Iris, deux fois

Iris est une auteure à succès le jour et une vendeuse de supermarché au rayon culture la nuit. Femme heureuse et accomplie, elle devient esclave d'un alcoolique sans scrupules dès le coucher du soleil.
Un excellent sujet de réflexion sur le réalisme de certains de nos rêves et la possibilité d'une seconde vie nocturne.
Je l'ai dévoré tant il m'a tenue en haleine! Il est super passionnant et intriguant. Les illustrations sont sombres et les dialogues laissent planer le suspens. Un joli moment qui me restera en mémoire.

La tentation est forte d'imaginer quelle aurait été notre vie si... ou de rêver de vivre deux voire trois vies parallèles, comme Paul Auster l'a si bien fait dans 4 3 2 1.
Ici, les soeurs Anne-Laure et Naomi Reboul mettent en scène Iris Rivière, auteure tout juste primée du prix Renaudot qui depuis peu, chaque nuit, se retrouve dans la peau de son autre Iris, celle qui n'a jamais quitté Bertrand, alcoolique. Cette Iris-là a un fils, Samuel, déficient, et elle travaille à Cultura. Elle écrit en cachette, sa vie est un échec. le jour, Iris retrouve sa vie auprès de son mari éditeur, est sollicitée pour des interviews littéraires, et surtout très perturbée par la double vie qu'elle mène bien malgré elle.
L'idée est bonne, le chemin que prend le récit original (je ne le dévoilerai pas) mais personnellement, j'aurais essayé, à sa place, de retrouver ce Bertrand pour savoir ce qu'il est devenu afin de mieux saisir la nature de ce qui lui arrive et qui est si incompréhensible.
J'ai également été gênée par le côté caricatural de ce choix d'opposer une vie (considérée comme) ratée d'employée mariée à un alcoolo à la vie priviliégiée d'intellectuels parisiens sans enfants dans le monde de l'édition: tout cela avec un gros manque de subtilité dans la comparaison.
Surtout, je n'ai ressenti absolument aucune empathie pour ces deux Iris, aussi froide, aigrie et méprisante l'une que l'autre, difficiles à suivre psychologiquement car parfois contradictoires (on a voulu leur faire dire trop de choses différentes) et je ne comprends pas ce choix de la part des autrices alors que tant d'angles différents étaient possibles. J'en garde une impression générale plutôt désagréable et une certaine déception.

Iris deux fois
Il y avait beaucoup d'éléments pour me plaire dans cette bande dessinée. J'ai aimé le graphisme assez brut, au dessin simple, le coup de crayon est brut, primitif, un ébauche en arrière, retravaillée en aquarelle par dessus, faisant circuler la lumière, renforçant le trait qui disparaît plus ou moins sous la couleur. Beaucoup de pudeur dans le choix des couleurs, un peu triste, parce que l'histoire l'est aussi, la banlieue, les soirées d'ennui…
J'ai aussi aimé le thème qui n'est pas sans rappeler “Ces jours qui disparaissent” de Timothé le Boucher. L'héroïne, Iris, semble vivre deux vies en parallèle, l'une est-elle le rêve ou le cauchemar de l'autre ? Iris est une autrice à succès, Iris est aussi une pauvre fille employée dans l'espace Culturel Leclerc, mariée à un loser pathétique, alcoolique. Il y a une ambiance fantastique bien amenée avec ce monde où l'on ne sait plus de quel côté se situe la réalité. C'est le genre de concept qui me plait en général.
Mais il y a un aspect qui m'a fortement dérangé, je n'ai pas aimé le choix des deux univers. L'univers de banlieue et d'espoir déchu est trop exagéré et trop caricatural, le contraste avec l'autre univers est trop poussé et manque totalement de finesse, c'est trop artificiel. de l'autre côté, le monde des livres vu du côté des prix littéraires, c'est totalement autocentré, le fantasme du succès libraire ou critique est un sujet qui m'exaspère dans mes lectures, c'est comme un livre qui ne serait écrit que pour lui-même, que pour son auteur, et c'est un sujet qui ne semble pas concerner le lecteur, à moins d'une grosse dose de dérision (comme chez Pétillon). le choix du sujet de l'écriture de roman n'est vraiment pas judicieux, on tombe dans la caricature, on dirait que l'autrice transfère dans son récit, son fantasme d'avoir du succès, et ça ne me passionne pas du tout (euphémisme !).
Je ne peux m'empêcher de penser à ces scènes finales dans les films ou téléfilms où dans la dernière scène, le personnage s'installe derrière une machine à écrire pour écrire les aventures qu'il vient de vivre. J'ai toujours trouvé ça ridicule, et cette bande dessinée ne tombe pas dans ce genre de travers.
Malgré les nombreuses qualités, du graphisme, du choix du fantastique, du traitement des ambiances, des personnages, le thème général m'a déplu, c'est à dire le sujet de l'écriture d'un livre. Au final, je ressors de cette lecture très déçu.

Un roman graphique surprenant écrit et conçu à quatre mains par deux soeurs. Très clairement destiné à un public adulte par ses thèmes et son graphisme plutôt minimaliste aux couleurs oscillant entre les bruns, les ocres et les bleus durs. Lu d'une traitre car je n'ai pu le refermer tant j'étais entrée dans l'histoire et voulais connaître le fin mot du récit. Ce roman graphique parle de la condition des femmes aujourd'hui dans nos sociétés européennes. Nous y faisons connaissance avec l'autrice Iris Rivière à qui tout réussi : son couple est épanoui, elle vit du métier de ses rêves et y est reconnue (elle est même en tête de lice pour le prix Renaudot), sa vie à Paris se déroule dans un appartement cossu et dans un cercle d'élites issues du milieu littéraire. Pourtant, Iris abrite un drame : celui qui se déroule toutes les nuits où elle retrouve dans ses cauchemars un double d'elle-même, l'Iris qu'elle a été autrefois, amoureuse d'un dealer alcoolique. Elle ne revit pas sa vie d'avant. Ce serait simple à gérer. Non, elle débarque dans la vie de cette Iris aujourd'hui. Cette dernière est restée en couple avec ce salaud de Bertrand, à la méchante tendance pervers narcissique. Ils ont un fils légèrement attardé. Elle a tout raté : abandonné son amour de l'écriture, elle bosse dans une grande surface au rayon livres et subit les crises à répétition de Bertrand qui devient de plus en plus aigri, tordu et menaçant. Peu à peu, l'Iris de jour, l'autrice célèbre, perd pieds. Elle ne peut faire face à la vie sordide de l'Iris de nuit. En essayant à tout prix d'échapper au sommeil, elle consomme de la cocaïne et foire complétement son passage télé consécutif à l'annonce de son prix. Recluse en Bretagne, elle finit par écouter l'Iris de nuit qui s'est mise enfin à écrire pour dépasser les drames de sa vie sordide. C'est à la fois une peinture sans fard du drame de ces femmes enchaînées dans un mariage moribond à un homme qui les maltraite et une vue sur le milieu de l'édition parisienne. le décalage entre les deux vies est saisissant. Pourtant, le parti pris des deux soeurs Reboul est de ne pas marquer clairement le passage d'une Iris à l'autre. Cela intensifie les moments saisissants vécus par l'une et l'autre. Pour ma part, j'ai trouvé la fin un peu abrupte et aurais souhaité plus d'éléments d'explications. Sinon, un intense moment de lecture sur des sujets sensibles qui donnent lieu à des scènes délicates (viol conjugal par exemple) mais qui sont évoquées avec tact et pudeur.

Pour ce duo, il s'agit de deux soeurs : premier scénario solo de Anne Laure REBOUL et premier roman graphique de Naomi REBOUL. Une très bonne surprise ! Qui exploite très bien le principe de l'effet papillon.
Nous avons donc là deux histoires pour notre héroïne Iris, qui ont divergé lorsqu' Iris avait la vingtaine, qu'elle sortait avec un mec alcoolique, toxique. L'une s'est séparée de lui et a commencé à réaliser son rêve : devenir écrivaine (Iris A) ; l'autre qui est restée avec, a eu un enfant et elle travaille à Leclerc pour nourrir les deux personnes qui sont dépendantes d'elle, son mari étant une loque humaine (Iris B).
L'histoire commence au moment où Iris A se met à vivre la vie d'Iris B durant son sommeil, la veille du jour le plus important de sa vie, celui où elle va recevoir le prix Renaudot. Cette autre vie la perturbe au début mais elle réalise rapidement qu'il ne peut s'agir de rêve, c'est beaucoup trop vrai. Cela détruit petit à petit la confiance qu'elle a en elle et perd au fur et à mesure la notion de sa propre réalité. Iris B, elle, ne vit plus, ça fait bien longtemps qu'elle ne fait que survivre, se reprochant de ne pas s'être séparée de son partenaire avant qu'ils aient un enfant ensemble. Elle préfère passer ses soirées dans sa voiture plutôt que de rentrer chez elle, le seul moyen qu'elle trouve pour fuir cette réalité, c'est de se remettre à écrire. Iris A sombre donc dans la dépression, elle remet en cause ses succès, ses écrits, elle est obligée de s'isoler, n'arrivant plus à tenir sa vie publique, se met à envier ce qu'écrit son double.
C'est une histoire vraiment prenante, traitant de plein de sujets différents : les milieux sociaux, l'alcoolisme, la dépendance, les convictions, l'accomplissement, le handicap, la confiance en soi. Seul bémol, je trouve dommage que seule Iris A voit la vie de l'autre, cela aurait pu être intéressant, même si cela n'empêche pas Iris B de se reconstruire.
Je recommande ! Une bonne lecture. Je vais la prendre pour mon fond.