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Critiques filtrées sur 4 étoiles  
"Amo litteras. J'aime les lettres. Musique silencieuse des styles des écrivains que l'on préfère : ils sont comme autant de nudités, bouleversantes, particulières, intimes, touchantes, incomparables."

Si le style c'est le corps, alors Pascal Quignard peut être assuré qu'on ne le confondra pas avec celui d'un mannequin de vitrine ou de tête de gondole.

Dans ce nouveau volume du "Dernier royaume", il focalise son propos sur la lecture et l'écriture et l'importance vitale qu'elles ont dans sa vie. Mais à sa manière, c'est à dire toute en fragmentations, éclats de sens que l'on retrouve de chapitres en chapitres, voire de livre en livre, qui finissent par tisser une tapisserie comparable à celle de le Reine Mathilde, qu'il évoque d'ailleurs ici.

Ce volume est composé de trente-huit chapitres brefs mais denses .Il contient des passages autobiographiques, ce qui n'est vraiment pas l'habitude de l'auteur. Je ne sais si c'est à cause de ces quasi-confidences, mais il m'a semblé posséder une sorte de ton crépusculaire, de bilan de fin de vie pour tout dire.

L'amour des lettres c'est d'abord celui du latin dont l'auteur est imprégné. Il s'interroge d'ailleurs sur ce particularisme de son parcours de vie. Ses interrogations, qui prennent la forme de digressions, de jeux de mots parfois proches de l'association libre psychanalytique, sont mêlées à ses thèmes habituels : le trauma de la naissance, la nostalgie à jamais présente de la matrice, la puissance de la pulsion sexuelle et de l'amour, ses liens avec la mort, l'animalité en nous...

Certains passages ou termes, très érudits, auraient nécessité pour m'être compréhensibles des recherches complémentaires, que je n'ai pas faites, acceptant de me laisser perdre pour un bref moment.

Je remercie les éditions Grasset et NetGalley qui m'ont permis de lire avant sa parution ce nouvel ouvrage de Pascal Quignard, au ton si singulier et donc reconnaissable entre mille.
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Nous sommes des voleurs. Lorsque nous lisons, lorsque nous écrivons, nous volons les prédécesseurs, les anciens. L'homme aux trois lettres, c'est le voleur latin fur, trois lettres que Pascal Quignard place aux côtés de rex, roi.

Le roi lecteur, ce peut être Lancelot, le premier chevalier français qui ait appris à lire :
"Il rompt les magies. Il met fin aux étranges coutumes. Il délivre les ensorcelés. Il déchaîne les enchaînés. Il assagit les fous. Il nomme les perdus. Il fait se soulever les morts qu'il fait sortir des pierres.
La littérature – la lettrure – ranime les morts dans les livres.
La littérature – la lettrure – désenvoûte le sort lancé sur nous à la naissance."
L'écrit induit une rupture avec les sons de je à tu. La langue écrite est assignée au silence, le lettré vole la langue à l'oralité sociale. Pour faire taire le viol, Térée coupe la langue de Philomèle qui est condamnée à tresser une tapisserie, l'instrument de sa vengeance. Ce silence, c'est aussi la stupeur de saint Augustin qui regarde saint Ambroise lire sans bruit.

Celui qui lit est à l'écart, en requoy (recoin). le lecteur est solitaire, il s'échappe du monde social et perd provisoirement son identité. La lecture est une "expérience solitaire et asociale", écrit Claire Paulian.
L'univers de Pascal Quignard est très personnel, ce qu'il écrit invite beaucoup à la réflexion, ainsi que le faisait remarquer Emmanuel Carrère lors d'une diffusion de "La Grande Librairie" (sept. 2020) : certains livres font tourner la page, d'autres font lever les yeux et interroger telle phrase, tel mot. Ainsi lorsque l'on rencontre la proposition "L'écriture à la fois projette le son sous les yeux mais en le précipitant en silence", le sens apparaît rapidement et clairement qui évoque, entre autres, la tapisserie de Philomèle. Il sera moins aisé au lecteur de ne pas s'arrêter sur "L'écriture cherche sans fin autre chose que ce qu'elle note de ce qu'elle évoque" ou "Le monde écrit est allogène au monde de la parole humaine".

L'auteur de "L'homme aux trois lettres" pense aux limites du rêve et de l'obscur.

Il glisse volontiers vers la psychanalyse et pratique les citations latines, les références mythologiques, le vocabulaire érudit. Peut-être passera-t-on par-dessus certains passages qui résistent. Mais on a conscience de disposer d'un livre qui se nourrit des lettres et alimente notre attachement à elles. Tous les petits textes et notes rassemblés ici ont été consignés à différents moments de la vie de l'auteur, comme l'indiquent certaines faits autobiographiques qui dessinent l'homme Quignard, fragile comme tout le monde peut l'être.

Dans la lecture et l'écriture, il y a quelque chose en rapport avec la contemplation, le recueillement. Ce onzième livre du "Dernier Royaume" est figuré par la quiétude des précieux moments avant l'aube :

"Le temps avant le temps qui dure – le temps qui précède le monde manifeste, lucide, extérieur, perceptible, social, bruyant, pressant, hurlant.
Le temps où se replier encore, se taire encore, poursuivre le silence dans le susurrement du crayon sur la feuille aussi blanche, gris-blanc, grise, que le jour qui se prépare."
Lien : https://christianwery.blogsp..
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L'Homme aux trois lettres, de Pascal Quignard (à paraitre fin août chez Grasset) : ce onzième opus du Dernier Royaume s'adresse bien sûr à la communauté de solitaire que forment les lecteurs de littérature, c'est un éloge, d'une rare érudition, parfois épuisante, toujours généreuse, bénéfique, étonnante, un éloge du livre donc, du langage, de l'écriture et de la lecture, plus encore de la littérature, ce graal auquel il est si bon de s'abreuvoir. du grand Quignard.
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