J'étais pleine de vide, en dedans. Pareil que de la faim, mais plus haut. Dans le coeur. Comme si ça pleurait, au milieu, sans les larmes.
Je veux pas dormir ou alors je veux bien mais seulement si je reste éveillée.
J'aime pas quand j'ai les mains sales. J'aime pas surtout quand c'est du sale qu'on voit pas. Du sale de microbe, tout petit, qui peut se coller sur mes doigts me rentrer sous la peau me faire mourir je sais pas.
Je suis plein d'autres aussi :
Ces lapins, y-z-ont une maison avec du grillage. Cette petite porte qui s'ouvre, elle a quatre-vingt-treize trous de grillage. Et demi. Ce grand côté qui s'ouvre pas il a trois cent soixante-quinze trous de grillage. Sans demi.
La théorie du chien perché :
Pour me définir, je dirais que j'étais une chiomme.
Manger le jambon avec les doigts, c'est pas trop commode, non plus. Calamine, elle avait le truc. Elle coinçait le jambon entre ses pattes, elle se cramponnait à l'os et puis mâchonnait la couenne. Elle en tirait toujours quelque chose. Quand je passais après elle, c'était baveux, je peux vous le dire !
C'est une très jolie histoire: tout le monde vécurent heureux jusqu'à la fin de ses jours.
[Pasque des fois y a une fin-à-ces-jours?
Ben oui. Quand on tout fini ces jours on n'a plus que des nuits tant pis.
C'est comment quand y a que des nuits?
C'est comme quand y fait nuit.
Mais ça fait quoi?
Ça fait nuit. Tout le temps.]
Comme quand on a fini le Nutella avant le pain et y a plus que du pain. Voilà.
[en italique dans le texte]
citation tiré de la nouvelle " Je suis plein d'autres aussi"
Avant, quand j’étais dans la niche – à cette époque où j’étais chien – ça faisait pas trop de problème, la flotte qui flotte d’un coup. Vu que j’avais un toit fermé dessus et du bon gros ciment dessous. Et puis que j’y vivais pas seul, à l’époque. J’avais de la chaleur à partager, pour ce qui était de me sécher.
La chaleur, ça fait partie des choses importantes. Oui, c’est sûr, ça en fait partie ! Comme le ventre plein et les nuits bien dormies. Par contre, il y avait quand même un par contre. Quand j’étais au fond de ma niche, je voyais ni feuilles ni branches, ni même un poil de cul d’oiseau.
C’est un peu ça qui est difficile avec la vie. La vie en tant qu’existence, je parle.
On peut pas tout avoir et le reste, à la fois.