L'ANCRE
Je suis restée seule dans la nuit :
j'ai sur le visage la saveur de tes larmes,
autour de mon être
le silence – qui sur le bruit sourd
de la porte refermée, en larges cercles
s'aplanit.
Lente dans l'eau obscure
du cœur –
lente et sûre,
entre les algues profondes
les échos des tempêtes les longs courants
les molles guirlandes des flots
autour d'écueils
engloutis –
lente et sûre,
jusqu'aux sables secrets gisant
au fond de l'être –
fidèle tenace, avec ses trois bras
luisants
pénètre l'ancre
de tes trois mots :
« Toi, attends-moi. »
L'ÀNCORA
Sono rimasta sola nella notte :
ho sul volto il sapore del tuo pianto,
intorno alla persona
il silenzio – che sul tonfo
della porta richiusa, a larghi cerchi
si riappiana.
Lenta nell’acqua oscura
del cuore –
lenta e sicura,
tra le alghe profonde
gli echi delle tempeste le lunghe correnti
le molli ghirlande di onde
intorno a inabissati
scogli –
lenta e sicura,
fino alle sabbie segrete giacenti
sul fondo dell’essere –
fida tenace, con i suoi tre bracci
lucenti
penetra l’àncora
delle tue parole :
– Tu aspetta me –.
16 dicembre 1934
Traduit de l'italien par Thierry Gillyboeuf | pp. 116-9
Pour Emilio Comici
Des lacs de stupeur s'ouvrent en grand
le soir dans tes yeux
entre sons et lumières :
de lentes fleurs de folie s'ouvrent
sur l'eau de l'âme, réfléchissant
la grande cime couronnée de nuages...
Ton sang qui rêve de pierres
est dans la pièce
un fabuleux silence.
Per Emilio Comici
Si spalancano laghi di stupore
a sera nei tuoi occhi
fra lumi e suoni :
s’aprono lenti fiori di follia
sull’acqua dell’anima, a specchio
della gran cima coronata di nuvole…
Il tuo sangue che sogna le pietre
è nella stanza
un favoloso silenzio.
Misurina, 7 agosto 1938
Traduit de l'italien par Thierry Gillyboeuf | pp. 258-9
Accompagnée de Dorothée Hannequin (The Rodeo), Anne Millioud-Gouverneur (violon), Robi & Emilie Dautricourt
1ère partie :
« Je suis un songe et tu me rêves »
(M. Tsvetaïeva)
« Les femmes parlent de nuit. Elles parlent d'infini, d'orage et d'empreinte du vent. Les femmes voyagent en territoire du rêve et parlent de pays où tout serait permis. Il n'y a pas de chronologie, pas de géographie , mais un parcours en liberté à la rencontre des poétesses. On convoque les voix de Tsvetaïeva, Sappho, ou d'Antonia Pozzi, autant d'écrivaines à (re)-découvrir dans un paysage atmosphérique fait de pianos réverbérés et de chorales spectrales.
Accompagnée d'un choeur de musiciennes et du piano, je tenterai de dessiner les contours de cette histoire de la poésie au féminin, dans une traversée des langages poétique, sonore et visuel placée sous le signe du rêve. Premier volet de cette proposition. »
Cleo T.
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