AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
4,08

sur 140 notes
5
10 avis
4
12 avis
3
4 avis
2
0 avis
1
0 avis

Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Un livre sensoriel servi par une plume magistrale. Une plume que je crois n'avoir jamais trouvée dans un livre jusqu'à présent, qui laisse des traces, des stries rouges vif, coup de fouet ou poudre de piment, lancés à nos yeux ébaubis. Les trouvailles stylistiques étonnantes m'ont incitée à les lire deux fois, ces nouvelles de Juan Rulfo, désireuse de m'immerger dans cette région du Llano, dans ses bruits, ses odeurs, ses couleurs.

Imaginez un endroit immense, une vaste plaine désertique, aride, où l'ombre des nuages est à la fois source d'espoir et source d'étonnement, où l'air est si chaud que les champs de canne dégagent des effluves douceâtre de miel, où la moindre goutte d'eau tombée miraculeusement du ciel fait un trou dans la terre y laissant une trace, « tel un crachat », goutte avalée aussitôt par cette terre poussiéreuse, dure, délavée, crevassée, infertile…un cuir de vache racorni par les morsures du soleil. Et le vent, incessant, balaie cette région toute minérale, sans lapin, sans oiseaux, où seuls les aboiements des chiens se font attendre au loin, et où quelques arbres rabougris peinent à cacher parfois l'innommable résultant des guérillas que se livrent certaines bandes.

« Il nous arrivait trop souvent de voir l'un des nôtres pendu par les pieds à un poteau au bord d'un chemin. Ils restaient là à se faire vieux et à se ratatiner comme des peaux tannées. Les vautours leur dévoraient le ventre, leur arrachaient les tripes et ne laissaient que la peau. On les pendait très haut et ils se balançaient comme des cloches au souffle du vent, des jours et des jours, parfois des mois, parfois réduits à des lambeaux de pantalon claquant au vent que l'on aurait étendus là ».

La nature semble au mieux indifférente à toutes les drames humains, majestueuse et immuable dans sa beauté, au pire elle accentue la petitesse et l'insignifiance humaine, « l'absurdité irréductible de l'histoire humaine » comme le souligne en préface J.M le Clézio, par sa force, sa rudesse, son austérité, métamorphosant les tracas en tragédies, la plaine en lieu de perdition, les hommes en vermine, illusions et espoirs immédiatement grillés et réduits en cendre.

« Nous n'étions qu'un noeud de chenilles grouillant sous le soleil, qui se tordaient dans la chape de poussière qui nous parquait tous sur le même chemin et nous menait comme du bétail. Nos regard suivaient les nuages de poussière, s'y arrêtaient comme s'ils buttaient sur un obstacle infranchissable. le ciel toujours plombé, au-dessus de nous, était une sorte de tâche grise et lourde qui nous écrasait. C'était seulement quand nous traversions une rivière à gué que la poussière était plus haute et plus claire. Nous trempions nos têtes échauffées et noircies dans l'eau verte, et pendant un moment, une fumée bleue sortait de nous tous comme la vapeur s'échappe de la bouche quand il fait froid. Mais on ne tardait guère à disparaitre encore une fois dans la poussière en se protégeant les uns les autres du soleil, de cette ardeur du soleil dont chacun avait sa part ».

17 nouvelles comme autant de braises incandescentes, se déroulant dans l'État du Jalisco, région rurale du centre-ouest du Mexique, au début du 20ème Siècle, dans lesquelles nous croisons des gens simples, de pauvres hères ; des paysans de terres fertiles expropriés par de gros propriétaires tentant de vivre désormais en se déplaçant sur leurs nouvelles terres, celle du Llano, stériles, dans une fournaise les laissant hagards, au bord de la folie ; des croyants gardant espoir en priant, en honorant les Saints ; des hommes et des femmes trompant les leurs tout en cherchant désespérément la rédemption ; des sanguinaires se battant pour des causes perdues d'avance au sein de commandos sanglants ; des simples d'esprit croupissant dans des chambres crasseuses infestées de cafards.
Chaque nouvelle est un petit monde à elle seule, sans lien avec la suivante et pourtant le passage d'une nouvelle à l'autre se fait avec bonheur, oui l'ensemble est harmonieux et offre autant de facette de vies possibles trouvés dans cette région, autant d'exemples de destins sertis du sceau de ce lieu si brûlant qu'il ressemble certainement à l'enfer. Comme si le Llano vouait sa population à la misère, aux maladies, à la fatalité, à la violence, à l'esprit de vengeance, à la loi du plus fort et à celle du Talion…à la damnation.

L'écriture est vraiment éblouissante, une écriture qui claque, magnifique et étonnante, sensorielle et métaphorique, qui donne à voir des paysages couleur sépia, à ressentir les ondulations de chaleur, à toucher le cuir de ces peaux ridées et tourmentées, si semblables à la terre sur lesquels ces pauvres gens tentent de vivre…Je ne sais hélas pas parler espagnol, j'imagine que ce texte est encore plus beau dans sa langue d'origine mais malgré tout, je voudrais souligner la remarquable traduction de Gabriel Iaculli.
Chose intéressante, nous avons pu comparer deux traductions différentes d'un même passage avec @Elea, possédant de son côté le recueil traduit par Michèle Lévi-Provençal, je vous laisse découvrir ce beau passage dans ses deux traductions et apprécier ces deux versions qui montrent à quel point le travail de la traductrice ou du traducteur est important :

Traduction de Gabriel Iaculli : « On ne dit pas ce qu'on pense. Ça fait longtemps qu'elle nous a quittés, l'envie de parler. Elle nous a quittés avec la chaleur. On parlerait bien volontiers, ailleurs, mais ici, c'est trop fatiguant. Ici, on parle et avec cette chaleur qu'il fait dehors, les mots grillent dans la bouche, ils se racornissent, là, sur la langue, et finissent par vous étouffer ».

Traduction de Michèle Lévi-Provençal : « Mais nous nous taisons. Il y a longtemps que nous n'avons plus envie de parler. La chaleur nous en a ôté le goût. Ailleurs, on aimerait parler mais ici, c'est trop dur. Ici, quand on parle, les mots cuisent dans la bouche sous l'effet de la chaleur et se dessèchent sur votre langue, à vous en couper le souffle. ici, c'est ainsi, alors personne ne parle ».

Un classique des lettres mexicaines et surtout un auteur, Juan Rulfo, à découvrir absolument. Un grand merci à @JeffreyLeePierre, à @Mermed et à @Elea de m'avoir donné envie de lire ce livre sublime avec leurs belles et convaincantes critiques. Cette lecture fut un véritable coup de coeur et me donne envie de découvrir enfin la littérature mexicaine, et de façon plus générale, la littérature sud-américaine, que je connais si mal, si peu.
Commenter  J’apprécie          100115
Lu en v. o. El llano en llamas.

El llano. La plaine.
Quelle plaine! Une lande desertique ou les plantes ont du mal a s'implanter. Des pierres, de la poussiere et peu d'eau. Une contree sterile ou proliferent la misere, les abus, la violence, les assassinats. Des terres et leurs habitants abandonnes a leur sort, ou tous les moyens sont bons pour survivre, chacun pour soi et tous contre tous. Terres de pauvreté extreme, de solitude existencielle, de defiance generalisee, de non-dits, de silences que seuls le vent, les cloches d'eglise et les deflagrations de fusils brisent.
Des terres souvent en flammes. Des terres qu'allument des conflits plus larges qu'elles, conflits de partis nationaux, conflits de gouvernement et d'eglise. Terres grises qui se tournent rouges de feu, rouges de sang, terres de pauvres heres habitues a lutter pour des causes perdues. Terres ou ils se soulevent au cri de “Viva Cristo Rey!”, et se font massacrer par l'armee federale. Terres que l'auteur, Juan Nepomuceno Carlos Pérez Rulfo Vizcaíno, connait bien, les terres ou il est ne, les terres ou son pere a ete assassine parce qu'il n'avait pas permis a un berger de faire paitre un troupeau sur ses parcelles. Il fera de cet assassinat la trame d'une de ses nouvelles, “En la madrugada” (A l'aube), ou il etale son plein de miséricorde envers l'assassin.

Ce recueil de nouvelles, ou de recits pris sur le vif, ou de contes, est empreint de fatalisme. Des contes secs, unis thematiquement: l'impossibilite humaine d'echapper a un destin fixé d'avance, la conscience de la faute, l'absence de pardon, ou plutot la vengeance comme ultime justice. Des etres sans illusions, toujours en tension entre espoir et desespoir, qui acceptent en fin de compte ce qu'il leur est alloue de vivre sans plainte aucune. La faim qui leur est allouee. Ou celui ou ceux qu'il leur est alloue de tuer. Ou la mort qui leur est allouee.

Des contes unis aussi par le traitement qu'en fait l'auteur du temps et de l'espace. Il n'y a en aucun d'eux de réelle progression temporelle. le temps est circulaire. Les protagonistes agissent peu, et surtout racontent, se rappellent. C'est peut-etre l'expression du manque d'expectatives, ou ils ne differencient pas le passe du present, ou il n'y a aucune allusion au futur, parce qu'ils ne peuvent envisager un quelconque changement. Des somnambules dans le temps.

L'espace est lui aussi diffus, d'une description reiterative, malgre la profusion de noms de lieux, Zapotlan, Talpa, Luvina, Tonaya, et meme des designations populaires comme “la cuesta de las comadres”, la cote des commeres, malgre l'evocation de plantes caracteristiques de la region, quelite, amole, guaje, parce que peu importe ou se trouvent les protagonistes, tout se ressemble, tout est toujours pierre, poussiere, desolation. le cadre geographique naturel est toujours le symbole qui psalmodie la grisaille ou l'atrocite des destins humains qui s'y promenent.

J'ai lu ce livre en v. o. et je m'imagine le defi que cela a du etre pour tout traducteur. Il charrie des mots et des expressions qui n'ont cours qu'au Mexique, ou qui sait, peut-etre seulement dans la region de Jalisco. Quand ils parlent, les protagonistes ont des constructions de phrases etonnantes pour le moins, juteuses, representant surement le parler familier des campagnards de la region. Et dures. Des phrases dures comme des pierres. Mais des qu'il y a narration le style de Rulfo se veut moins sec, moins dur. Il reste quand meme cru, rigoureux, comme s'iI etait superflu d'ajouter des effets speciaux a ce qui est raconte; quand il y a un narrateur, son ton est monocorde, comme un murmure qui viendrait de loin, une poesie repetitive, recitative, comme un choeur de tragedie grecque, pour rehausser les dires des personnages, pour mieux retracer la cruaute de l'existence, une poesie qui fait fremir le lecteur. Un style et une poesie tres lointains du baroque populaire de Garcia Marquez ou du baroque cultive de Carpentier.
Je fais expres de rappeler ces deux auteurs, deux piliers du courant litteraire dont on fait de Rulfo un des peres, le realisme magique latino-americain. Un meme courant mais des styles differents. Et de toutes facons, je ne suis pas sur qu'il faille rattacher ce livre a ce courant. Ce sera plutot son deuxieme livre, Pedro Paramo, qui en sera un des premiers jets. Et si je laisse de cote tout catalogage de courant, les deux livres ont en commun l'essai d'elever en tragedie, en mythe presque, l'aspiration populaire a une repartition de terres, aspiration trahie qui provoque des soulevement populaires vaincus d'avance, soulevements sanglants trahis eux aussi en fin de compte. Une tragedie annoncee par le premier recit de ce recueil, “Nos han dado la tierra” (On nous a donne la terre), quand tout le monde sait que c'est une grande tromperie, et dont le denouement est la nouvelle eponyme, “El Llano en llamas”: “Desde aquí veíamos arder día y noche las cuadrillas y los ranchos y a veces algunos pueblos más grandes, como Tuzamilpa y Zapotitlán, que iluminaban la noche. [...] Era bonito ver aquello”. (D'ici nous voyions bruler jour et nuit les clos et les ranchs et des fois quelques villages plus grands, comme Tuzamilpa et Zapotitlan, qui illuminaient la nuit. [...] C'etait beau de voir cela).

C'est la tragedie d'une terre, d'un pays. Poignante et belle. D'autres nouvelles du recueil developperont des tragedies personnelles. Pas moins poignantes et pas moins belles. le tout donne un grand classique mexicain. Un grand classique tout court. A ouvrir avec un verre de mezcal a portee de main. le llano en flammes. A lire pour recracher son mezcal. le gosier en feu. L'estomac remue.
Commenter  J’apprécie          7311
Juan Rulfo, que j'ai découvert grâce à Babelio, est un météore des lettres mexicaines. Quelques nouvelles qui composent ce recueil, un court roman, tout ça en quelques années au milieu du vingtième siècle, et puis s'en va. Ou plutôt, s'en retourne à sa vie. Mais le peu qu'il a laissé suffit à lui assurer une belle postérité, y compris via Gabriel Garcia Marquez qui assurait que sa lecture avait relancé son inspiration au point d'écrire Cent ans de solitude.

Les dix-sept nouvelles sont des histoires d'hommes et de femmes réduits à l'os par la misère crasse qui sévit dans le Jalisco, une région rurale du centre-ouest du Mexique.
Sans être précisément datées, ces histoires se déroulent dans les années 1920, voire un peu plus tard. Sourde ou explicite, la violence est une constante. Elle ajoute sa brutalité aux dures conditions de vie pour ces paysans qui ont récemment bénéficié de la redistribution des terres dans des contrées très moyennement à pas du tout fertiles.

Tout cela est écrit avec une sécheresse qui fait écho à celle de ces régions désolées. La narration est parfois chorale, mêlant les pensées de quelques personnages, style que l'auteur développera ensuite dans son roman. Mais là, il n'y a guère plus de graisse dans son style que dans les métabolismes de ses personnages.

C'est bref, dur et admirable. Fortement recommandé.
Commenter  J’apprécie          5538
Quel recueil de nouvelles merveilleux ! Cela fait plus de dix ans que j'ai envie de lire ce livre, dont j'avais entendu parler lors de ma première visite au Mexique. Je ne sais pourquoi je ne l'ai pas lu avant, mais je ne regrette pas d'avoir attendu de mieux connaître ce pays avant de me plonger dans ces dix-sept nouvelles, car j'ai alors pu les savourer, et y retrouver toute la mélodie âpre des grandes étendues désertiques de ce pays mystérieux. Ces zones moins connues bien qu'elles représentent la plus grande part du territoire, occultées derrière les images plus habituelles des civilisations des zones plus tropicales.
Chaque nouvelle est un mélange à des degrés divers de fatalité, de douceur, d'inexorable, de dureté et de poésie. Ma note de lecture ne saurait rendre compte de la beauté de ces textes qui sont, sans emphase, comme des diamants dans leur gangue.
Pour ceux qui lisent l'espagnol, le texte est encore plus beau dans la langue originale, il a toutes les saveurs du parler local, avec des « mexicanismes » qui n'ont pu être retranscrits dans la traduction française, que je trouve moins fluide que l'original et ne retranscrivant pas toute la poésie simple de la langue de Juan Rulfo.
Malgré le tout petit nombre de textes de Juan Rulfo, il est considéré comme un grand nom de la littérature mexicaine. Je ne découvre avec ce recueil, qui est aussi sa première publication, et je suis moi aussi sous le charme. C'était un autre temps, celui du brigandage et des révolutions, de la vie dure et sans autre loi que celle du plus fort et du plus ambitieux, mais si les histoires sont celles d'un hier qui a connu bien des mutations, c'est toujours une image de ce qu'était le Mexique, et de ce qu'il est.
Commenter  J’apprécie          245
Ce recueil de dix-sept nouvelles écrites par Juan Rulfo (1918-1986), un auteur majeur de la littérature mexicaine contemporaine, permet de vivre au quotidien avec les habitants de cette campagne mexicaine où la pauvreté est extrême.

Ainsi, dans La Cuesta de la Comadres, je découvre que la mort d'une vache peut amener une fille à se prostituer. La nouvelle suivante, "C'est qu'on est très pauvre", montre bien la simplicité, la rusticité de la vie sur ce Llano, une région située à l'est de la capitale, Mexico. Dans "Talpa", c'est la mort qui rôde encore. Puis, "Maccario" est un récit à la limite de la folie, ne laissant pas le temps de respirer mais délicieux comme le lait de Felipa…
Enfin, il ne faut pas passer à côté du "Llano en flammes", la nouvelle qui a donné le titre à ce recueil. Ici, le style est un peu monotone, au début. Il faut du temps pour s'en imprégner mais, plus je lis, plus j'apprécie.
Nous sommes en 1925, pendant la révolte des Cristeros, cette terrible guerre qui opposa la population rurale insurgée contre l'État décidé à contrôler la religion et à fermer des églises. Juan Rulfo n'a pas son pareil pour décrire au plus juste les atermoiements et les doutes qui assaillent sans cesse l'être humain. Il fait souvent dialoguer les gens, rendant ainsi le récit toujours plus vivant même si…la mort rôde partout.
Commenter  J’apprécie          201
LE LLANO EN FLAMMES de JUAN RULFO
Une quinzaine de courtes nouvelles dans ce livre qui décrivent un Mexique de plaines et de montagnes, de paysans pauvres et incultes, qui survivent péniblement. Ce sont des histoires très personnelles ou bien recueillies directement à la source par l'auteur, ce sont des moments tragiques, violents ou même humoristiques, issus de la vie journalière. On est dans un Mexique toujours entre deux révolutions, où la répartition des terres est cause de violences, le LLANO étant justement cette terre aride et peu cultivable attribuée aux paysans lors de la redistribution. RULFO dans un langage à la fois simple et poétique sait rendre la dure réalité de la vie de ces hommes des années 20/30.
C'est l'unique recueil de nouvelles de RULFO. Magnifique évocation.
Commenter  J’apprécie          102
Ce livre est une des oeuvres majeures de la littérature mexicaine et a été un coup de coeur pour moi en 2009 (Salon du livre sur le Mexique).

C'est un recueil de nouvelles qui se déroulent pendant la "guerre des cristeros" dans les années 1920. le partage des terres au profit des paysans a commencé à se faire après la Révolution mexicaine mais la mauvaise répartition de celles-ci ajoutée à la mainmise de l'Etat sur la religion, donne lieu à une rébellion violente qui fera plusieurs milliers de morts. Rulfo avait six ans quand son père et son grand-père ont été tués et son enfance s'est déroulée pendant ces événements violents.

Ces nouvelles sont un hommage de Rulfo aux paysans, villageois, bergers, qui ont été les principales victimes de cette guerre. le thème principal est la terre . On comprend que cette terre qui leur a été attribuée, le LLano, est immense mais aride et incultivable et ils essaient désespérément d'en extraire quelque chose. Certains se résignent mais d'autres ne supportent pas de voir leur famille mourir de faim et dans plusieurs nouvelles c'est la vengeance qui est l'héroïne principale. Les grands propriétaires d'hacienda, le gouvernement, à qui faut-il s'en prendre ? Et quand on retrouve son père et son oncle pendus, que peut-on faire sinon se venger ? Les destins individuels se mêlent à l'histoire collective et on voit aussi bien la douleur d'une femme, le malheur d'un ami, que la révolte de tout un village qui, poursuivi par les soldats, met le feu à toutes les grandes propriétés du Llano.

La préface de le Clezio met en valeur cette oeuvre inclassable et rappelle la dureté et la cruauté de cette guerre qui a obligé ceux qui n'ont presque rien à se battre pour défendre ce presque rien face à des puissants aveugles. Ces textes très courts (quelques pages chacun) au style incisif sont suffisamment forts pour nous donner à voir cet univers sauvage et violent.
Commenter  J’apprécie          100
La traduction française du titre de ce sublime recueil de nouvelles (par Gabriel Iaculli) bien qu'exacte, ne transcrit pas la magnifique allitération du titre original « El Llano en llamas » qui lui donne une dimension onirique. On atteint avec ces 17 courtes nouvelles un tel degré de perfection dans la maîtrise de l'écriture, la puissance du récit, la vérité des personnages, dès les premières lignes et jusqu'à la toute dernière phrase, que je le range sans hésitation dans la catégories des livres et des auteurs qu'il est essentiel d'avoir lus.
Claude Mauriac disait de Borges : « après l'avoir approché, nous sommes plus intelligents. Sans doute même avons-nous plus de coeur. » Je n'ai ni l'érudition, ni le talent de Mauriac, mais je me sens confiant dans l'affirmation, « qu'après avoir approché Juan Rulfo, je me sens plus intelligent et sans doute ai-je aussi plus de coeur ». J'ai d'ailleurs à coeur de découvrir le reste de son oeuvre, tant les nouvelles de ce petit recueil m'ont laissé « nu ».
L'écriture de Juan Rulfo, à la première personne, est dénudée et dénude.
Je vous invite à lire la préface de J.M.G le Clézio ; j'aurais du mal à trouver des mots plus justes que les siens pour évoquer la précision avec laquelle Juan Rulfo raconte la vie rurale dans l'État libre et souverain de Jalisco, comme la violence de la Révolution Mexicaine et de la Guerre des Cristeros au début du XXe. L'écriture de Juan Rulfo comme un couteau qui plonge au coeur des hommes égarés dans des paysages, dont les phrases de Juan dessinent le relief. C'est rude ! C'est beau !
Juan Rulfo (1917- 1986), fut écrivain, scénariste et photographe mexicain. Il est l'un des plus grands écrivains latino-américains du XXe siècle.
Commenter  J’apprécie          40
Belles pages sur le Mexique.
Commenter  J’apprécie          40
La première nouvelle du recueil donne le ton : "On nous a donné la terre" terre pierreuse et désertique du Llano où les paysans vont essayer de survivre. Toutes racontent la misère de ce peuple, avec au centre "Le Llano en flammes" où se déroula la guerre religieuse des "cristeros".
Une écriture âpre et violente comme les terres traversées
Commenter  J’apprécie          30


Lecteurs (404) Voir plus



Quiz Voir plus

Les classiques de la littérature sud-américaine

Quel est l'écrivain colombien associé au "réalisme magique"

Gabriel Garcia Marquez
Luis Sepulveda
Alvaro Mutis
Santiago Gamboa

10 questions
371 lecteurs ont répondu
Thèmes : littérature sud-américaine , latino-américain , amérique du sudCréer un quiz sur ce livre

{* *}