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3,4

sur 160 notes
A l'immeuble Mayerling, il ne fait pas bon y vivre. C'en est même effrayant.

Les poubelles débordent, empestent et attirent les rats.
Les fleurs dedans ou dehors crèvent.
Les cuvettes et baignoire débordent amenant une odeur pestilentielle.
La java chez certains voisins rend fou, du bruit à n'en plus finir.
Des hallucinations pour l'une, des problèmes alimentaires chez d'autres ou une haine farouche chez un jeune couple.
Même les animaux tantôt hurlent à la mort tantôt disparaissent sans crier gare.
Les fruits... l'un entreposé n'importe où, restait ferme et frais pendant deux semaines ; l'autre, conservé au Mayerling, devenait blet après deux jours. Les mites alimentaires proliféraient dans tout l'immeuble, colonisant buffets et garde-manger.

L'immeuble Mayerling semble hanté, maléfique, s'acharnant sur chaque habitant. Une énergie démoniaque déborde de cet immeuble. L'odeur décrite ici y est perceptible, la haine et la folie tout autant à fleur de peau. Un bon grand travail d'orfèvre dans la retranscription de l'atmosphère glauque de l'affaire Mayerling.

Avec un zeste d'humour, l'auteur décortique nos pires voisins et nos pires frayeurs en tant que propriétaire. Tout y passe au peigne fin. Difficile de classer ce roman tantôt surréaliste, d'horreur, absurde, humoristique, mais ce qui est certain c'est qu'on savoure les déboires des uns et des autres qui semblent pris au piège dans les murs du Mayerling.

De la construction de l'immeuble à son anéantissement, en moins de trois cent pages, on est plongé dans cette aventure immobilière désopilante. La troisième et dernière partie m'a un peu moins convaincue sinon j'aurai accordé un carton plein tant je me suis délectée durant ma lecture.

En espérant que vos voisins sont charmants et votre logement sain et confortable, je vous souhaite mes meilleurs voeux pour 2020.

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Il faut reconnaitre qu'elle est jolie , la couverture de ce petit livre , non ? Un beau ciel bleu , un petit immeuble avec un accès direct à la mer , des transats installés sur la plage , et des gens , vraisemblablement les propriétaires , semblant deviser aimablement , au plus près de l'eau....Vision idyllique , vision édénique , sans doute pour ces gens , le rêve d'une vie .....Pourtant , malgré moi , une pensée s'insinue sournoisement dans mon esprit et vient perturber cette trop belle image d'Epinal...Ce bâtiment n'est - il pas trop près de la plage , les tempêtes ne vont - elles pas faire reculer la dune sur laquelle est bâti l'édifice ? " Mais non , voyons , a déclaré le vendeur , aucun risque ,de profonds piliers en béton assurent la stabilité de ce si bel ouvrage ...Votre bien est Indestructible et vous verrez , vos enfants et petits enfants en profiteront longtemps . Quant aux tempêtes....." Oui , c'est vrai , il est convaincant , tout comme ces belles affiches qui ont séduit tous les acquéreurs en un temps record .Pensez - donc , une telle occasion mérite de la réactivité . L'opération de communication , de séduction balaie les dernières hésitations. "Enlevez, c'est pesé comme on dit "

Pourtant , un " truc " ,oh , trois fois rien sans doute , me chiffonne : sur la couverture , elles sont où les générations futures ? Oui , bon , j'ai tort , le commercial m'a bien expliqué , le Mayerling " c'est " le casse du siècle " .Ah oui , alors là , ça c'est vrai ....Ça, pour le ( la?) casse du siècle , vous allez en découvrir des choses!!!
Et Bernard Quiriny de nous parler du chantier , d'une société inconnue , d' un chantier gardé par des vigiles à la mine patibulaire , d ' ouvriers " venus d'ailleurs , d'accidents " cachés "......" Ne vous inquiétez- pas " , " Ne vous inquiétez - pas"......a dit le dynamique commercial au costume - cravate...
Après, les gens emménagent , ravis puis , peu à peu....mais je laisse à l'auteur le soin de vous
guider de sa plume pour pénétrer dans un monde étrange , surprenant , noir , passer du rire aux larmes , de l'incrédulité à la stupéfaction . Finalement , on n'apprend pas grand chose qu'on ne sache , certes , rien dont on n'ait jamais entendu parler mais cela nous semble si bon , de voir les difficultés ...des autres dans un livre , pensez - donc , une fiction.........Et puis , il y en a des personnages , trop peut - être , mais la lecture est très facile , " pilotée " par des petits paragraphes plus ou moins courts mais " nerveux " et plein de bon sens.
Sous une forme particulièrement intelligente , Bernard Quiriny nous livre un conte moderne dont on ne peut pas vraiment dire qu'on sorte rassuré à la fin .Un livre dont le héros est un immeuble qui " malgré ses membres " de béton semble nous interpeller , nous mettre en garde....
Mais Gabin nous l'a bien chanté ce " Je sais , je sais , je sais ...." , ce célèbre leitmotiv universel , alors qu'on " ne sait jamais " et que le pire....Oui , mais le pire ..."Bon Dieu , mais c'est bien sûr !!!!!" Les Générations futures , les voilà ceux qui vont......on dit quoi ?
Un livre " petit " mais " costaud ".
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Je ne regarde plus le robinet de ma cuisine de la même façon qu'avant, depuis que j'ai lu ce roman.
Il faut dire que j'ai passé quelques heures angoissantes parmi les habitants d'un nouvel immeuble, le Mayerling (rien à voir donc avec le drame de Mayerling de 1889, j'en connais qui auraient fait le lien dès l'énoncé du titre).


Alors là, c'était angoissant, mais jubilatoire ! Quelle ironie de la part de cet auteur belge Bernard Quiriny !
Effectivement, il s'est déchainé contre notre civilisation du béton et ses chantres : les architectes, les promoteurs, les agences immobilières aux noms mystérieux et leur attirail d'affiches aguichantes et mensongères.


Mais son énervement a pris la forme d'une fable jouissive, présentée en trois parties.
La première met en scène le contexte de ce 21e siècle bâtisseur, non de cathédrales mais d'habitats collectifs. « le phénomène est général, et touche la plupart des résidences modernes construites à la va-vite avec des matériaux défectueux : vos voisins, spécialement ceux du dessus, sont vos ennemis. Leurs murs prolongent les vôtres. Leur tuyauterie se raccorde à la vôtre. Vous les appelez vos voisins, mais la vérité, c'est qu'ils habitent avec vous. Eux et vous n‘êtes pas les habitants séparés de deux logis distincts, mais les copropriétaires uniques d'un ensemble unique, divisé fictivement par des murs chétifs et par une dalle en béton léger qui propage le bruit. Cela donne des envies de tuer ».
Partie très amusante à lire, très vraie, aussi !


La deuxième partie nous fait vivre des portions de la vie des nouveaux résidents de cette résidence « Mayerling », qui vont connaitre au fil des mois les pires souffrances : tuyauteries qui refoulent une eau noirâtre, bruit infernal de la part des voisins, et je vous épargne tous les ennuis domestiques cumulés et exponentiels. Même le mental de ces gens est touché.
Ce qui leur fait déclarer que l'immeuble est hanté par une présence maléfique. L'immeuble lui-même serait vivant.
Je me suis tellement mise à la place de ces pauvres gens que j'en ai fait un cauchemar.


La troisième partie nous montre la rébellion de ces résidents contre cette puissance de béton, et ils s'en donnent à coeur joie, enfin, ne parlons pas de joie ici, mais d'opiniâtreté, pour détruire leur possession.

Bref, ce roman fantaisiste en apparence pose les bonnes questions. Allons-nous calquer nos vies sur celles de nos voisins à force de vivre en promiscuité dans ces immeubles ? le béton a-t-il une incidence sur le caractère et la façon de vivre ? Allons-nous nous faire bouffer par le béton ?

« Satire visionnaire de l'architecture inhabitable, du cadre de vie impossible », ce roman-fable fait peur. Et pourtant, j'habite à la campagne !

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Bien curieuse affaire dont le présumé coupable à défendre ou pas est un immeuble! Une construction moderne, qui prend lieu et place d'une ancienne bâtisse extorquée, après des manigances obstinées, à son ancienne propriétaire. Déjà contesté avant même d'avoir surgi de terre, le bâtiment devient rapidement l'objet du malheur de ses habitants, ceux-la même qui s'étaient endettés pour acquérir le logis de leurs rêves. Rien ne va plus pour eux : les couples se déchirent, les isolés pètent les plombs et l'immeuble lui-même s'auto-mutile rapidement.

L'idée est plutôt plaisante. Cependant Toute cette partie où l'on assiste aux méfaits subits par les co-propriétaires est un peu longue et finalement attendue. D'autant que les personnages sont nombreux, (clin d'oeil ici à Perec) et l'on peut s'y perdre.

L'intérêt s'éveille lorsque l'auteur suggère l'origine possible de tous les maux, mais le fin fond de l'affaire a des allures de pétard mouillé.

On peut sourire à l'accumulation des situations conflictuelles, une sorte de condensé des possibilités de mésentente au sein d'un voisinage.
Et c'est un pamphlet contre la mégalomanie urbaine, qui attire toujours plus les foules , sans pour autant faire leur bonheur.


Un peu déçue donc, surtout en comparaison de le village évanoui, beaucoup apprécié, il y a quelques années.
Lien : http://kittylamouette.blogsp..
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Si, comme beaucoup de Belges, vous avez une brique dans le ventre, la lecture de ce roman va vous la rendre particulièrement indigeste.

La résidence Mayerling est un immeuble à appartements de haut standing, fraîchement sorti de terre à Rouvières, paisible petite ville de province. Les candidats à l'achat et au bonheur immobilier se précipitent sur cette promesse de luxe et de modernité, de calme et de sécurité entre gens de bonne compagnie.

Un nid douillet, un rêve, qui va pourtant se transformer en taudis et virer au cauchemar.

Des voisins bruyants et irrespectueux, des fenêtres qui ne se ferment/ne s'ouvrent pas, la plomberie qui coule goutte à goutte ou à torrents, les sanitaires qui refoulent les horreurs censées y disparaître, les caves squattées par d'épouvantables malpropres sans-gêne, des garages où l'on peut à peiner parquer une trottinette, des poubelles qui ne sont pas collectées, et tout ce qui peut arriver de pire dans un tel habitat collectif, jusqu'à engendrer changements de comportements, fantômes, dépressions et violences.

Mais que se passe-t-il donc au Mayerling ?

Malfaçons, malversations, malédiction ?

Il semble bien qu'en l'espèce, le coupable soit (rien que ça!) l'immeuble lui-même. La vengeance du béton sur les humains, coupables de vouloir s'entasser dans des cellules empilées et semblables les unes aux autres ?

Quoi qu'il en soit, la créature se rebelle contre ses créateurs, et en l'occurrence le combat est titanesque. Un noyau dur d'habitants du Mayerling constitue une société secrète et entend bien mater le monstre par tous les moyens (oui, tous), quitte à déclencher une guerre destructrice, sans quartiers ni prisonniers.

Un immeuble maléfique, un cauchemar immobilier comme on espère ne jamais en vivre et qui tourne au drame, rien que du glauque et du terrible, et pourtant l'auteur en fait un conte fantastique cocasse et jubilatoire, bourré d'ironie. Il croque à merveille les relations de voisinage, les petites et grandes catastrophes typiques de ce genre d'immeuble, et il mène une charge virulente contre toute la chaîne immobilière, des architectes aux agents en passant par les promoteurs et l'administration de l'urbanisme.

Un roman addictif et jouissif, mais néanmoins angoissant quand on réalise que, dans ce type d'habitat, il suffit finalement de peu de choses pour que son "chez soi", censé être l'ultime abri, l'ultime refuge, devienne soudain inconfortable, insupportable, invivable.
Lien : https://voyagesaufildespages..
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Cocasse et pourtant si juste, farfelu mais révélateur de la société actuelle, voilà un livre jubilatoire!

J'ai adoré la façon dont l'auteur nous présente cette fameuse histoire. Mayerling n'est ici qu'un lieu d'une ville quelconque, en France. Le narrateur-témoin, passionné comme son ami Braque par les argumentaires de vente des agences immobilières, décide de nous raconter le naufrage des acheteurs d'une résidence de standingue, comme dirait Braque: Mayerling.

Aussitôt arrivés, les propriétaires voient leur vie se désagréger, tout se fissure, comme les murs. Et je ne parlerai pas de ce qui coule chez les malheureux Lequennec! Ni de ce qu'il se passe dans les caves...

Ce qui commençait comme" La vie mode d'emploi" de Perec, une radiographie sociale d'un immeuble", prend ensuite des allures de roman fantastique, où la" bête" veut dévorer les habitants, qui fait penser à " La métamorphose" de Kafka.

Dans un dernier round, qui triomphera? Le béton ou l'humain? Découvrez-le en lisant ce livre, qui pointe bien , sous son aspect si drôle et caustique, les méfaits de l'urbanisation à outrance. Je me suis un peu lassée, au fil du texte, mais j'ai passé un très bon moment!
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Découverte - et quelle découverte! - de l'écrivain belge Bernard Quiriny avec son Affaire Mayerling, tout récemment paru aux éditions Rivages poche. La quatrième promet un drôle de bazar dans la résidence Mayerling, nouvellement construite. Promesse tenue et au-delà.

Tout commence à Rouvières, 250.000 habitants, avec la discussion entre le narrateur et M. Braque, un homme de sa connaissance. Lui-même se régale d'observer attentivement les publicités immobilières et convertit son ami à cette lubie. Au détour d'ironiques (et si vrais) constats sur les sociétés immobilières, les promoteurs et le béton envahissant en général, les deux compères abordent l'affaire dite Mayerling. D'emblée on sait que tout s'est déjà passé. Et surtout que ça s'est mal passé.

Alors que la résidence promettait monts et merveille avec appartements de standing, calme, tranquillité, bel espace vert arboré tout autour, la réalité s'avère un cruel désenchantement pour les couples, familles ou célibataires qui y ont investi. Malfaçons à foison, atmosphère délétère qui pousse les plus amoureux à s'entre-déchirer, un espace vert... version étendue bourbeuse malsaine où rien ne croît, apparitions, tapage infernal et autres nuisances sonores, ... Bref, le calvaire de la vie en immeuble collectif, fût-il de prestige, d'exception, d'excellence ou de ce que tout les promoteurs inventent pour dorer la pilule.

Bernard Quiriny part de situations presque banales du secteur immobilier et du quotidien en appartements (on peut aisément se reconnaître dans certains cas...) et amplifie son sujet jusqu'à montrer le Mayerling lui-même, allégorie de toutes ces constructions de béton montées rapidement, dans un souci d'économie au détriment de la qualité et qui finissent par gagner l'ensemble de la planète, consciemment déterminé à pourrir l'existence de ses occupants. En moins horrifique et plus horripilant, le bâtiment m'a fait penser à l'hôtel Overlook du Shining de Stephen King.

C'est acide, féroce et ironique. C'est construit avec brio pour qu'on ne lâche pas le livre une fois commencé, avec de courts chapitres dynamiques et d'intéressantes digressions sur les oeuvres littéraires traitant d'immobilier (et ça donne envie de lire James Ballard et son I.G.H. ou Topor) ou sur le trafic de sable marin pour fournir toujours plus de béton. Bernard Quiriny peint ici une satire contemporaine où architectes, urbanistes, promoteurs et agents immobiliers en prennent pour leur matricule. Il critique sous cette forme d'humour noir la bétonnification galopante des villes, avec son cortège de laideur et toutes les conséquences que ça entraîne en cas de fortes pluies, et les méfaits des empilements humains comme dans des boîtes ajustées au plus près.

À la fois drôle et noir, j'ai plongé avec plaisir dans ce roman jubilatoire. J'ai vu que Bernard Quiriny écrivait également beaucoup de nouvelles, je compte donc lire ses recueils dès que possible. Après Barbara Abel et Armel Job, je poursuis ma découverte de la littérature belge et n'entends pas m'arrêter de sitôt.
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Bataille rangée entre un immeuble malfaisant et ses habitants: Bernard Quiriny s'amuse et nous amuse dans un thriller satirique où se dénoncent avec un humour décalé la saturation immobilière de nos villes et l'empilage des populations, dans un monde tout béton qui grignote peu à peu l'environnement bucolique.

Les habitants du Mayerling étaient ravis de leur bel immeuble moderne jusqu'à la dégradation pernicieuse de leur cadre de vie et de leur propre équilibre psychologique. Telle une gangrène immaitrisable, la propriété leur pourrit le quotidien, leur impose malfaçons, pannes et délabrements, les rend malades et irascibles, explosent les couples et les relations entre voisins.
La guerre est déclarée, car, pas de doute, l'immeuble veut se débarrasser d'eux.
Il faut abattre l'ennemi, au propre comme au figuré.

S'engage alors un conflit en règle de déconstruction, avec stratégies, défaites et victoires alternées, surveillé de près par les édiles, la presse et les habitants des immeubles voisins, inquiets et intrigués par cet étrange phénomène qui risque de faire tache d'huile…

Un petit roman qui se lit avec addiction par sa composition aérée, son humour grinçant, sa réflexion sur notre société de modernisme frénétique, d'appât du gain et la concentration de populations en immeubles collectifs.

A lire !
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Copropriétaires à terre
En racontant les déboires de copropriétaires d'une résidence dite de Standing, le Mayerling, Bernard Quiriny s'en prend férocement à tout un système.

Mayerling vous rappellera peut-être la tragédie de l'archiduc Rodolphe et de Mary Vetsera. Et si le visuel choisi pour le bandeau de couverture peut aussi vous y faire penser, oubliez-le. Car Bernard Quiriny est à mille lieues du récit historique. le Mayerling dont il est question ici est un immeuble sis à Rouvières, «ville française d'environ 250000 habitants (350000 avec l'agglomération), rue Mayerling.»
Déambulant dans cette ville de province, le narrateur va confier à son acolyte Braque l'intérêt qu'il porte aux opérations immobilières et plus particulièrement à la stratégie de communication employée. Expliquant et détaillant combien «les annonces pour les programmes immobiliers sont un genre en soi, codifié subtilement», il va nous en faire la démonstration avec la construction de cet immeuble de cinq étages confiée à une société espagnole.
Tout semble ici avoir été conçu pour le bonheur des futurs résidents, y compris le bout de nature adjacent. Si bien que les appartements se vendent rapidement et qu'à l'issue du chantier la quasi-totalité du Mayerling est occupé.
Comme pour une pièce de théâtre Bernard Quiriny nous offre la distribution détaillée des rôles. du rez-de-chaussée au cinquième étage, il y a là un microcosme représentatif de la population. de la famille bourgeoise aux étudiants, du couple de retraités au célibataire sans oublier les primo-accédents qui ont mis toute leur épargne dans cet investissement, dans ce rêve de petit paradis.
Seulement voilà, dès les premiers jours, il faut bien se rendre compte que malgré la promesse des agences, on est bien loin du rêve, car déjà des malfaçons apparaissent.
Bien entendu, dans l'euphorie de la nouveauté, on s'imagine qu'il faut bien essuyer les plâtres, que ces ennuis au démarrage ne seront bientôt qu'un vague souvenir…
C'est pourtant bien le contraire qui va arriver, les ennuis vont aller crescendo. Les murs, les canalisations, le bruit, les parties communes, la cave: à tous les niveaux la colère gronde. La tension va croître.
« Il faudrait réaliser le rêve de Perec, dans sa Vie mode d'emploi: tomber la façade d'un immeuble (mais moderne, cette fois), sans que les habitants s'en rendent compte, pour les observer. Comme les appartements d'aujourd'hui, type Mayerling, sont tous identiques et superposés parfaitement, avec les toilettes en enfilade pour économiser sur la plomberie, on verrait ce spectacle fascinant de gens qui, littéralement, se chient sur la tête: le résident du quatrième sur celui du troisième, celui-ci sur celui du deuxième, etc. Cela me vient toujours à l'esprit quand j'utilise les toilettes dans un immeuble: j'imagine qu'au-dessus de moi, tout près, le voisin plié en deux, pantalon sur les chevilles, se livre aux mêmes activités honteuses, et que si l'on ôtait d'un coup le béton qui nous sépare tout tomberait droit sur mon crâne. »
Et de fait, dans le jardinet de Mme Meunier finit par atterrir un bloc de béton énorme tombé des étages. Fort heureusement « elle était loin de chez elle, internée depuis quelques semaines à l'asile de Rouvières, où elle continuait sa collection d'ordures qu'elle entassait sous son lit. »
Car l'auteur s'intéresse d'abord à l'immobilier sous l'angle sociologique, nous donnant à voir les effets psychologiques de cette résidence qui va engloutir les rêves des uns et des autres, qui va entraîner des comportements étranges une fois que la désillusion et la colère auront gagné tous les résidents, notamment après qu'ils aient appris que leur promoteur avait fait faillite. de la révolte individuelle à la dynamique de groupe, le spectacle est permanent, la tension aussi palpable que dans une cocotte-minute.
« Une assemblée générale de copropriétaires, quel spectacle passionnant! C'est un chaudron, une arène, un ring où l'on règle ses comptes, publiquement, avec tous ses voisins qu'on déteste; mais il faut continuer de cohabiter ensuite avec eux, d'où la difficulté: frapper fort pour soulager son coeur, mais pas trop, pour éviter la guerre. C'est aussi une épreuve de stratégie. Il faut passer des alliances diverses, en fonction des sujets; tel voisin insupportable sur le chapitre du bruit peut se révéler un partenaire précieux dans une coalition visant à faire obstacle à telle autre décision »
Dans ce roman qui risque de donner des cauchemars à tous ceux qui rêvent d'acheter un appartement, la guerre va finalement être déclarée.
Bernard Quiriny réussit là un conte moderne, une tragi-comédie en béton armé!
Lien : https://collectiondelivres.w..
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Et en voilà une autre pépite : que de belles trouvailles en ce moment ! Un grand coup de coeur pour ce petit bijou plein d'humour mais dont le propos, au fond, n'a rien de léger (dans tous les sens du terme!)
Voyez-vous à quoi ressemblent les dépliants publicitaires pour de futurs immeubles qui ne sont pas encore sortis de terre ? Tout le monde il est beau, tout le monde il est gentil : les gens semblent heureux, ils prennent le temps de se parler tranquillement (sous un ciel bleu évidemment) tandis que les autres lisent le journal sur des balcons fleuris. de jeunes couples poussent un landau tandis qu'un garçonnet en tee-shirt rouge trottine devant. Tout est promesse : de jours heureux, calmes, harmonieux. On a l'impression qu'il suffirait d'acheter un petit trois pièces dans cette résidence (qui s'appellerait Les Balcons de Cheverny ou bien le Clos de Versailles) pour être enfin HEUREUX !
C'est précisément ce qu'ont pensé tous les futurs acquéreurs en découvrant sur papier la nouvelle résidence de standing : le Mayerling à Rouvières. Tous les appartements ont été vendus, comme des petits pains. L'immeuble s'est bâti en un clin d'oeil : il est là, majestueux, superbe, étincelant. Il brille sous le soleil. « Un nouvel être est né : le Mayerling. 5000 m³ de béton. 300 tonnes d'acier. 150 fenêtres et portes-fenêtres. 300 portes intérieures. 1500 m² de façade isolée. 200 m² de garde-corps aux balcons, 1000 plaques de cloison, 250 plaques de doublage isolant pour plafonds, 700 plaques de doublage isolant pour les murs. 6 kilomètres de câbles électriques. 2000 prises et interrupteurs. 900 mètres de tuyaux de distribution de gaz, 8 kilomètres pour l'eau, 2 pour l'évacuation sanitaire. 2000 m² d'isolant acoustique sous carrelage, 10000 carreaux de carrelage, 7000 carreaux de faïence. 3000 litres de peinture. Et une âme noire, cachée là-dedans, dont on ignore la taille et le poids. »
Belle bête hein ? Tous les nouveaux proprios se sont installés le sourire aux lèvres et… c'est là que les ennuis ont commencé mais des ennuis un peu étranges, enfin quand je dis « un peu », je veux dire très étranges… et croyez moi, vous êtes bien loin d'imaginer tout ce qui va leur arriver… LE PIRE DU PIRE...
Le narrateur et son ami Braque mènent leur enquête sur cette affaire qui a eu des retentissements dans le monde entier et c'est avec beaucoup de sérieux, une documentation précise et des faits vérifiés qu'ils racontent ce qu'ils ont pu apprendre de cette terrible histoire.
L'affaire Mayerling est un roman savoureux vraiment désopilant qui nous régale avec son humour absurde, enfin pas si absurde que ça quand on pense à ce dont sont capables les architectes en termes de créations originales certes, mais parfaitement invivables pour les pauvres gens condamnés à les habiter.
Comme vous l'avez compris, ce livre nous invite à une réflexion sur l'urbanisme moderne, le rêve de l'accession à la propriété comme garantie de bonheur (avoir pour être… ah, ah, ah!!!), le cauchemar de la vie verticale en collectivité (et si notre environnement était la cause de notre mal-être?), l'ère du béton roi (et nos plages qui sont vidées de leur sable…)
Bref, rien de mieux qu'une petite plongée cocasse et satirique dans un monde un brin fantastique (l'est-il vraiment, au fond?), pour réfléchir à tout cela…
Et puis moi qui râle tout le temps parce que je vis loin de Paris… J'apprécie ENFIN à sa juste valeur ma petite maison à la campagne.
Comme quoi la littérature rend heureux !
Lien : http://lireaulit.blogspot.fr/
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