AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet

Jean-Pierre Cometti (Traducteur)
EAN : 9782130459651
256 pages
Presses Universitaires de France (01/03/1994)
3/5   1 notes
Résumé :
Le pragmatisme que nous propose Rorty ne concerne pas seulement une nouvelle vision de la vérité et du réel mais s'adresse aussi aux besoins et à la culture de nos sociétés démocratiques. Il articule une conception de l'éthique à partir de la solidarité.
Que lire après Objectivisme, relativisme et véritéVoir plus
Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
Voici quelques traits qui me paraissent essentiels pour caractériser l'attitude de Rorty. En effet, ce qui reste finalement de cette lecture, c'est, assez logiquement, l'image d'une attitude générale plutôt que le souvenir de thèses qui seraient vraies ou fausses, voire utiles ou non.
La préférence pour la cohérence plutôt que la correspondance

Le cohérentisme de Rorty est bien caractérisé dans le passage suivant, où la notion de vérité est réduite à une valeur de redondance « intra-théorique » :

« The trouble is that for a strong anti-realist [e.g., a pragmatist] truth makes no sense except as an intra-theoretic notion. The anti-realist can use truth intra-theoretically in the sense of a "redundancy theory" [i.e., a theory according to which "S is true" means exactly, only, what "S" means) but he does not have the notion of truth and reference available extra-theoretically. But extension [reference] is tied to the notion of truth. The extension of a term is just what the term is true of. Rather than try to retain the notion of truth via an awkward operationalism, the anti-realist should reject the notion of extension as he does the notion of truth (in any extra-theoretic sense). Like Dewey, he can fall back on a notion of 'warranted assertibility' instead of truth . . . »

Toute la question est de savoir comment on définit l'utilité ou l'assertabilité d'une proposition. le seul aspect « extra-théorique » que Rorty donne à la référence externe est sociologique, « le sens du mot dans une communauté donnée ». Ainsi le cohérentisme est un enfermement de la communauté d'appartenance sur soi. La cohérence est en fait une forme abstraite et idéalisée du consensus social.
La situation socio-historique de bourgeois et libéral

Rorty sait que sa position pourrait être taxée d'ethnocentrisme, au regard d'autres traditions philosophiques. Il fait remarquer, à juste titre, que toute « position » est par définition située historiquement et socialement et fait donc de l'ethnocentrisme une sorte de forme a priori de toute pensée. Par retournement, l'ethnocentrisme, loin d'être un vice rédhibitoire, devient un gage d'authenticité et est revendiqué par Rorty. La différence qu'il affiche entre son attitude et celle d'autres penseurs, c'est que ces derniers tentent de dissimuler leur ethnocentrisme sous un universalisme factice, alors que lui revendique haut et clair son historicité et son ethnocentrisme.



Et de caractériser cette historicité comme bourgeoise et libérale. La filiation intellectuelle avec Jefferson et Dewey confortent en effet cette situation. La filiation avec Hegel me semble toutefois finalement plus essentielle à la doctrine rortyenne, et j'y vois une composante universitaire et bureaucratique d'une autre nature que la bourgeoisie libérale.
L'antiplatonisme

Qui a dit que toute la philosophie occidentale était comme une note en bas de page de l'oeuvre de Platon ? Rorty se situe en tout cas comme une note vindicative. Platon est selon lui le fondateur de l'absolutisme et du réalisme et le prototype de l' « enchantement » du monde. Rorty accepte la confusion platonicienne entre les jugements de faits et les jugements de valeur. Son opposition au platonisme se situe bien sûr dans le contexte de la polémique américaine conduite par Leo Strauss qui, combattant le relativisme et le nihilisme qui selon lui l'accompagne nécessairement, se réfère à Platon pour invoquer une vérité certaine et transcendante et des valeurs naturelles. Vérité et valeur morale sont immédiatement associées aussi bien pour Rorty que pour Strauss. Et c'est cette association qui fait repousser Platon par l'un ou l'invoquer par l'autre. La confusion platonicienne entre vérité factuelle et valeur morale est une thèse commune à nos deux adversaires.



Mais Rorty refuse l'origine et le statut transcendant de la vérité et de la valeur et les réduit en termes de croyances et de désirs, alors que Strauss veut réenchanter le monde et y restaurer la transcendance. Ce dernier veut croire au monde extérieur à la caverne et où le soleil divin brille et éclaire le Vrai. Rorty ne croit que dans les ombres et les reflets d'ici-bas, sans que ces ombres ou ces reflets soient les représentations de quoi que ce soit d'autre que de nos propres désirs et croyances.



Au total, l'antiplatonisme dont Rorty se veut le dépositaire exclusif reprend l'essentiel de la problématique léguée par Platon, à savoir celle d'un sujet prisonnier de ses croyances. Platon veut le libérer en l'élevant au monde des Idées. Rorty le déclare libre dans son monde bourgeois post-moderne.
Le terme de « position »

Il est caractérisitique de l'attitude pragmatiste définie par Rorty qu'elle oppose des positions et non des hypothèses. La position, telle qu'elle est utilisée ici, est un ensemble de croyances pris comme un tout, formant doctrine et caractérisant la cohérence raisonnable d'une comunauté. Elle utilise des arguments pour combattre les positions adverses mais non des faits pour tenter de montrer la fausseté ou la vérité des différentes thèses qu'elles comportent. Ces notions n'ont aucune valeur. La valeur d'une position ne lui vient que du fait même d'être posée et de l'être avec cohérence par rapport à la communauté d'appartenance de son locuteur. On retrouve cette même démarche chez Georges Sorel et Mussolini.
La volonté d'être « radical »

Rorty ne se limite pas à caractériser sa position de façon socio-historique comme libérale et bourgeoise, il ajoute le qualificatif de « post-moderne ». L'antiplatonisme ne serait pas complet s'il acceptait la résurgence de la Vérité et du Bien sous des formes laïcisées comme le Prolétariat, l'Esprit absolu ou le Moi nouménal. Rorty veut être hégélien, mais pas jusqu'à accepter que l'histoire s'accomplisse. D'une façon semblable, il veut être pragmatiste, mais « sans la méthode », et physicaliste, mais « sans réductionnisme ». Ces restrictions aux doctrines auxquelles il adhère par ailleurs ne sont pas chez Rorty le résultat d'une démarche analytique qui ne lui ferait retenir que les thèses éprouvées ou vérifiées d'un enseignement passé au crible de la critique. Elles sont plutôt le résultat d'une démarche
Commenter  J’apprécie          50


Dans la catégorie : Etats-Unis et CanadaVoir plus
>Philosophie et disciplines connexes>Philosophie occidentale moderne>Etats-Unis et Canada (12)
autres livres classés : relativismeVoir plus
Les plus populaires : Non-fiction Voir plus


Lecteurs (12) Voir plus



Quiz Voir plus

Philo pour tous

Jostein Gaarder fut au hit-parade des écrits philosophiques rendus accessibles au plus grand nombre avec un livre paru en 1995. Lequel?

Les Mystères de la patience
Le Monde de Sophie
Maya
Vita brevis

10 questions
440 lecteurs ont répondu
Thèmes : spiritualité , philosophieCréer un quiz sur ce livre

{* *}