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Lisant ce texte proliférant, par association d'idées vous vient à l'esprit un autre monument littéraire paru en 1997 chez le même éditeur, dont l'auteur reçut le Nobel en 2014 : « Dora Bruder », de Patrick Modiano. Parce qu'il est semblablement question de proscrits dans Paris. Parce qu'il est semblablement question du père Hugo et de ses « Misérables » à la manoeuvre. Enfin parce que les imaginations et les réflexions s'y déploient également à l'envi
Olivier Rolin possède une intime connaissance du chef-d'oeuvre hugolien. Comme de quantité d'autres grands textes. Quand il évoque les destinées des deux figures au centre de son livre, Emmanuel Barthélémy et Frédéric Cournet, l'on ne peut s'empêcher de penser à une récente publication de Marie Sizun, « Les Petits personnages », (Arléa, 2022), dans laquelle celle-ci, mutatis mutandis, s'intéresse aux « oubliés de la peinture, ces marginaux, ces créatures à peine ébauchées » qui viennent pourtant donner au tableau un surcroît de sens. Il en va très exactement ainsi d'Emmanuel Barthélémy et Frédéric Cournet, rencontrés par Olivier Rolin « dans le premier chapitre du livre premier de la cinquième partie » des « Misérables » lors d'une fugitive digression dans le torrent romanesque. Qui, hormis quelques spécialistes, critiques universitaires ou historiens, s'était auparavant attaché à la présence de ces deux-là, qui existèrent bel et bien, sur les barricades des journées révolutionnaires de juin 1848 ? « Les Misérables » se déroule pendant une autre insurrection, celle de juin…1832. Dans le chapitre plus haut cité, l'on y voit Gavroche tomber sous la mitraille des gardes nationaux. Mais Hugo, en toute liberté, se joue des lieux et des temps. Jusque là cantonnés dans un coin du tableau, les deux hommes se trouvent donc aujourd'hui propulsés, par Olivier Rolin lisant Hugo, en gros plan en son centre. On y découvre le premier sur « la Charybde du faubourg Saint-Antoine » et le second sur « la Scylla du faubourg Du Temple », deux fameuses barricades auxquelles, se référant à « L'Odyssée », il avait prêté des dimensions mythologiques. Les haussant et les grossissant dans des proportions qui devaient beaucoup à sa fièvre épique : elles étaient pour lui, en toute simplicité, « les deux plus mémorables barricades que l'observateur des maladies sociales puisse mentionner. » En écho à cette vision de Victor Hugo, qui en resta cependant là, Olivier Rolin a donc pris le relais et mené une enquête approfondie sur les deux hommes qui les commandaient. Leur découvrant une véritable destinée romanesque, mais voyant aussi en eux des incarnations de deux possibles déviations des mouvements révolutionnaires, la dérive dogmatique et la recherche de l'aventure, sans même parler de l'aventurisme. En 2002, il avait fait paraître « Tigre en papier », en écho à son propre engagement maoïste dans la Gauche Prolétarienne.
« Jusqu'à ce que mort s'ensuive » commence sur les barricades parisiennes de 1848 et s'achève sept ans plus tard, le matin du lundi 22 janvier 1855, sur l'échafaud dressé devant une prison londonienne. Quelques semaines plus tôt, Emmanuel Barthélémy avait été condamné à la peine capitale. Quant à Frédéric Cournet, il était mort depuis 1852, également à Londres, tué en duel par…Emmanuel Barthélémy. Des faits bien réels, liés à leurs convictions politiques, mais pas seulement, dont les potentialités romanesques n'ont évidemment pas échappé à l'auteur. Si celui-ci reconstitue minutieusement les trajectoires des deux hommes, il y ajoute, se mettant lui-même en scène, une foule de digressions, de réflexions et même d'imaginations. L'ancien maoïste s'attache aux étonnantes destinées de ces hommes, qui avaient combattu du même côté des barricades avant de devenir des ennemis mortels. Emmanuel Barthélémy, proche d'Auguste Blanqui, figure du socialisme révolutionnaire. Frédéric Cournet, ancien officier de marine rallié au républicanisme de Ledru-Rollin. Pour Rolin, « le militant et l'aventurier. » Car en eux se dessinaient déjà des fractures qui allaient traverser les décennies et même le siècle à venir. Pas étonnant qu'Olivier Rolin se réfère, parmi de nombreuses autres sources, à Louise Michel ou Karl Marx. Tels Charles Dickens, Balzac, Eugène Sue et même Théophile Gauthier. Sans compter évidemment Hugo, « prodigieux artisan de la langue » présent tout du long. Dans son sillage il restitue formidablement le Paris du milieu du 19ème siècle, qu'il donne à voir en transparence sous le Paris d'aujourd'hui.
Si la dimension encyclopédique du livre est incontestable, son ambition historique ne l'est pas moins. Porté par un puissant souffle romanesque, « Jusqu'à ce que mort s'ensuive » interroge en effet le sens et les limites de l'engagement affronté aux poussées de l'intime. La vraie vie venant déjouer les plus impeccables constructions théoriques. Et les livres, tel celui d'Olivier Rolin, se chargeant de représenter cette complexité. Autrement dit cette richesse.

Lien : https://jclebrun.eu/blog/
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On aime Olivier Rolin, ses pérégrinations dans l'espace et le temps, plutôt alcoolisées (et avec toujours un oeil sur des femmes attirantes et singulières), ses récits désabusés d'ancien révolutionnaire pas vraiment en mie de pain... Mais avec ce livre, qu'est-il allé faire dans cette galère ? Il s'empare d'un épisode minuscule des "Misérables" (mais mon Dieu, pourquoi ?) et en fait tout un plat. On s'enquiquine un peu, il tire un peu à la ligne, on n'a que faire de ses digressions topographiques, bref le vieux lion n'est plus aussi incisif. Allez, le prochain devrait nous ravir !
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Un passage des Misérables de Victor Hugo sur l'insurrection parisienne de 1848 aura suffisamment suscité la curiosité d'Olivier Rolin pour qu'il en fasse un livre entier. A travers le parcours et la destinée de deux figures de ces barricades de 1848, Emmanuel Barthélémy et Frédéric Cournet, Olivier Rolin nous balade à travers Paris et ses époques mais il est aussi question de Londres ou encore de Brest et son bagne.
Un décor intéressant pour nous conter ce 19ème siècle, sujet romanesque inépuisable mais on notera aussi que Olivier Rolin aime les digressions. Il ne s'en cache pas d'ailleurs et se plaît à citer Hugo “Là où le sujet n'est point perdu de vue, il n'y a point de digression”. C'est justement parfois un peu le problème, certaines digressions sont les bienvenues mais d'autres nous font perdre un peu le fil.
Mais je dois avouer qu'après un début de lecture un peu difficile, on prend ensuite du plaisir à lire le parcours de nos deux protagonistes.
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Je suis bien embêtée car ce livre n'a reçu que des louanges de la part des critiques ; certains sont allés jusqu'à le qualifier de "roman virtuose"
Pour ma part, c'est une expérience de lecture plutôt laborieuse. Bien que le récit soit incontestablement intéressant d'un point de vue historique, les aspects narratifs laissent beaucoup à désirer. L'absence totale de dialogues dans le livre crée un vide émotionnel, transformant l'expérience de lecture en un long et monotone monologue.
Le choix de se concentrer exclusivement sur la narration sans interaction entre les personnages limite considérablement la dynamique du récit. Les lecteurs sont confrontés à une succession ininterrompue de digressions, ce qui rend difficile l'identification avec les protagonistes ou même la création d'une connexion émotionnelle avec l'histoire. le manque de moments de tension dramatique ou de développement des personnages laisse le lecteur indifférent, voire détaché de l'intrigue.
Bien que la recherche historique soit indéniablement approfondie et documentée, elle ne parvient pas à compenser l'absence de facteurs narratifs essentiels. Les informations historiques sont intéressantes, mais cela devient fastidieux et répétitif. La surabondance de détails peut donner l'impression que l'auteur privilégie la recherche au détriment de l'art de raconter une histoire.
En fin de compte, "Jusqu'à ce que mort s'ensuive" pourrait être considéré comme une lecture aride et dénuée de vie, malgré son potentiel narratif. Les lecteurs en quête d'une expérience immersive, avec des dialogues engageants et une progression narrative palpitante, pourraient trouver ce livre décevant. La recherche historique substantielle ne parvient pas à combler le vide laissé par l'absence de dynamisme narratif, ce qui m'a laissé avec une impression d'inachèvement et de frustration.
Lien : https://jelisquoi.blogspot.c..
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Les écrivains s'inspirent parfois de leurs glorieux aînés. Lorsqu'ils prennent la plume à leur tour, ils en sont nourris, pétris. Il n'est qu'à choisir n'importe lequel des livres d'Olivier Rolin pour s'en convaincre, dont les textes sont habités de références et d'images littéraires. Cette fois, il s'agit plus que d'une réminiscence. C'est la lecture - ou la relecture - de pages parmi les plus prestigieuses de notre patrimoine qui a présidé à l'écriture de son nouveau roman. Chapitre premier du livre I de la cinquième partie des Misérables : nous sommes en juin 1848, Paris s'embrase une nouvelle fois et Hugo évoque deux figures de ce mouvement insurrectionnel, Emmanuel Barthélémy et Frédéric Cournet, respectivement aux avant-postes des deux principales barricades qui ont été érigées. le passage est bref, mais Hugo précise que le premier tuera le second en duel, à Londres, lorsqu'ils s'y retrouveront tous deux proscrits.

Olivier Rolin a eu envie de connaître l'histoire qui se cache derrière ces quelques lignes. Car, contrairement à Valjean ou à Cosette, ces personnages ne sont pas nés de la fertile imagination de notre grand écrivain national. Ils ont bel et bien existé et recelaient de toute évidence une matière romanesque qui restait à mettre au jour. Ce que Rolin a réalisé avec maestria (évidemment), et surtout sa manière inimitable.

Ne cherchez pas, donc, de récit linéaire. Rolin déambule entre les lieux - Paris et Londres -, les époques - la décennie 1830, juin 1848, les années 1850 et nos jours -, les événements historiques - les différents épisodes révolutionnaires du XIXe siècle, le coup d'Etat du 2 décembre 1851, mais aussi Mai 68 -, et, bien sûr, les réminiscences littéraires - sans même parler de Hugo, omniprésent, Balzac, Sue, Dickens et même Vallès !

Si vous connaissez Rolin - comment imaginer le contraire ! - vous savez qu'il procède par échos. Il emprunte parfois des chemins de traverse, mais ne se perd jamais et revient toujours à son affaire. Il se remémore des anecdotes personnelles, qui viennent donner chair à ce qu'il décrit. Il est un passeur entre passé et présent, entre une réalité qui peut apparaître triviale, voire sordide ou cruelle, ou simplement banale, et la manière dont celle-ci a pu être sublimée par un écrivain qui y apposé ses propres mots. C'est précisément sa perception personnelle et sensible qui donne cohérence à son récit, tout comme son humour teinté d'autodérision l'empêche de sombrer dans la pédanterie, tandis que la richesse de la langue qu'il déploie lui apporte beauté et poésie.

Ce texte est pour moi un cadeau : que l'auteur contemporain que j'admire le plus ait pu écrire sur le siècle qui m'a longtemps passionnée, dans sa dimension tant littéraire qu'historique, je n'aurais osé en rêver. Pour cela il a pour moi une saveur et une dimension particulières et vient directement se hisser aux côtés de L'Invention du monde (est-il besoin que je vous rappelle que ce roman est un chef-d'oeuvre ?). Trente ans après, Olivier Rolin reste au sommet de son art.


Lien : https://delphine-olympe.blog..
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Angleterre, 1852. Emmanuel Barthélémy tue en duel Frédéric Cournet. Qui sont ces hommes ? Pour les lecteurs des « Misérables » de V. Hugo, ce ne sont pas des inconnus : ils ont vraiment existé et sont cités dans le roman. Comment ces deux combattants, luttant alors sur les barricades pour la Liberté ont-ils pu s'entretuer dans la vraie vie ? L'auteur, O. Rolin, a mené l'enquête …

Même si vos souvenirs des « Misérables » sont lointains, vous ne serez pas perdus à la lecture de ce récit. S'appuyant sur le roman et dressant une peinture historico-sociale intéressante, l'auteur retrace la destinée de ces hommes au destin tragique -et mystérieux car il reste des points non élucidés et l'auteur ne peut parfois proposer que des hypothèses.
Lecture agréable pour la peinture historique et les références littéraires, mais qui m'a laissée un peu sur ma faim , car la vie de ces deux personnes / personnages ne m'ont pas vraiment intéressée.
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Ce livre peut se lire comme un essai historique traitant de la petite et la grande histoire de la première moitié du XIXe siècle. En effet, partant d'un fait réel rapporté très brièvement par Victor Hugo dans les Misérables, le duel à mort entre deux hommes, l'auteur va donner du corps à cet simple événement en suivant l'histoire personnelle des deux protagonistes, révolutionnaires au sang très chaud, petite histoire qui lui permet de parler de la grande Histoire du XIXe car ils ont tous deux participé aux mouvements sociaux qui l'ont agité, révolution / révoltes / barricades de 1848, 1852… (et même références à celle de 1830) qui leur ont valu des condamnations et finalement l'exil à Londres où se déroulera le drame prétexte au récit.
Ce livre est basé sur un gros travail de recherche, sur une connaissance remarquable des événements et du visage de Paris (et de Londres) au XIXe où l'auteur nous promène dans une sorte de longue visite guidée, riche en portraits humains, en référence littéraires, en anecdotes vivantes, en digressions diverses aussi, pour nous faire mieux connaître ses deux héros et comprendre leur trajectoire jusqu'aux drames. Et quand l'auteur n'a pas de faits certains car les sources manquent ou se contredisent, il propose des hypothèses, plus littéraires,... romanesques et moins scientifiques. Pourquoi pas !
Même si on n'est pas fan de ce type d'ouvrage, l'ensemble se lit néanmoins avec plaisir, malgré les bifurcations imprévues dans la narrations, les détails et les références qui s'accumulent et qui peuvent parfois devenir envahissants au risque de lasser et de nous perdre un peu. A vous de vous faire votre opinion !
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