Le vent des soupirs

Un roman "pirates et corsaires" a priori pas ma tasse de thé, mon gobelet de rhum devrais-je dire, eh bien j'aurais eu tort. Ça fait un bien fou, l'aventure, la piraterie humaniste (oui, ça existe, vous allez voir), le roman historique bien documenté et qui vous aère l'esprit en ces temps de confinements. 
Le chevalier Yann Kervadec de la Barre du Pont Allouët est un pirate au service du jeune roi Louis XV. Oui, je sais, un pirate au service d'un roi ça s'appelle un corsaire. Mais la frontière est mince et un pavillon ça peut changer de couleur 😉 selon les circonstances. Yann est un pirate au grand coeur, un Breton donc... ami du jeune Voltaire, adepte de la tolérance et de l'humanisme. Nous suivrons ici sa 3e aventure  (elle peut se lire indépendamment ) qui va nous entraîner de novembre 1722 à avril 1724 de Paris en Louisiane, puis au Brésil et à St Domingue. Paiement de dettes dues au roi, défense des esclaves devant des nobles cruels et méprisants, aide aux nègres(sic) marrons(☆) contre les Anglais, recherche du trésor de Christophe Colomb  (que serait une histoire de pirates sans trésor !), lutte contre l'Inquisition portugaise et la brutalité de la Navy, beau programme. Et je ne vous ai pas tout dit !
Kervadec est un pirate hors norme fort sympathique et on s'y attache très vite. Fils adoptif du prêtre de son village,  père depuis peu, il voyage avec son épouse noire, l'oncle géant de celle-ci et son équipage comporte entre autres deux femmes pirates (réelles, dont la célèbre Anne Bonny), un juif et enfin un pirate amateurs d'explosifs... et dragueur de beaux garçons. Pas banal.
Le tout est très bien documenté, les descriptions d'un navire dans la tempête ou de combats navals sont remarquables, on n'a pas besoin d'être un expert en trois-mâts ou en vocabulaire de marine pour tout comprendre. On sent la saga au long cours 😉😊 et l'on pressent les suites à venir. On quittera à regret Yann et son équipage attachant mais on a tout de suite envie de se jeter sur La république des pirates (2019) et L'écume des lames (2020) avant de poursuivre avec Sombre éclat (sortie le 13 janvier 2022). L'auteur ne s'embarasse pas trop de chapitres descriptifs pour étirer le temps, les ellipses font avancer l'action, et c'est bien ! Ainsi on ne s'ennuie jamais et la sympathie qu'on éprouve pour ce corsaire-pirate-chevalier au coeur sensible n'en est que plus grande. 
Foin des psychopathes ou des polars tortueux ! Respirons l'air du large, les embruns salés, et, parfois,  l'odeur de la poudre...
Hissez la grand'voile !

(☆) Les nègres marrons sont d'anciens esclaves qui ont repris leur liberté en s'évadant et qui vivent en communauté dans les terres reculées. 

Autant la première aventure de Yann Kervadec, pirate breton, m'avait bien plu de par son originalité mais aussi grâce aux figures pirates célèbres qu'elle mettait en scène (John Rackham, Edward Teach, Charles Vane...), ce troisième épisode est d'un ennui profond. Je l'avais effectivement pris comme roman d'été sans prise de tête, pour lire sur la plage, mais là... on atteint des sommets.

Un enjeu de départ sans réel intérêt (aller faire peur à quelques propriétaires de plantation en Louisiane pour qu'ils payent leur taxes), des péripéties à la chaîne, une psychologie des personnages au ras des pâquerettes...je rangerais ce livre dans le "tout-venant". Pour ne rien arranger, le style de l'auteur est assez lourd et pompeux, ce qui s'accommode peu avec un roman d'aventures : mésalliance du point de vue narratif interne à la première personne, et de l'utilisation du passé simple. Plusieurs passages m'ont fait lever les yeux au ciel et rire en même temps, on sent que l'auteur veut que "ça sonne". Mais c'est trop grandiloquent, et au final parfaitement indigeste.

Et puisque tout est conjugué au passé simple dans ce livre, la moindre des choses serait de justement savoir conjuguer ses verbes. Je trouve toujours aberrant de trouver de telles énormités dans un bouquin édité....par un éditeur.... censé avoir été relu.... Ainsi nous avons le plaisir de découvrir "nous obéissames" (p. 274) de verbe "obéisser", et "il ria" (p.280) du verbe "rier" puisqu'apparemment, quand on ne sait pas trop, tous les verbes sont du premier groupe, c'est plus simple que d'aller vérifier les conjugaisons.

Voici la fin de l'aventure pour nos pirates.
Et on les quitte à regret, ce qui montre, à mes yeux, que la lecture était prenante.
On est ici entre le roman et l'enchainement de nouvelles avec une suite d'aventures sans grand rapport entre elles.
Le style est plaisant, les personnages attachants.
On a passé du temps avec eux sur le navire.
Les traits d'esprit sont appréciables.
L'auteur tire profit de son voilier.

Trilogie très intéressante découverte lors du deuxième salon du livre de poche organisé par la librairie le Rouge et le Noir où j'ai pu rencontrer l'auteur et discuter avec lui On suit les aventures d'un marin Breton qui devient pirate pour sauver sa vie. On y rencontre des personnages ayant existé comme Barbe Noire Mary Read ou Anne Bony. de la Bretagne aux Caraïbes en passant par l'Afrique et l'Amérique du Sud cet équipage est sympathique.