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EAN : 9782370552648
115 pages
Le Tripode (08/04/2021)
3.67/5   38 notes
Résumé :
On le sait, et l'oublie trop souvent, les contes ne sont pas que pour les enfants. Ils disent ce qu'il y a de plus terrible et dangereux. Bien mieux, bien plus, que beaucoup de romans.
Une Fêlure est un récit. C'est aussi un conte. Il livre l'errance, l'horreur d'une famille. Et révèle comment la littérature peut sauver alors la vie.
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Critiques, Analyses et Avis (16) Voir plus Ajouter une critique
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Raconter son enfance. Se la raconter. L'idéaliser. L'imaginer telle qu'on aurait aimé l'avoir vécu. Une enfance cocon dans laquelle les parents sont amoureux, beaux, heureux. Où l'on se sent protégé, consolé. le faire tout en douceur et en retenue. Jusque quelques phrases par page afin de distiller le bonheur familial en gouttes essentielles. Des ellipses élégantes, des photos couleur sépia au charme suranné, serties de musique classique et de livres à foison, partagés et à partager en famille. Mettant à distance la vie, la vraie, qui peut être tout autre chose. Un cocon chaud, calme, paisible. Comme une bulle de savon aérienne et légère.

Une mère gaie et aimante : « Mon souvenir le plus ancien, ou l'un de mes souvenirs les plus anciens, de moi enfant, se passe dans une roseraie. Je suis avec ma mère, elle rit, je ris aussi. Elle me tient dans ses bras, m'embrasse dans le cou, souffle dans mes cheveux. Il fait beau, le ciel est bleu. Ma mère cueille délicatement une rose, au plus près de la fleur, pour me la déposer à mon oreille. Comme tu es beau, me dit-elle. J'ai toujours été son beau garçon ».

Un père avec lequel partager des activités : « Mon père m'apprend à faire du vélo, me pousse, me tient, m'encourage. Dans le champ il y a des coquelicots ».

Et pourtant, fêlure il y a. Après avoir été enveloppés, nous constatons que nous avons été leurrés. Fêlure entre le rêve et la réalité, la jeunesse du narrateur fut tout sauf un conte de fées. Plutôt un conte terrifiant dans lequel des ogres, et surtout des ogresses, s'attaquent aux enfants, les brisant pour le reste de leur vie. Où les bas-fonds de l'humanité les plus sordides sont convoqués. Fêlure il y a, que les mots tentent de colmater. Meurtrière sur l'odieux et l'inimaginable que l'imaginaire tente de panser, dans laquelle Emmanuel Régniez essaie de faire passer une lumière. de noires brisures derrière lesquelles tentent de se faufiler quelques rayons, timides, de lumière.

Ce texte morcelé d'un coeur éclaté m'a captivée. Partie pour ne lire que les premières phrases, par simple curiosité, lisant un autre livre en ce moment, je n'ai pu le reposer avant de l'avoir terminé. Comme hypnotisée tant par l'histoire, par l'écriture directe, pure, ciselée que par ces fragments courts, tels des éclats de verre acérés déchiquetant l'innocence, ce précieux vase de porcelaine. Un livre inoubliable, sombre, récit délicat d'une tentative de reconstruction. « Qui ne sait que toute vie est un processus de démolition ne peut pas écrire. Je peux écrire ». Et l'écriture d'Emmanuel Regniez est une déflagration silencieuse…

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Les textes d'Emmanuel Régniez sont fascinants. Tous. Et je dis fascinants parce que l'on plonge dans un univers qui est le nôtre sans l'être vraiment. Les contours sont flous, les mots font peur. On voit trouble et l'on sent obscurément que derrière leur allure anodine, se dissimule le pire, le gouffre dans lequel on va plonger. Alors, on les lit lentement ces mots. Ils sont si beaux, tout est si beau. Tenez, dans ce dernier roman « Une fêlure », il a l'air tellement heureux ce petit garçon. Il est doux, gentil, ses parents l'aiment et le ciel est bleu. le monde est parfait, bien lisse, satiné. On l'envie même cet enfant aux parents bienveillants qui ne se disputent jamais. Des parents qui lisent, qui font « bibliothèque commune », qui emmènent leur petit chéri tous les samedis à la librairie. Et il choisit ce qu'il veut, et les parents aussi achètent des livres et le soir, tandis qu'ils sont couchés, l'enfant entend ses parents parler et se dire : « Je te conseille celui-là » et la mère répond « Je te conseille celle-là ». Peut-être parle-t-elle d'une bande-dessinée. le père conseillera au fils la lecture de Proust. Mais pour plus tard. Chaque chose en son temps. Il ne faut rien précipiter au risque de faire entrevoir à l'enfant chéri que la vie peut être autre chose. Plus tard. Il a bien le temps de se confronter au monde. Il vaut mieux qu'il reste dans son cocon de ouate, dans son petit nid de coton tout chaud, tout beau, tout calme. Si silencieux. Si paisible.
Et pourtant ce titre « Une fêlure ». Quelle fêlure ? Ce monde idéal, parfait, merveilleux peut-il se fissurer, se fracturer, s'ouvrir ? Non, n'est-ce pas, dites-moi que non…
Je vous invite à découvrir les oeuvres d'Emmanuel Régniez (l'admirable « Notre Château », « Madame Jules »), des petits récits dont l'atmosphère étrange et onirique vous enveloppe progressivement jusqu'à ce que soudain, leurré par des mots simples, doux, soyeux, vous compreniez que vous avez basculé dans le pire, l'insoutenable. Mais il n'est plus temps de vous relever. Vous y êtes. Et le texte hantera désormais votre esprit. Je vous aurai mis en garde… On n'entre pas impunément dans un texte d'Emmanuel Régniez… Vous êtres prévenu.
Lien : http://lireaulit.blogspot.fr/
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Pourquoi lire "Une Fêlure" d'Emmanuel Régniez, en ces temps où les dénonciations et témoignages d'incestes inondent les tables des libraires?

Tout simplement parce qu'Emmanuel Régniez nous donne à lire de la littérature.
Une littérature qu'il a d'abord fantasmée, lui prêtant un rôle quasi divin, unificateur. Dans ses rêves, la littérature est la foi de sa famille. Cela donne une très belle première partie, bien sentie, où toute la douce mélancolie de l'enfance jaillit comme autant de bulle de savon dans l'air.

Mais il n'en est rien. Car la jeunesse de l'auteur n'a rien d'un conte, rien d'enviable. Ce n'est qu'une chute lente et irréversible vers les bas-fonds de l'humanité, où les enfants sont témoins des vengeances crasseuses de leurs parents, vivant dans un environnement familial funeste et morbide (tous ces morts!), où l'horreur la plus abjecte devient pain quotidien, auquel - et c'est ce qu'il y a de plus révoltant et terrifiant !!! - les enfants prennent goût.

Cette littérature, l'auteur a mis du temps à la trouver, à l'apprivoiser, à en découvrir toutes les potentialités, toutes les "postures" ; encore plus pour en faire une confidente, une alliée capable de supporter ce poids qui l'écrasait depuis tant d'années. Sa littérature, c'est cet ami à qui il peut enfin avouer cette fêlure, lui montrer, confier ce secret qui ne doit jamais être dévoilé - quel poids horrible. C'est enfin ce mortier, cet amalgame, ce nouveau tissu organique qui lui permet de réparer cette fêlure, là où les colmatages de fortunes faits de plâtre imbibé d'alcool s'effritaient si rapidement pour remettre sa blessure à vif. Une blessure invisible, interne, la pire qui soit (merci à Fitzgerald).

Ici la littérature est thérapie. Mais une thérapie à ciel ouvert : l'auteur, seul dans l'agora, seul dans l'arène, gladiator face à la moral, face aux "qu'en dira-t-on", face à la honte. Mais thérapie tout de même. On se remémore en creusant. On se raconte des histoires mais on ne trompe personne. Petit à petit, on gratte, on retire les sparadraps crasseux empilés sur une blessure suintante, pour atteindre l'infection. Et là, on sert les dents, et on écrit. Et on espère que la catharsis passera dans le coin...
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J'ai découvert ce livre des éditions le tripode dans le cadre du prix des lecteurs 2022 de ma bibliothèque.
J'aime beaucoup la forme qu'il prend. Il ressemble aussi bien à un conte, un roman ou un récit pour raconter "Une fêlure".
Emmanuel Régniez écrit à la première personne du singulier l'histoire d'un homme traumatisé dans son enfance. Dans les quatre grandes parties de ce livre, chaque page est composée d'un texte court, souvent un paragraphe de quelques phrases et j'aime cette présentation qui fait penser à de la poésie.
Dans la première partie le narrateur raconte son enfance idyllique et c'est tellement beau que cela semble impossible. On sent rapidement que ça cache des blessures et la tension monte. Que va-t-il nous révéler ?
Quand il cesse de jouer à une belle enfance immaginaire, le narrateur revelle une famille sans amour, des parents à la sexualité débridée, indifférents à leurs enfants jusqu'au jour où la mère devient une ogresse comme dans les contes de Perrault.
Je trouve que la deuxième partie est moins bien écrite que la première car la tension redescend comme un soufflé et cela malgré le sordide de la situation.
Ce qui est appréciable c'est l'éloge de la littérature qui, en quelque sorte, sauve le narrateur d'une famille abusive.
D'ailleurs le titre est probablement un hommage au livre "La fêlure" de Francis Scott Fitzgerald évoqué par Emmanuel Régniez.


Challenge Riquiqui 2022
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“Toutes les familles heureuses se ressemblent, mais chaque famille malheureuse l'est à sa façon.” On ne s'en lasse pas de cet incipit de Tolstoï, valable ici comme ailleurs, mais surtout avec cette Fêlure qui tient sur un peu plus de cent dix pages dans de courts paragraphes comme autant de chute dans le noir... Mais au lieu de prendre son lecteur en otage, Emmanuel Régniez laisse supposer qu'il existe non un espoir ni même un bonheur, mais au moins une échappatoire, une évasion qui est la littérature en général, le conte en particulier.
Si l'auteur cite Francis Scott Fritzgerald, Perrault, Thiéfaine, Andersen, j'ai aussi pensé à Gabrielle Wittkop et à la chanson Something must break de Joy Division ainsi qu'à Afraid of your Company de Lydia Lunch, c'est dire si ce livre est gothique, même s'il brille quelque chose dans toutes ces ténèbres : l'intelligence et le talent sans doute.
Pour ma part je me commande tous les livres de cet auteur dès aujourd'hui. Hautement recommandé sinon obligatoire.
Enfant et lecteur d'Eric-Emmanuel Schmitt s'abstenir.
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critiques presse (1)
LeMonde
09 avril 2021
Dans son nouveau livre, Emmanuel Régniez dit la blessure originelle, la faille intérieure et jusqu’alors tue. Puissance des aveux.
Lire la critique sur le site : LeMonde
Citations et extraits (12) Voir plus Ajouter une citation
Ensuite, toute sa vie fut de courir après des choses qui pourraient le sauver, qui auraient pu le sauver. L'alcool, les drogues, les situations limites, comme s'il devait jouer sa vie pour que le secret ne sorte jamais. Il marchait dans la brume, le cœur démoli. Il ne savait pas comment faire, avec le monde, extérieur, avec son monde, intérieur.
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Écrire pour se sauver ? C’est le pari du narrateur, la littérature permet de raconter l’irracontable dit-il.
Dans une première partie, de courts chapitres donnent à voir une enfance idéale à travers un choix de mots, de beaux mots qui disent une mère aimante, des soirées familiales diapos., une passion commune pour les livres.Mais les références aux contes d’Andersen et Perrrault alimentent l’inquiétude du lecteur.Dans une deuxième partie, le narrateur explique qu’il s’agit d’une idéalisation,il avoue que cette vie familiale harmonieuse, il ne l’a pas connue , il a vécu
des meurtrissures, une fêlure.Sa mère est une ogresse , sans limites, qui ne prend pas soin de ses enfants, comme empêchée d’agir . Issue d’une famille d’alcooliques, placée à l’assistance publique, pouvait -elle être autre? Le narrateur trouve le réconfort chez sa grand-mère paternelle très aimante.Les parents se font mutuellement mal par leur libertinage et la mère s’enferme dans une vengeance sans limites.
Le ver est dans le fruit dès le mariage des parents et les enfants sont témoins de leur mésalliance.Alors l’auteur sous forme de conte évoque la débauche dans le foyer, les enfants qui se tripotent , la mère qui initie à la sexualité son fils aîné qui , cabossé, quittera la maison pour se sauver.
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Ensuite, toute la vie du frère ainé fut de courir après des choses qui pourraient le sauver, qui auraient pu le sauver. L'alcool, les drogues, les situations limites, comme s'il devait jouer sa vie pour que le secret ne sorte jamais. Il marchait dans la brume, le cœur démoli. Il ne savait pas comment faire, avec le monde, extérieur, avec son monde, intérieur. Il portait un masque, il s'inventait des doubles. Il séparait tout.
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Ce que je vais vite apprendre et expérimenter, c'est la fêlure, c'est l'impression d'être brisé, quelque part, de l'intérieur, et que chaque pas que je fais peut contribuer à casser un peu plus mon vase intérieur en porcelaine.
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Ce que je veux dire c'est que j'ai aimé la posture donnée par la littérature, celle qui fait que c'est aussi intéressant de penser l'idée que l'on a de soi en lisant, que ce que l'on est en train de lire.
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Videos de Emmanuel Régniez (3) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Emmanuel Régniez
EMMANUEL REGNIEZ – UNE FÊLURE Lecture par Pierre Baux Rencontre animée par Kerenn Elkaïm
On le sait, et l'oublie trop souvent, les contes ne sont pas que pour les enfants. Ils disent ce qu'il y a de plus terrible et dangereux. Bien mieux, bien plus, que beaucoup de romans.
Une Fêlure est un récit. C'est aussi un conte. Il livre l'errance, l'horreur d'une famille. Et révèle comment la littérature peut sauver alors la vie.
À lire – Emmanuel Regniez, Une fêlure, le Tripode, 2021.
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