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Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Hundehoved
Traduction : Alain Gnaedig


ISBN : 9782070417780


Voici un roman comme il y en a peu. Tour à tour cocasse et cruel, "Tête de Chien" conte l'histoire de trois générations d'une famille norvégienne émigrée au Danemark, à grands coups de retours en arrière et de questions qui demeurent provisoirement en suspens et auxquelles on obtient enfin, quand on ne s'y attendait plus, des réponses pour le moins déstabilisatrices. le narrateur, Asger, celui-là même que hante la "Tête de Chien" qui donne son titre au livre, nous entraîne à la découverte des siens, depuis les années trente et son grand-père Askild, ingénieur diplômé et adorateur gravement anarchisant de la Dive Bouteille, jusqu'à notre époque et sa soeur Stinne qui, devenue adulte, épouse La Bonde, ancien associé de son père, que les séquelles d'un périple malencontreux dans l'Himalaya contraignent désormais à porter une prothèse à la place du nez.

La Bonde, c'est un surnom et, des surnoms, vous en rencontrerez à la pelle dans "Tête de Chien". Ainsi, Niels Junior, le père d'Asger, doit à une paire d'oreilles un peu trop remarquables et remarquées l'évocateur sobriquet de "Feuilles de Chou" qu'il traînera jusqu'à l'adolescence. le cousin de Niels - le personnage sans doute le plus jovial du livre, qui a cru bon, au temps où il avait pris la mer, de se faire tatouer le nom de sa bien-aimée en un endroit que ma mère m'a interdit, croyez bien que je le regrette, de nommer ici - restera toute sa vie "Tête de Pomme." Au hasard des chapitres, vous rencontrerez aussi une Grosse Tomate, un Knut le Marin, une Blonde ... et, dans les petits rôles de l'enfance, un certain "Tête de Lard", par ailleurs un gamin jamais à court de mauvais tours. Parmi tous ces surnoms, mérités ou non, bienveillants ou moqueurs, seul "Tête de Chien" ne correspond à aucune entité réelle. Derrière cette tête hideuse, se dissimulent en fait les angoisses et le malaise existentiel de notre narrateur. Rappelé au Danemark par l'état préoccupant de sa grand-mère moribonde, Asger trouvera finalement la force d'exorciser non seulement ses démons mais aussi ceux de la famille tout entière par la rédaction, que n'adoucira aucun fard si ce n'est celui de l'autodérision, de ce récit où de nombreux drames éclosent au milieu de personnages si loufoques, si déjantés, que le lecteur ne peut que rire et sourire alors même qu'il sait bien que la situation n'a rien de véritablement drôle, en tous cas pour ceux qui la vivent.

Le point de départ de "Tête de Chien", c'est le bon petit magot que Askild, le grand-père alors jeune homme, a caché dans son matelas, chez sa logeuse, avant que les Occupants allemands ne viennent l'arrêter pour des activités de marché noir. Seulement, quand il rentre du camp de concentration où on l'avait expédié, Askild ne veut plus rien savoir de ses activités illicites du passé. Ce qu'il a été contraint de faire pour survivre à la barbarie nazie l'a irrémédiablement changé et son caractère, déjà foncièrement anticonformiste, ne s'est guère arrangé au cours des années de soumission sous la botte allemande. Dans le temps, il buvait déjà, rien cependant comparé à ce qu'il va désormais absorber quotidiennement afin d'essayer d'oublier disons sa propre "Tête de Chien", le fait d'avoir, sous la contrainte des SS et pour avoir la vie sauve, battu à mort un camarade de camp avec qui il avait tenté de s'évader. Ce mutisme inexplicable, cette détermination à ne plus évoquer un passé devenu cauchemar, ne font pas l'affaire de Bjørk, fille d'excellente famille qui, après l'arrestation d'Askild, qu'elle fréquentait déjà malgré l'opposition de sa famille, a déniché le fameux magot et tout compris de la double vie que, sous ses allures d'étudiant bien sage en ingénierie, menait son amoureux ... Envers et contre tout, poussée par cette aberration biscornue et totalement incompréhensible que l'on nomme l'amour, Bjørk épouse tout de même Askild. Elle va mener auprès de lui une vie plutôt précaire, son mari perdant régulièrement ses emplois et échafaudant l'un après l'autre des rêves d'avenir tous plus irréalisables les uns que les autres tandis qu'elle se console en se plongeant dans des romans à l'eau de rose dont l'héroïne épouse en apothéose un médecin beau et intelligent - le rival d'Askild dans le coeur de Bjørk, au temps de leur jeunesse, était médecin. (Sachez d'ailleurs qu'ils se retrouvent, qu'elle lui amène très régulièrement ses enfants à soigner et qu'ils finissent par avoir une liaison. Je ne vous raconte pas la réaction d'Askild quand il se sait cocu et encore moins les circonstances, d'un très haut comique, dans lesquelles il le découvre parce que, vraiment, il faut que vous fassiez le détour pour constater par vous-même.)

Avec de telles prémices, certains diront que "Tête de Chien" n'a rien pour attirer. Et pourtant, croyez-moi, c'est un excellent roman, qui joue sur plusieurs registres parfaitement maîtrisés par son auteur, dont la nostalgie et la tendresse du souvenir, la cruauté sans complexes de l'existence et par dessus tout un humour féroce, réjouissant, jubilatoire et qui traverse sans efforts toutes les couleurs du spectre tout en s'attardant, ici et là, sur le noir, qui n'est peut-être pas une couleur, mais sans qui, convenons-en, on ne pourrait pas faire grand chose quand on a décidé de régler ses comptes avec son enfance, sa famille et tant d'autres choses. (Enfin si, on pourrait essayer mais on deviendrait complètement dingue.)

A lire. Et à relire. Avec délectation. Je signale, à toutes fins utiles , que "Tête de Chien" décrochera sans doute l'un de mes Nota Bene d'Or personnels pour l'année 2014 : si ce n'est pas un gage de qualité, ça ... ;o)
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le récit débute en Allemagne. Askild, le grand-père du narrateur, fuit les allemands et leurs camps à toutes jambes. Puis nous voilà transporté en Norvège (et plus tard au Danemark) où on retrouve le même homme désormais grand-père. Un homme difficile qui rudoie ses petits-enfants et refuse de parler de son séjour en Allemagne qui l'a changé à tout jamais. Justement, c'est son petit fils Asger qui nous raconte son histoire. Son histoire mais aussi celle de la famille toute entière sur plusieurs générations. Sa grand-mère est mourrante et il décide de se pencher sur l'histoire familiale.

Dès lors va s'ouvrir devant nos yeux une histoire de famille complexe, douloureuse mais aussi extremement réjouissante !
Car si les premières pages laissent présager un contexte familial difficile et un roman plombant, le lecteur est très vite rassuré par la tournure ironique que prend une narration haute en couleur.

Alternant les époques, le récit nous plonge, de façon très fouillée, dans l'histoire de cette famille.
Asger mélange les temps, revient à son présent pour mieux repartir dans le passé. Si on est un peu perdu au début par l'abondonce de personnages, on finit par identifier chaque membre de la famille tant leurs portraits sont bien troussés.

Askild se prend de passion pour la peinture et le cubisme qu'il introduit dans ses plans d'ingénieur de chantier naval, au grand dam de ses employeurs déjà excédés par son alcoolisme. Sa femme Bjork accouche de son premier enfant au dessus de la cuvette des toilettes et il faut repêcher le gamin plein de merde en tirant sur le cordon ombilical. le dit fils ( "Feuilles de chou") a des oreilles surdimensionnés que les gamins du quartier bourrent de merde d'anguilles. Sa mère l'obligera alors à porter le "truc de merde", instrument coercitif qui l'empêche de bouger. Sa soeur Anne Katrine handicapé mentale ("grosse Tomate" ou "La merdeuse") excerce une affection un peu tendancieuse envers son neveu alors que son frère Knut balance tout par la fenêtre. L'oncle "Tête de pomme" s'engage sur un navire pour fuir la jeune fille qu'il a mis enceinte pour mieux revenir quelques années plus tard, tatoué de partout et même de la verge qui arbore le prénom de la demoiselle en question... C'est lui aussi qui enverra des boites de conserves bourrés d'air pur à sa grand-mère clouée au lit.
Il y aura aussi "La dent dure", "Madame Maman", "LA Bonde", et le fameux "Tete de chien", monstre caché dans la cave qui sera le déclencheur d'un autre drame dont Asger porte encore le poids...
Bref, j'en passe bien plus encore !

Doté d'un humour féroce qui n'épargne personne, l'auteur dresse un portrait jouissif, rien de moins, de cette famille un peu barrée qui passe son temps à déménager, tel le cirque ambulant pour lesquels on les prendra une fois.
Leur quotidien minable est enjolivé par des fulgurances langagières et des passages absolument extravagants qu'on prend plaisir à voir se dérouler sous nos yeux.

Distribuant les histoires des uns et des autres sans y toucher, Asger remonte le fil de sa famille, de ses traumatismes, des non-dits qui lui ont permis malgré tout de se former et de rester lié malgré les aléas. A la fois pathétiques et débridés, ces anecdoctes familiales sont le terreau fertile de sa propre identité construit sur la honte et la culpabilité.

Alternant entre drame, ironie et récit d'initiation, Ramsland a su créer une grande saga familiale hors-norme qui loin du misérabilisme attendu plonge dans la drôlerie et l'inventivité.

Un grand roman ! Ne le ratez surtout pas !!!
Lien : http://legrenierdechoco.over..
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L'histoire des Eriksson est celle d'une famille norvégienne de la seconde moitié du 20ème siècle. La rencontre entre Askild et Bjork, les grands parents, scelle le destin familial pour plusieurs générations. Cela se passe à Bergen, à la fin des années 30. Pendant la guerre, Askild passe deux ans dans les camps allemands. Marqué à jamais par cette expérience il revient en Norvège méconnaissable. Bjork épouse malgré tout ce fantôme revenu d'entre les morts, et après avoir séjourné quelques temps chez la belle-mère paternelle, le couple part s'installer à Stavanger. Mais l'expérience est de courte durée et les Eriksson reviennent bien vite à Bergen où Askild achète un terrain pour construire une maison. Entre temps, leurs trois enfants sont nés. Il y a Niels junior, l'ainé, Anne Katrine et Knut, le petit dernier.

Viré des chantiers navals de Bergen pour cause d'alcoolisme aggravé, Askild emmène les siens au Danemark. C'est là que la tragi-comédie des Eriksson va prendre toute son ampleur…

Le narrateur se nomme Asger. C'est le petit fils d'Askild et Bjork, le fils de Niels junior. Il retrace la saga familiale avec le plus de détails possibles, n'omettant aucun des moments importants. de ses grands-parents à ses parents en passant par son oncle et sa tante il déroule le fil dévénements souvent hauts en couleurs. Askild est un alcoolique passionné de cubisme. Bjork, une grand-mère volage qui se prend de passion à la fin de sa vie pour les cercles de jeu. Niels junior, surnommé feuille de chou, va connaître une enfance difficile à cause de ses oreilles surdimensionnées. Anne Katrine accuse un retard mental qui fait d'elle « un gros légume pâle ». Quand à Knut, c'est un gamin perturbé qui va très vite fuir ses parents pour voyager au long cours. Et puis il y a Stinne, la soeur du narrateur, Leila sa mère et des figures secondaires importantes tels que Tête de pomme, La Bonde, Madame Maman ou encore Thor Gunnarsson, le médecin amant de Bjork. Cette pléthore de personnages rend la lecture exigeante. Il faut beaucoup d'attention pour ne pas se perdre dans le flot des événements racontés et s'y retrouver parmi tous les membres de la famille.

Mais quel plaisir de se plonger dans ce roman déjanté et cocasse. Cette famille d'allumés notoires fait parfois penser à une troupe de freaks en goguette qui passe son temps à déménager (notamment lors de l'arrivée à Stavanger quand la famille traverse la ville dans une carriole tirée par un vieux canasson). On passe en deux pages du rire aux larmes. le tableau dressé par l'auteur est bigarré à souhait. La palette des situations et des personnages présentés est d'une folle richesse. L'humour est aussi très présent, le langage est parfois très cru parfois onirique, l'intrigue vous surprend en permanence… Bref, voila tout simplement un grand roman.

A l'évidence, Morten Ramsland a lu Knut Hamsun (le plus célèbre écrivain norvégien du 20ème siècle) et son fabuleux roman La Faim. Il a sans doute aussi lu le Bandini de John Fante. On y retrouve la même truculence dans la description d'une famille vraiment pas comme les autres qui mérite que l'on s'attarde sur son cas avec la plus grande attention. Je ne pensais pas retrouver un jour une telle filiation chez un auteur européen. La surprise est d'autant plus belle et je ne peux que vous encourager à lire et à faire lire Tête de chien.

Comme quoi les écrivains scandinaves ne savent pas faire que des polars. Et c'est tant mieux !


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Magnifique !! Excellent roman ! J'ai lu récemment L'oeuf du même auteur et on y retrouve la même verve, le même tourbillon d'émotions. Les deux livres sont très différents mais traitent pourtant du même thème : Notre histoire personnelle est tissée avec le fil des multiples aventures ou simples anecdotes vécues par nos ancêtres. Nous n'en sommes pas toujours conscients, mais Morten Ramsland est là pour nous le rappeler !
Les deux titres sont absolument à découvrir.
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Impossible de résumer toutes les péripities de la famille Eriksson tant Askild, le grand-père, va entraîner femme et rejetons dans un tourbillon de déménagements entre la Norvège et le Danemark au gré de ses humeurs qui varient plus souvent que son taux d'alcoolémie qui, lui, est plutôt constant !

Asger, le narrateur est l'un des petits-fils qui, après un exil à Amsterdam, s'en revient chez les siens alors que sa grand-mère est en train de s'éteindre. En effet, quand on est issu d'une telle lignée, il est parfois nécessaire de s'en extraire pour se réaliser.

Nous accompagnons la famille des années 30 jusqu'à nos jours au gré des aléas d'une existence riche en rebondissements. Et c'est à coup de sniffs de bouffées d'air frais de Bergen contenu dans des petites boîtes de sardines reconverties en gadgets touristiques, que la grand-mère Bjork, qui ne s'est jamais remise d'avoir quitté cette ville, livrera les dernières histoires de la famille, voire un secret...

Bref, voici une joyeuse et tendre saga familiale doublée de la découverte d'un auteur danois qui n'est pas loin d'avoir la grâce et le talent d'un John Irving, enfin celui du Monde selon Garp et de l'Hôtel New Hampshire.
Lien : http://moustafette.canalblog..
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