Le 20 octobre [1939], quand Pie XII apposa son nom en tête de "Summi Pontificatus", il était pris dans les rets d'une autre guerre en retrait de la guerre. Sans être nullement informés de ses actions secrètes, ceux qui révélèrent plus tard les méandres de ses politiques se demandaient pourquoi il avait paru si hostile envers le nazisme, avant de si longtemps se taire. Mais quand on retraça ses actions secrètes, et quand on les mit en coïncidence avec ses paroles publiques, une sombre et brutale corrélation devint évidente. Le dernier jour où Pie XII prononça publiquement le mot "juif" fut aussi le premier où il fit le choix historique d'aider à assassiner Adolf Hitler.
(...) certains évêques allemands, ce dont se plaignit plus tard le pontife, considéraient encore le Führer comme le défenseur des valeurs chrétiennes. En fait, convaincu que le christianisme avait sapé les traditions viriles et tribales germaniques, le maître du IIIe Reich regrettait que les musulmans n'aient pas conquis l'Europe : "Nous avons la malchance de ne pas posséder la bonne religion. [...] La religion musulmane aussi aurait été bien plus appropriée que ce christianisme avec sa tolérance amollissante. " Ainsi qu'il le déclara ailleurs, "toute la difformité et l'atrophie de notre esprit et de notre âme n'auraient jamais eu lieu sans cette mascarade orientale, cette abominable manie du nivellement égalitaire, ce maudit universalisme du christianisme qui nie le radicalisme et prêche une tolérance suicidaire".
Pacelli, remarquaient les analystes nazis, émaillait ses protestations de jugements extrêmement cinglants : « haine », « intrigues », « guerre d’extermination ». En employant des termes pareils, estimait Hartl, le secrétaire d’État « demandait au monde entier de s’insurger contre le Troisième Reich ».
Pire que tout, il prêchait l’égalité raciale. « La chrétienté est censée avoir rassemblé toutes les races, qu’elles soient noire ou blanche, dans une seule et grande famille, celle de Dieu, soulignait Hartl non sans raillerie.
Plus que tout autre pape avant lui, Pacelli avait foi en la science. En catholique fervent élevé au lycée Ennio-Quirino-Visconti, établissement secondaire ouvert à la libre-pensée, essuyant les quolibets à cause de l’injustice jadis infligée par l’Église à Galilée, il avait appris à traiter les aventures de la raison avec une révérence réparatrice. « Ô scrutateurs des cieux ! s’enthousiasmait-il. Géants que vous êtes, quand vous mesurez les étoiles et nommez les nébuleuses. » Il faisait à la fois l’éloge de la science pure et de ses applications : son ode aux voies ferrées et aux usines semblait tout droit sortie d’un roman social comme La Grève. Il ne se laisserait démonter par aucun problème d’ingénierie, aucune malédiction pieuse ne l’entraverait dans sa quête.
Généralement, les détenus promis à la pendaison étaient complètement nus, précisait un rapport sur les crimes de guerre commis à Flossenbürg. Avant d’être pendus, les victimes étaient fréquemment rouées de coups, jusqu’à ce que les malheureux supplient pour qu’on leur passe tout de suite la corde au cou, afin de les soulager de leur souffrance. Une autre méthode d’exécution consistait à pendre un individu par les poignets en le lestant d’un lourd tonneau attaché aux chevilles. Le poids finissait par déchiqueter les entrailles du supplicié, et il mourait.