Oghi, quarante-quatre ans professeur de géographie spécialisé dans la cartographie, marié sans enfants, se réveille à l'hôpital après un long coma profond. Il est entièrement paralysé et ne peut communiquer- sa mâchoire est en lambeaux - que grâce au battement de ses paupières.
Progressivement, lui reviennent en mémoire les images d'un accident de voiture... cause de son état présent.
Il doit se rendre à l'évidence : sa femme est morte.
Il est seul au monde... il est orphelin depuis l'enfance...
Non, il lui reste sa belle-mère, veuve également, et mère de sa femme décédée dans l'accident.
Elle est inconsolable et son affection et sa dévotion pour son gendre forcent l'admiration de tous.
Après huit mois d'hospitalisation et de rééducation, Oghi qui a récupéré l'usage du bras gauche... c'est peu, mais c'est un début (?), retourne à la maison où plane le fantôme de sa femme.
Sa belle-mère irréprochable jusqu'alors se métamorphose peu à peu.
Elle vouait une adoration aveugle à sa fille.
Le couple battait de l'aile.
Sa fille avait transformé le petit jardin de leur propriété, au point que les badauds dans la rue s'arrêtaient et demandaient l'autorisation de contempler cette merveille.
Il est aujourd'hui en friche.
La belle-mère d'Oghi s'attelle à la tâche... déblaie, défriche, déplante, déracine... pour creuser un trou. Un trou profond pour, dit-elle, en faire un étang...
Point n'est besoin d'être devin pour comprendre qu'elle creuse la tombe de celui qui est à ses yeux le criminel qui a tué sa fille.
Elle a retrouvé dans la chambre de celle-ci, qui écrivait compulsivement, ce que fut l'histoire de ce couple... ce qui se cachait derrière les apparences.
Enfermé dans son corps, prisonnier de celui-ci, sa belle-mère va s'employer à l'emmurer vivant... double châtiment et début d'une première allégorie...
L'auteur nous fait vivre un huis clos dans lequel l'impuissance d'Oghi à communiquer, à se bouger, à se défendre, est à terme synonyme de mort...
Contrairement à ce que j'ai lu ici ou là, ce n'est pas à -
Misery - et à
S. King que j'ai pensé en lisant -
le jardin -, mais plutôt à
Dalton Trumbo et au malheureux Johnny dans -
Johnny s'en va-t-en guerre -, à
Jean-Dominique Bauby victime du locked-in syndrome ( le syndrome d'enfermement ), dont vous pouvez retrouver le témoignage dans son livre -
le scaphandre et le papillon -.
-
Misery -, c'est une tout autre histoire,,, effrayante, angoissante certes, mais Paul Sheldon a des ressources et des défenses que n'a plus Oghi. C'est par ailleurs, en dehors du face à face entre Paul et Annie, une allégorie sur l'écriture, la création, les relations et les interactions entre l'écrivain, son oeuvre, et ses lecteurs.
Oghi, s'il fallait chercher une allégorie, ce pourrait être une allégorie sociétale... comment au XXIème siècle la Corée du Sud est devenue ce qu'elle est, l'impact que la modernité, la numérisation et la globalisation a eu ( l'impact... pour les grammairiens ...) sur la cellule familiale, l'individu... Que sais-je encore...
Ce huis clos, compte tenu de l'état d'immuno-dépression totale de ce pauvre Oghi et de l'hostilité meurtrière et de l'indifférence du monde à son égard ( encore des allégories ), est à chaque page une souffrance qui se surajoute à toutes celles qui ont précédé... pour nous autres pauvres lecteurs.
L'écriture est tout à fait lisible.
L'histoire est crédible et bien structurée.
Les personnages ont de l'épaisseur.
Un roman dont il est regrettable qu'on ne fasse pas une adaptation théâtrale... il y a matière à...
Mal être garanti... c'est efficace mais sans surprise !