Une âme bienveillante, connaissant mon gout pour la poésie japonaise, m'a offert ce livre il y a trois ans. Un livre de poésies qui me suit partout tant son format est petit, et beau qui plus est. Une délicate pochette bleue mauve enveloppe puis dévoile un livret blanc. Un coeur palpitant.
Les poèmes d'amour de Marichiko de
Kenneth Rexroth. Surprise. Un homme occidental a-t-il écrit ces poésies éminemment et sensuellement japonaises ? Est-il juste le traducteur des poèmes d'une poétesse inconnue dénommée Marichiko ? Oui ça doit être cette dernière option ai-je un temps pensé, tant ces poèmes semblent féminins (la voix est d'ailleurs bien celle d'une femme) et d'un style proche de celui des tankas dont je vous ai déjà parlé (Cheveux emmêlés de Yosano Akiko), la rythmique en moins. Ces poèmes sont tour à tour tout en retenue, tendres, délicats ou carrément crus, osés, sensuels pour ne pas dire érotiques…mais avec quelle grâce, avec quel enchantement, délicatesse l'auteure enrobe subtilement cette audace :
Allongée sur le pré, ouverte à toi
Sous le soleil de midi,
Un voile de brume cache à demi
Mes pétales roses
Vous le sentez n'est-ce pas, ce sont des poèmes qui réchauffent en ces températures glaciales. L'amour y est prédominant mais la nature également comme savent si bien le faire les auteur(e)s japonais(e)s, une nature personnifiée tout en sensualité :
Le givre couvre les roseaux du marais.
Une brume légère les pénètre,
Faisant crépiter leurs longues feuilles.
Tout mon coeur palpite de joie.
Un amour qui se fait douleur et manque au fur et à mesure du livre, comme si nous passions du printemps de la passion, à l'automne de l'indifférence :
Mes cheveux emmêlés
A cause de mon oreiller solitaire sans sommeil.
Mes yeux cernés et mes joues creuses,
Par ta faute
Oh un poème qui démarre par « Mes cheveux emmêlés », cela me fait immédiatement penser au superbe recueil de Yosano Akiko. Et pour cause,
Kenneth Rexroth est bien l'auteur de ces poèmes et cet ouvrage constitue un triple hommage : à la poésie et à la tradition philosophico-religieuse du Japon, dont Rexroth est féru ; à l'amour ensuite (et quel hommage ! ) ; à la femme enfin et notamment à l'une d'entre elles, Yosano Akiko précisément, l'éminente femme de lettres japonaise (1878-1942) que Rexroth admirait et dont il traduisit des poèmes. C'est d'elle, auteur de Cheveux emmêlés, que l'auteur s'inspire librement à différentes reprises dans le « je » de ces poèmes passionnés, se mettant à la place d'une certaine Marichiko.
Je vous invite à venir picorer, glaner, déguster ces 60 petits poèmes, voire pourquoi pas à les déclamer. Effet garanti !
En attendant, un petit tanka de mon crû inspiré par la grande Akiko :
Tu as jeté l'ancre
à l'errance de mes hanches
falaises escarpées
depuis ma plume est gorgée
d'une encre inépuisée
Bon WE les Babéliotes !