"Un portrait n'est pas une pièce d'identité, c'est la courbe d'une émotion "affirmait Joyce. Cette définition sied à cette "biographie"de Soutine , vu qu'il y a peu de données concernant son enfance et même pour la suite, dont une grande partie a été imaginée, fabulée.
Un peintre que j'ai découvert très jeune par le biais de ma mère et qui m'a toujours fascinée. Plus tard j'ai eu la chance de voir ses plus beaux tableaux à la fondation Barnes à Merion en Philadelphie, un musée d'art unique au monde, qui exposait uniquement la collection du Dr Barnes, aménagé par ses propres soins ( digression, sorry....malgré le testament du docteur , Merion n'existe plus. On a déménagé la collection dans un nouveau musée moderne au centre de Philadelphie, conçu par deux architectes qui n'avaient jamais visité Merion avant de gagner le concours pour sa réalisation. Il paraît, un désastre, du fast-exhibition). C'est Barnes qui le tirera de l'abîme de la misère et de la méconnaissance en lui achetant d'un coup, une soixantaine de tableaux pour 3000 dollars entre les deux guerres, en 1923, par le biais du fameux marchand d'art
Paul Guillaume, ancien garagiste.
Soutine qui n'aime pas qu'on le voit peindre est un personnage assez trouble, ayant aussi un rapport ambigu à sa propre production. Il ne cessera de reprendre ses oeuvres anciennes soit en les rachetant, soit en les échangeant contre des nouvelles, qu'il retravaillera, retouchera ou simplement souvent détruira. "Pour lui une oeuvre d'art ( tant qu'elle n'est pas détruite) est vivante et son auteur reste en dialogue avec elle." Quand au rouge du titre, ce rouge vif , sanguin, lumineux qui illumine ses tableaux est "sa signature colorée". Fanatique des matchs de catch, il exulte étrangement à la vue du sang.
Olivier Renault dans un tout petit livre de 150 pages nous raconte une histoire passionnante celle de Soutine mais aussi celle du milieu artistique parisien où il évolue, dont l'histoire de papa Libion, patron du fameux bistrot La Rotonde à Montparnasse qui soutiendra ces génies sans le sou pendant une longue période, et celle des prétendus marchands d'art et collectionneurs qui qualifieront pendant longtemps son oeuvre de "dégoûtant", voir d' "ordure ", alors qu'un riche américain ayant peu ou presque pas de culture dans ce domaine là, flairera de suite son génie. Ces mêmes personnages qui une fois sa renommée entamée jetteront leurs griffes sur lui.
Je vous invite à découvrir ou re-découvrir ce peintre au langage singulier, unique, dont les tableaux sont reconnaissables sans hésitation , comme d'ailleurs ceux de son grand ami Modi ( Modigliani) !
Merci enjie !
"Chez lui, le désordre est un autre ordre, redistribué dans l'espace."