leur crudité. Il raconte un épisode, une parenthèse,entre septembre et
novembre 1875, de la vie de
Flaubert, inquiet de savoir si sa nièce court à la ruine, et en panne d'inspiration.
Les relations avec la nièce, dont il se dit la vieille nounou décrépite, ne sont pas aussi sympathiques que je le croyais. de fait,
Flaubert dépend d'elle financièrement. C'est elle qui lui a offert
Croisset, et peut-être va-t-il falloir vendre cette demeure. Dans sa passe difficile, elle lui demande de diminuer les dépenses. Cependant il va à Concarneau, qui sent la sardine,où il aura à payer une pension, rejoindre Pouchet, un scientifique, un chercheur et naturaliste qui dissèque des poissons. En le voyant travailler,
Flaubert oppose le secret de l'art et son mystère à la rigueur et la méthode de la science.
Flaubert est peint comme un homme qui s'empiffre. Il n'est pas beau avec sa silhouette pataude, marquée par le surpoids, ses joues marbrées de rouge qui tremblotent comme une gelée à chaque cahot de voiture, et son air de boucher. C'est un homme tout rouge, avec un côté théâtral. Pelletier, le directeur du musée de Rouen qui croit en la génération spontanée, l'ami de Poulet, qui s'est tapé les
oeuvres de
Flaubert, attend un mot de l'illustre écrivain, et ce dernier ne songe qu'à manger. Il rit beaucoup aussi, le grand écrivain, et prend avec enthousiasmre des bains de mer. Cependant il est question de mélancolie.
Flaubert a du mal à écrire. Il n'a pas suffisamment de gaîté ni de sérénité pour se mettre à sa table d'écriture. Il sèche sur
Bouvard et Pécuchet. Toute sa vie durant, il a su que déchoir était son destin. Il cherche une idée de livre, une idée magnifique qui lui ferait oublier la vie. Il pense à
George Sand, une très bonne personne, toute humble, qui comprend tout avec la fine pointe de son âme. A Hugo, qui peut dire de grosses bêtises, un latin comme lui : tous deux connaissent la valeur de l'inutile. Il admire
Sade, qu'il trouve raide et comique. Comme lui, il pense que l'art doit être cruel, qu'il doit peindre non seulement l'homme social et sentimental, mais aussi l'homme organique. Et rien en l'homme n'est plus organique que le crime.
Flaubert discute un peu de Paris avec la chambrière qui rêve d'y aller. Dans le calme de Concarneau et la routine d'un temps vacant, il se met à écrire la légende de Saint Julien, qu'il avait connue en regardant un vitrail de la cathédrale de Rouen. On le voit réfléchir à chaque mot, à l'image que ce mot évoque, décider de la place et de la justification d'une virgule, on l'entend gueuler ses phrases. Une fois parti, il ne fait plus qu'écrire. Il est comme le homard qui avait mué et attendait, fragilisé, sa nouvelle carapace. Ça y est : sa peau s'est durcie et la carapace est plus grande que la précédente. Les Trois contes seront un chef d'oeuvre.
Quatre ans plus tard,
Flaubert est mort. Pelletier garde du grand homme l'idée de gaîté. Quant à la chambrière qui a été renvoyée pour cause de grossesse illégitime, elle n'ose dire que
Flaubert lui parlait de Paris.
le récit, très documenté, ne manque pas d'intérêt, mais peut-être est-il trop sage ou trop classique.