Que dire de ce petit recueil au premier abord anodin de sept nouvelles, dont l'auteur n'est pas écrivain de métier, mais « seulement » de passion, comme il est passionné de Japon ? Au risque de ne pas être original au vu de ses premières victimes...que c'est une pure merveille !
Roger Raynal se fait le témoin de ce qu'est l'Amour, souvent dans ce qu'il a de plus cruel, lorsque le destin s'en mêle. Il peut alors séparer deux êtres qui s'étaient promis, au contraire les unir dans une fin tragique. Parfois, ils se ratent, car la première impression, prometteuse, ne se confirme pas.
Sujet banal mille fois traité, objectera-t-on ! Mais la portée universelle du sujet est magnifiée ici par le transport de ces histoires au Japon, et surtout par une écriture d'une beauté stylistique assez extraordinaire, d'un classicisme au meilleur sens du terme, exprimant le miel des mots mais sans apprêt inutile.
Ces nouvelles nous touchent intimement quand un narrateur s'exprime à la première personne, ici un homme malheureux qui n'a pas su, par trop de retenue, presque de timidité, faire l'ultime pas, l'ultime geste devant sceller une relation, ou là un homme entreprenant qui, suite à un flirt d'abord virtuel, ne provoque pas le désir chez la femme convoitée et en est réduit à rester seul dans la chambre d'hôtel qu'il avait réservée. Parfois encore, cet homme est habité d'un autre type d'amour, pour « le pays blanc » qu'il arpente jour et nuit, tel un aventurier forcené, la chute nous permettant de comprendre ce qu'est ce pays pour lui.
Elles nous touchent aussi lorsque dans ses nouvelles japonaises, il nous immerge si bien dans l'âme, la sensibilité et l'esthétique nippones, là encore sans fioritures inutiles, mais aussi en nous surprenant dans la plus longue nouvelle, où il convoque un moine zen dans une histoire mêlant beaux moines homosexuels, fausse geisha joueuse de shamisen, jalousie et crime, sous l'oeil du chat, fidèle compagnon. Dans ces récits, la narration est directe, efficace, car centrée sur la bulle formée par un duo amoureux, sans prise en compte de descriptions paysagères inutiles dans ce court format.
Roger Raynal possède une plume qu'on rêverait d'avoir, confinant à la poésie. Il peut être inspirant pour qui aimerait se lancer dans l'écriture avec ce pur délice de lecture, à lire d'une traite comme une parenthèse intemporelle dans le monde de l'Amour.
Un grand merci à babelio et aux éditions Rémanence pour cette belle découverte à l'occasion de l'opération "masse critique".