La petite soeur de Trott

Un ouvrage pour enfants, « La petite soeur de Trott » ? Les enfants devaient être bien érudits, en 1898, année de la parution de ce petit roman ! Et les pauvres écoliers des années 1940-1950 ont dû bien transpirer sous la dictée d'extraits de « Mon petit Trott », le premier tome.

Un « classique de la littérature enfantine » ! Mais qu'est-ce qu'on peut entendre comme élucubrations...
« Mon petit Trott » et « La petite soeur de Trott » sont des romans SUR la psychologie enfantine, et à cette époque, ce ne devait pas être commun de s'intéresser de si près à l'enfance au point d'adopter son point de vue.

J'avais lu « Mon petit Trott » il y a plus de trente ans, et j'avais été charmée. Cette lecture de la suite m'a presque tout autant charmée.
Trott est un petit garçon de la haute bourgeoisie (c'est ce que l'on devine aisément dès les premières pages, vu qu'il y a une Nounou, ainsi que quelques domestiques...) qui vient d'avoir une petite soeur. Finis donc les privilèges de l'enfant unique. Finis les câlins de sa maman tout entiers consacrés à sa petite personne. La petite soeur est un être .... redoutable, égoïste, qui requiert toute l'attention des adultes. Mais Trott, déstabilisé à la naissance de Lucette, finira par s'adapter à cet être étrange et si attachant, et lui vouera même un amour sans limites.

Ce qu'il y a de bien, dans ce roman, c'est que nous adoptons le point de vue de Trott. Lichtenberger s'est glissé dans le coeur d'un petit garçon et a adopté toute sa naïveté d'enfant (riche et privilégié, entendons-nous bien !).
Ce que j'ai bien aimé, c'est que le style reste un style d'adulte, et même un style ampoulé, n'oublions pas qu'il a été édité en 1898. Et la différence entre les pensées enfantines et la façon dont elles sont dites crée un abîme bien souvent craquant et plein de tendresse. J'ai souri à de nombreuses reprises et j'ai même eu la larme à l'oeil.

Alors, « Trott », un ouvrage de littérature enfantine ! Non ! C'est la distanciation entre nous, adultes, et l'enfance qui m'a fait fondre.
Toutes les étapes de la première année d'un enfant sont évoquées, et c'est bien amusant de les voir décortiquées sous un autre point de vue que celui de Laurence Pernoud (je parle de la « bible » que je consultais régulièrement). de l'allaitement (par une nourrice !) à la première dent, des gazouillis aux premiers pas, tout nous est donné avec la candeur de Trott, tout en nous montrant que ce n'est pas Trott qui parle, mais un adulte pétri de bonne éducation.

Pris au second degré, ce condensé d'enfance plein de bons sentiments nous livre avec empathie et – fausse – ingénuité la vie d'un mini-adulte qui connait des joies mais aussi bien des peines.
C'est charmant, vraiment , et édifiant pour nous, adultes du 21e siècle ! Je ne vous en dirai pas plus...d'autant plus que je viens d'apprendre que je vais être grand-mère pour la première fois, et que ce monde de l'enfance va à nouveau m'être ouvert. Je me souviendrai alors de Trott...

Dans cette lecture, on trouve en vrac : la bonne anglaise du grand frère Trott, la nourrice de la petite soeur et aussi des tas d'amies aux noms à rallonge de la chère maman de ces deux chérubins "éternellement fatiguée". du beau monde quoi !

L'origine de sa graaande fatigue ne provient pas d'un stress professionnel, puisque nous sommes à la fin du 19ème et que ce roman se déroule dans une famille très aisée.

Après le premier tome narrant le regard enfantin de Trott sur SA vie, voici que "le bon Dieu (a envoyé) la nuit sans faire de bruit et sans que personne (la) voie passer " une petite soeur à Trott.
« M'enfin ? » ! aurait dit Gaston.

Oui, entre Thérèse la cuisinière, Bertrand le jardinier, le père officier de marine, et les autres, la vie de Trott et celle de "Mademoiselle Lucette", sa petite soeur, n'est pas un long fleuve tranquille.

Le regard puéril, candide… de ce jeune de garçon de huit ans pétri de religion et de bonnes manières est sans cesse bousculé par de menues expériences solitaires, et une compréhension des évènements quelque peu décalée par rapport à la réalité des faits. C'est probablement ce qui a fait le succès de ce roman (car oui, il en a eu beaucoup, le nombre de rééditions le prouve).

Certes, le style de l'auteur est impressionnant (les dictées reprenant ce texte ont dû en faire souffrir plus d'un(e)), mais utiliser six pages pour décrire, sous le regard incrédule de Trott, le première cuillère d'aliment solide de sa petite soeur, et parler de " risque de surmenage intellectuel" quand cette dernière regarde un livre d'images trop longtemps, je ne peux décidément pas l'apprécier.

Plus de cent ans nous séparent, Trott et Lucette, et Françoise Dolto (entre autres) est passée par là, ainsi que l'instruction laïque, gratuite et obligatoire.

Ouf !

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