Un passé qui n'en finit pas de miner le présent
En introduction,
Laure Coret et Alexandre Dauge-Roth indiquent, entre autres, « Pour contrer cette communauté génocidaire, pour réparer la rupture d'appartenance et de filiation, Élise a construit autour d'elle plusieurs réseaux : Tubeho en est un ; ceux qui ont reçu, lu, participé à ce livre en forment un autre ».
Comme l'écrit Laure Colet à la suite du récit d'Élise Rida Musomandera « Ce qu'elle nous donne à lire ici, ce qu'elle nous tend à force de courage et de colère aussi, « à coups de nous et de tu », c'est ce qui se cache sous sa peau, le piment resté collé à vif ». En effet, ce que l'auteure nous donne à lire c'est « le présent, insupportable, de ceux que l'on croit « sortis » de tout cela ».
Écrire pour nous tendre un miroir, celui d'un concret effrayant et abominable, celui d'un passé et d'un présent qu'il faut lire, relire et faire lire.
« Assez, c'est assez ! Il est temps que vous sachiez, il est temps de parler. Depuis tout ce temps, je retenais ma bouche de mes deux mains, mais il est temps de m'écouter. Je n'ai pas survécu pour vivre, mais plutôt pour témoigner, pour dire leur vie à eux, vous dire ce qu'ils avaient comme rêves, et pour dire leur mort atroce, la haine des tueurs toujours marquée sur les restes du corps »
Élise Rida Musomandera murmure, crie, dit, raconte, témoigne, Des mots, des phrases, le goût du sang dans la bouche, des peurs, des odeurs, « l'odeur des morts du Rwanda de 1994 », des bruits, « Mes oreilles entendent toujours leurs cris de haine ; elles entendent toujours les bruits des os coupés par leurs machettes ».
Témoigner : « j'ai seulement soif de témoigner », « je ne me lasserai jamais de témoigner ».
Une enfant, une famille, hier. La trace laissée. La mémoire des siens, des génocidaires, des actes, des cris, du sang… « Je ne suis pas sûre d'oublier tout ça et je ne veux pas l'oublier. Comment l'oublier ? Est-ce que si je le pouvais, je choisirais d'oublier ? Je ne sais pas, ce que je sais, c'est que je ne le peux pas ».
L'orphelinat, les marraines, se sentir « comme une personne qui vient de sortir d'une chambre noire », l'écriture théâtrale, la classe…
Une petite maison avec ses cousines, les études, les tensions, « orpheline », la famille de Nadine et Nicole… Être, « J'ai perdu tout ce que j'avais, jusqu'à mon identité, je me sens incomplète », témoigner, une petite boutique, des paroles blessantes, vous, tu, des images enregistrées, « Orphelins chefs de ménage », devenir à la fois parent et adolescent-e, les tribunaux Gacaca…
« Les cris des bébés jetés contre les murs, les cris des femmes violées, les cris de nos grands-parents trop vieux en train d'être coupés en morceaux par les machettes ».
Avenir, présent, passé, « Quand le passé domine le présent, celui-ci est compliqué à envisager, et c'est d'autant plus dur pour le futur ».
Des rescapé-e-s du génocide, mais est ce que les survivant-e-s existent vraiment ? Visiter les mémoriaux. Parler du génocide.
« J'ai besoin d'oublier le passé, le passé qui me fait toujours trembler, le passé qui fait partie de moi mais moi, je ne veux plus en faire partie ».
Le passé, vingt ans après, écrire pour énoncer son histoire, signer de son propre nom, comme l'écrit Alexandre Dauge-Roth, en fin du volume.
J'ai fini hier une note sur un récit à Birkenau, aujourd'hui l'armée israélienne bombarde les populations palestiniennes de Gaza…
Nous n'en avons pas fini avec les crimes contre l'humanité, les génocides, les crimes de guerre, les massacres, les tueries… et avec cette question : « pourquoi ? »
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