Je découvre Densité, une micro-structure éditoriale fondée en 2011 dans son approche artisanale de l'édition sur papier avec 22 titres à son catalogue, le dernier
Slint Spiderland de
Sylvain Rollet que je viens de recevoir par cette dernière masse critique Babelio. La collection discobole, Discogonie est formée par la contraction de discographie et de cosmogonie, en première de couverture le vinyle noir est cette star sublime ou le sillon creuse sa destinée musicale, chaque ouvrage présente un album, chaque chapitre un morceau, la musique rock à sa littérature, chacun trouvera le plaisir de découvrir sa musique sous un nouvel angle, pour un plaisir double, le format du livre est compact, agréable, le grain des pages doux se laisse écouter avec la mélodie des mots, vous trouverez Les Rita Mitsouko présentent The No Comprendo, Serge Gainsbourg Histoire de
Melody Nelson,
The Stranglers Black and White d'
Anthony Boile,
Radiohead OK Computer de
Michel Delville et d'autres pour les puristes selon les gouts.
Je ne connais pas du tout ce groupe et encore moins l'album, ni sa pochette, qui pour beaucoup s'avère être mythique, j'essaie de me souvenir de mes 20 ans, de la musique, de cette vie de jeune adulte étudiant, bercé par Pink Floyd, La
Mano Négra, Renaud,
Bob Marley, Marillon et d'autres, une jeunesse assez pop rock, du reggae, de l'alternatif français et l'émotion du moment qui frisonne l'instant, comme Jamiroquai, Radiohead, Björk, Rage Against the Machine, Pixies et aussi
David Bowie, Cérone, Police,
Sade, une pluralité musicale me représentant, celle-ci se diversifie au fil de ma vie, même adulte, la musique m'accompagne, évitant la modernité inaudible, me voilà prisonnier du passé par ce livre, j'écoute Slint pour la première fois, Spiderland me crache à la figure comme une lame qui me coupe la peau, le sang coule au son amer de la guitare, l'écho de la voix acide et lointaine, ce rythme strident me perturbe, ce son dissonant enveloppe l'atmosphère de la pièce, le livre à la main, l'album continue, les morceaux s'enchainent, un mal-être musical empoisonne la douceur mélodique habituelle qu'affectionnent mes humeurs, je ne suis pas du tout conquis par cette musique abrupte, je me détache peu à peu de l'album, je laisse mes yeux suivre les notes noires du livre ou s'installe une mélodie littéraire plus ample et tout aussi complexe dans cette explication musicale en profondeur, tout est disséqué, déstructuré, expliqué, analysé, l'album est mis à nu, on le découvre de l'intérieur, la partition apparait, les notes, les mots, les références font place, la musique disparait, un concert littéraire surgit de nulle part, je suis dans l'obligation de réécouter cet album pour habituer mes oreilles à cette structure infectieuse. Puis miracle Washer, ce long morceau de plus de huit minutes s'harmonise à la métrique de mon corps, je suis en immersion totale, une vague m'emporte dans les profondeurs de la voix sous les gifles de la guitare, le roulis de la batterie, le silence, la guitare, temporalité enivrante, Sylvain livre son intimité au livre, le live à la cartonnerie de Reims, sa rencontre avec la cassette de l'album, l'explication musicale qu'il orchestre à la plume, noire et blanche d'une littérature visuelle à lecture mélodique qui s'échappe des pages, Slint marque de son empreinte l'auteur pour éclabousser les lecteurs de cette musique rock alternative indépendante de Louisville. Une apostrophe pour décrire la pochette de l'album, au centre du livre, une virgule obscure, comme la boite noire d'un avion, c'est celle de la pochette au livret, tous les détails sont minutieusement décrits et commentés, Sylvain n'oublie rien, l'album coule le sillon vers le saphir de la platine, pour écrire un livre compact et extrêmement détaillé sur chaque morceau de l'album, une immersion totale qu'il faut accompagner par l'écoute de
Slint Spiderland, d'ailleurs le titre Good morning, captain accompagne une scène du film Kids de 1995, une nouvelle vie pour ce morceau !