Déroutant. Atypique. Erudit. Militant. Roman culte de la culture hip-hop d'après la notice biographique. Polar. Eloge de la musique et de la danse nées à Congo Square Nouvelle- Orléans fin XIXème. Histoire des noirs américains, du panafricanisme à la
Marcus Garvey au mouvement des Black Muslims. Plaidoyer pour une récupération gangsta des oeuvres dites primitives conservées dans les musées occidentaux. Gravures. Dessins. Kyrielle de références bibliographiques et musicales.
Heureux celui qui pourra sans peine résumer cette oeuvre.
Mumbo jumbo (en mandingue, le magicien qui met en fuite les esprits en peine des ancêtres), est l'histoire de PaPa LaBas, le sorcier, le Lwa, le maître des carrefours, militant de la cause noire dans le Harlem des années 20, qui part à la recherche du Livre de Thôt, oeuvre mystérieuse perpétuant la doctrine d'Osiris. Il doit pour cela affronter deux sociétés secrètes, les Compagnons de l'Ordre de la Fleur de muraille, et l'Ordre des Templiers alors que tout le pays est frappé par une épidémie de Djeuze Grou (Jes' Grew), qui vibre et enflamme les âmes noires. Les occidentaux redoutent cette étrange maladie, cette folie de la danse, qui menace l'équilibre de la société ainsi que la suprématie de la race blanche. "Le jazz se comporte comme une maladie contagieuse. Il s'abat sur la population comme une rougeole..."
Pour y mettre un terme, ils prévoient la fabrication d'un androïde, un noir programmé pour semer la confusion chez les intellectuels afro-américains: "Hinckle von Vampton examine machinalement la boîte de gâteaux secs sur son bureau, les "galettes" de la tante Jemina. Son regard s'attarde sur les joues noires et rebondies de la "tante"... Si seulement l'androïde parlant pouvait être une bonne nounou du XIXè siècle, dévouée corps et âme à son planteur de maître... elle le tarabusterait , mon Djeuze Grou, comme un méchant galopin. Il en oublierait de grandir!..."
Mumbo jumbo est une étonnante fable, une oeuvre singulière, qui mêlerait au réalisme magique d'un Depestre, les airs de jazz échappés du
Ragtime de
E. L. Doctorow. Sur fond d'invasion d'Haïti par les Marines, le roman se fait chantre de l'animisme qui s'oppose au rationalisme occidental, et montre à quel point la révolution de Saint-Domingue et la culture africaine (que Reed fait remonter à l'Egypte antique) ont influencé la culture afro-américaine. C'est riche, parodique, drôle et funky souvent, hermétique parfois quand on ne maîtrise pas bien (c'est mon cas) l'histoire américaine. On retiendra la figure de PaPa LaBas (Kathedrale
Mumbo jumbo Si la tête vous tourne Tournons ensemble), gardien de la mémoire magique de l'humanité, et les belles pages sur la musique et la danse. La lecture tardive de cet ouvrage, publié en 1973, m'aura permis de découvrir le "Neo Hoodooism" et le parcours de son auteur,
Ishmael Reed. Incontournable quoiqu'il en soit, pour les amateurs de jazz, de
James Baldwin ou de
Chester Himes.