Je rêvai une autre fois d'un larcin magnifique qui ferait de mon père un être en tout point différent de celui que nous imaginions, un mensonge énorme, le bobard qu'avalent certains personnages dans les récits feuilletonesques, films de série B, susceptibles de modifier toute l'action, le déroulement des choses, qu'on n'explique qu'en fin de parcours et qui bouleverse la salle.
Étaient-elles sœurs ces femmes si peu ressemblantes ? Étaient-elles libres au moins et, dans ce cas, faudrait-il obligatoirement séduire puis aimer la paire ? Jerry le craignait tant elles lui paraissaient indissociables malgré leurs différences, comme aimantées, siamoises jusque dans leurs gestes. L'une terminait les bouts de phrases que l'autre avait commencées, elles fumaient la même cigarette qui se promenait de lèvres en lèvres toujours un peu plus mouillée, mélangeaient leurs verres pour ne pas mélanger les vins.
Ma mère m'adorait, elle m'aimait à sa façon qui n'était peut-être pas la bonne, et si elle ne m'apprit jamais aucune autre langue que le français que j'écris et l'italien que je parle, m'éloignant ainsi davantage de Jerry, elle espérait en même temps se protéger, créer pour nous deux une zone infranchissable, délimiter un territoire que l'Américain ne pénétrerait pas.
Écrire ne représentait plus pour moi ni travail ni métier véritables, tout juste une occupation à laquelle je me livrais à mes moments perdus, mesurant très exactement ce qu'elle avait de périlleux et d'absurde parfois.
C'est le Vatican qui organise toute l'opération. Le contrat, c'est le pape lui-même qui est censé le signer. Sans le pape, ce n'est pas sorcier, il n'y a pas de film...
Dès les premières pages, il sait. Il est comme un chasseur qui suit une trace. Concentré, recueilli, il passe deux doigts de la main gauche sur sa lèvre supérieure. C'est un acte précieux, délicat, doux. Il est tout entier là, dans ce rituel.
Il est drôle, irrévérencieux, de mauvaise foi.
Flamboyant au charme fou, un peu voyou, il marque mal.
Il incarne la Maison. Autour de lui, une famille d'auteurs.
Les livres qu'il publie sont comme ses enfants, il les porte, les protège, les défend. Il est l'Éditeur. Et, comme la littérature, il résiste à toute définition.
Il s'appelait Jean-Marc Roberts. Voilà dix ans qu'il a tiré sa révérence. À travers son souvenir, Capucine Ruat, éditrice auprès de lui durant quinze ans, raconte l'édition, cette passion brûlante. Et, sous sa plume subtile, ce créateur inclassable rejoint enfin la tribu des personnages de roman.
https://www.editionsphebus.fr/catalogue/lediteur/
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