J'ai présenté avant-hier ma lecture du roman de
Pierre Mac Orlan -
À bord de L'Étoile Matutine -.
J'ai expliqué pourquoi ce retour aux sources.
Pour rappel, ayant vécu l'expérience de la lecture de l'ouvrage de
Lola Lafon -
Quand tu écouteras cette chanson -, ouvrage au coeur duquel la figure centrale est celle d'
Anne Frank... sans m'être préalablement interrogé sur ce que le temps ( plus de cinquante ans ) m'avait permis de conserver du - Journal d'Anne Franck -, j'ai compris après lecture que j'aurais dû remettre à jour ce qu'Anne et les siens avaient vécu au quotidien durant leur enfermement, qui était cette adolescente iconisée par Hollywood et un lointain après-guerre qui avait voulu stariser Anne sans réellement lui donner la parole, tout au moins en lui imposant certains codes respectueux d'une certaine morale, et désireux d'assurer une rentabilité financière maximale au " Journal ", à ses produits dérivés et à son héroïne...
Voulant découvrir la transposition en BD du roman de
Mac Orlan par Riff Reb's et fort de " l'expérience
Lola Lafon ", j'ai cette fois pris les devants et relu la version originelle avant de m'attaquer à la BD.
Je ne vais pas refaire aujourd'hui pour la BD un long résumé, quarante-huit heures après celui proposé pour le roman.
D'autant que si Riff Reb's affirme que sa version est " librement adaptée " du roman de
Mac Orlan, sa " liberté " n'a en fait consisté que dans le choix des tableaux qu'il n'a pas tous gardés... un regret en ce qui me concerne pour au moins deux d'entre eux...
Mais en revanche, ceux qu'il a conservés respectent scrupuleusement le narratif du romancier - à ceci près que les planches synthéthisent ce que les mots tentent de dessiner... selon le principe bien connu " une image vaut X mots..."-, au point qu'à de très rares exceptions près les bulles reprennent fidèlement et minutieusement les mots du livre... ce que je n'aurais pu affirmer sans cette lecture quasi synchronisée des deux oeuvres...
Dans l'histoire de ce vieillard retiré dans le Londres du XVIIIe siècle, entouré " d'un perroquet et d'une fille de Covent-Garden qui le gruge ", un ancien " gentilhomme de fortune " raconte ce que fut sa vie.
Orphelin miséreux, enfant sauvage livré à lui-même et subsistant dans des carrières auprès de vieux inconnus, il tue une jeune fille par " curiosité sexuelle ", une curiosité sexuelle naturelle, une mort sans discernement du bien et du mal...
Obligé de s'enfuir, il sert d'aide à des servantes dans une auberge de
Brest.
Des gentilshommes de fortune vont convaincre le gamin, qui n'en demandait pas tant, d'embarquer avec eux sur le schooner " L'Étoile Matutine ".
Débutent alors les aventures maritimes de ce navire et de son équipage, dont Riff Reb's reprend quelques-unes desdites aventures - sous forme de tableaux - chez
Mac Orlan et de planches au graphisme très stylisé chez Riff Reb's.
Le " crayon " grossit les traits des personnages pour mieux faire ressortir l'intime, le fond enfouis sous ou derrière ces traits, donner une expressivité démesurée à leur vie de démesure et d'outrance, à une époque marquée du même sceau.
L'excès ne nuit pas à l'esthétique, ne trahit pas
Mac Orlan mais au contraire le sert et l'illustre.
Le choix de ne pas polychromer ses planches mais d'alterner le noir et blanc ou la mono ou bichromie en dégradés s'avère judicieux.
Le réalisme et la beauté des paysages marins sont épatants ; il n'est qu'à voir la couverture du livre pour comprendre de quoi je parle.
La quatrième de couv' illustre à elle seule l'intensité émotionnelle que l'artiste a réussi à trouver et à nous faire passer grâce à son talent.
Je terminerai par quelques mots de Riff Reb's et de
Francis Lacassin.
" le mythe de la chute nous dit
que l'homme et le verbe sont tombés sur terre
où ils demeurent captifs
et qu'ainsi est née l'histoire." ( Riff Reb's )
" Sans pitié, sans romantisme, sans espoir... mais pas sans lyrisme. Ces orphelins de la société, ces enfants perdus de la mer ont inspiré à
Mac Orlan une épopée de la pègre exotique où les coups de sabre laissent sourdre une poésie sauvage et violente.
À bord de L'Étoile Matutine a fait de
Mac Orlan le Goya des gueux de la mer." (
Francis Lacassin )
Une BD roman digne du grand écrivain qui l'a inspirée.
PS : une BD à découvrir de préférence après lecture du roman de
Mac Orlan. Ce n'est que mon avis...