AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
4,08

sur 140 notes
5
10 avis
4
12 avis
3
4 avis
2
0 avis
1
0 avis

Critiques filtrées sur 4 étoiles  
Je découvre l'oeuvre du Mexicain Juan Rulfo (1918-1986) avec ce recueil bilingue de trois nouvelles originales et marquantes. Elles sont issues du recueil du même nom (1953) qui en contient quatorze.

Juan Rulfo est originaire de l'État de Jalisco, l'un des plus déshérités du Mexique avec ses hauts plateaux arides et toujours prêts à s'enflammer. Dans son enfance la guerre civile ravage ce pays. Il faut fuir les bandes armées qui sèment la terreur. Son père, petit propriétaire terrien fait ce qu'il peut pour nourrir sa famille. Il est assassiné en 1923 pour une sombre affaire de pâturage refusé et d'orgueil blessé. Sa mère de santé délicate meurt en 1927. Dans les années qui suivent éclate la guerre des « Cristeros » qui s'opposent à la laïcisation et à la sécularisation forcée des biens du clergé. Rulfo est élevé par Tiburcia, sa très religieuse grand-mère paternelle qui cache alors un prêtre. Celui-ci possède une bibliothèque importante qu'il leur laisse avant de partir. Tiburcia l'envoie au séminaire puis à l'université à Guadalajara. Juan abandonne ses études de droit pour travailler comme archiviste puis vendeur de pneus à Mexico. Il lit beaucoup, fréquente les intellectuels de la capitale et écrit des nouvelles. le Llano en flammes paraît en 1953. Son succès est immense.

Les trois nouvelles se fondent sur sa région natale ainsi que sur les événements terribles et tragiques qui ont marqué son enfance. Elles sont dures, parfois insoutenables, cruelles et tragiques. Elles parlent du combat perpétuel contre les éléments naturels, de l'engrenage absurde du crime et de la vengeance, de solitude et de remords, de la faim et de la folie. La narration est originale et moderne (voix, points de vue, temporalité) L'écriture est sèche, épurée, minérale.

1.L'Homme.
Ce récit est le plus complexe des trois. Il est plein de changements de points de vue et de sauts dans le temps. Il faut une première lecture vigilante pour remettre les pièces du puzzle narratif en place. Je vous laisse ce plaisir. Il s'agit d'une course-poursuite absurde entre assassins. Chacun est victime et bourreau et le cycle vengeance-représailles semble interminable. Les images en gros plan de violence aussi. C'est sans compter sur l'intervention du système judiciaire. Il met fin au cycle des vengeances grâce à une autre violence.

2. Talpa.
C'est une histoire tragique beaucoup plus facile à comprendre que la précédente et donc à mon avis plus percutante. Natalia pleure dans les bras de sa mère. Elle a retenu longtemps ces larmes, le temps du voyage à Zenzontla où ils ont dû enterrer Tanilo dans une fosse sans personne pour les aider.
Le lecteur aura des informations au compte gouttes sur ce trio composé du narrateur, de Natalia et de son époux Tanilo. le récit, magnifique, est très sensoriel. Les personnages font corps avec les pierres rondes, chaudes et dures de la montagne aride.

3. Macario.
Macario est un petit garçon qui vit avec sa marraine et Felipa, depuis la mort de ses parents. Il a toujours faim et il est rongé par la culpabilité et le péché car il a très peur de l'enfer. On comprend assez vite qu'il a un retard mental, qu'il ne peut jouer avec les autres et qu'il est violent. Dans un monologue intérieur, Macario (le bienheureux en grec) ratiocine sa propre vie en attendant que des grenouilles et des crapauds n'apparaissent. Il les écrasera ce qui les empêchera de croasser et ainsi sa marraine pourra dormir paisiblement. Formellement très original, ce récit est fort comme un coup de poing.

Il n'y a guère de réconfort et apparemment point de salut dans l'univers de Juan Rulfo.
Commenter  J’apprécie          4211
Dix-sept nouvelles pour témoigner des ravages de l'extrême pauvreté et de la guerre civile dans le Mexique rural de l'entre-deux-guerres. Rulfo a personnellement connu les conséquences de la révolution des Cristeros, choc impitoyable, dans une campagne reculée, de deux puissances aveugles, l'église traditionnelle et le gouvernement anticlérical. Dans ces récits à la première personne, le vocabulaire et les idées sont simples, les phrases sont courtes, les plaintes inutiles. La terre, le soleil et les hommes sont impitoyables (« Dis-leur de ne pas me tuer ») ; être voisins, ce n'est pas vivre ensemble (« La Cuesta de las Comadres ») ; les faibles et les femmes seront abusés (« C'est qu'on est très pauvres ») ; la justice civile est une étrangeté (« L'homme »), la sainteté une farce (Anacleto Morones) et les délégués du gouvernement des profiteurs cyniques (« On nous a donné la terre », « Le jour du tremblement de terre »). le style est brut, puissant, « dénudé jusqu'à l'os » comme l'écrit Le Clézio dans son excellente préface. Il ne cherche ni les riches métaphores, ni les formules mémorables, seulement ce qui retient l'humanité et l'émotion après la table rase.
Commenter  J’apprécie          160
« On nous a donné la terre », voici le titre de la première nouvelle de Juan Rulfo, auteur mexicain qui a acquis une stature de classique reconnu partout, avec seulement deux livres, ce recueil de nouvelles paru en 1953, et un roman, Pedro Paramo, en 1959. Né en 1918, il est enfant durant la « guerre des cristeros », révolte paysanne contre le pouvoir central qui dans les années 20, donna lieu à de nombreux combats et exactions diverses. Ces souvenirs, ou plutôt impressions d'enfance, imprègnent les nouvelles. Pour moi qui ne connais pas l'histoire mexicaine, et comme les textes montrent des événements isolés sans plus d'explications, cela paraît parfois obscur. Enfin, cela n'a rien de gênant ni d'insurmontable, car c'est surtout l'écriture et l'atmosphère qui priment dans ces textes. La vie y est rude, la pauvreté extrême, la bonté rare et la mort omniprésente.

Les nouvelles sont courtes, dix-sept textes sur 170 pages, mais intenses, et surtout vibrantes d'une écriture formidable. Je pourrais presque prendre une phrase au hasard pour vous la copier en citation et cela sonnerait forcément original et percutant. C'est avant tout ce qui fait l'attrait de cet auteur, je pense. Les personnages, nouvelles obligent, sont nombreux, et un peu interchangeables, paysans ou pauvres diables emportés par le cours des choses. Tous racontent à la première personne, souvent dans un long monologue entrecoupé pourtant de dialogues, sans prendre parti, sans expliquer ou interpréter les faits. C'est donc une sorte de brutalité qui ressort de tout cela, les gens aussi durs que la terre, les habitants aussi inhospitaliers que le climat. Avec un style inoubliable !
Lien : https://lettresexpres.wordpr..
Commenter  J’apprécie          151
Le Llano en flammes est un recueil de contes, sublimation du traumatisme personnel de Juan Rulfo, qui vécut dans son enfance les troubles que suscitèrent la rébellion des paysans contre le pouvoir fédéral Mexicain et les grands propriétaires terriens dans les années 1920.

C'est avec la langue mélancolique du souvenir, rendant vivante cette sensation d'abandon, de fatalité et de désespérance qui poisse au coeur des pauvres paysans habitant cette région aride, inculte et stérile, pelée par le soleil ardent, que le présent recueil s'offre, dès l'abord, à nous. Alors que la misère, déjà énorme, d'être né et de vivre en ces lieux quasi désertiques, suffirait à maudire et Dieu et la femme qui vous a mis au monde, il faut que la folie des hommes s'y ajoute et alourdisse le fardeau. le chapelet des maux que recèle une guerre civile aux motifs religieux (meurtre, vendetta, exaction, rapt, chasse à l'homme...), et qu'aggrave la misère des hommes et leur faiblesse (crédulité superstitieuse, inceste, trahison matrimoniale, intempérance et tares de toutes sortes...), déroule son cours, ajoutant sa quote part de malheurs irrémédiables et désespérant, égrené par la magie d'une langue expressive et évocatrice, au fil de courts récits qui frappent par leur violence et leur charge émotionnelle.
Commenter  J’apprécie          81
"En écrivant "On nous a donné la terre", "Macario" ou "La nuit où on l'a laissé seul", Rulfo invente un langage qui n'appartient qu'à lui seul, comme l'ont fait Giono, Céline ou Faulkner à partir de leur connaissance de la guerre ou du racisme.

La langue de Rulfo porte en elle tout son passé, l'histoire de son enfance. Comme l'a dit son ami des débuts, Efrén Hernandez, Juan Rulfo est un "escritor nato", un écrivain-né. Son oralité n'est pas une transcription, elle est un art, qui incube le réel et le réinvente. C'est cette appropriation qui donne à son écriture la force de la vérité. le Llano en flammes brûle dans la mémoire universelle, chacun de ses récits laisse en nous une marque indélébile, qui dit mieux que tout l'absurdité irréductible de l'histoire humaine, et fait naître la ferveur de l'émotion, notre seul espoir de rédemption." J.M.G. le Clézio

Dans ce recueil de nouvelles parues en 1953, l'auteur mexicain Juan Rulfo(1917-1986) dévoile toute l'âpreté et la rudesse de sa terre natale.
Des histoires brèves montrant un monde pauvre réduit à l'essentiel.
Un pays déchiré par les guerres civiles où plane l'ombre des rebelles "cristéros", où la rudesse de la terre est encore accentuée par la violence de la nature, où la pauvreté conduit à des crimes sordides pour quelques pesos et où le désespoir et la solitude côtoient une immense rage de vivre.
La jolie préface de le Clézio nous apporte quelques éclaircissements sur cet auteur original qu'est Rulfo.
On comprend mieux l'univers désespérément pauvre et aride dans lequel a grandi l'auteur.
De belles nouvelles, d'autres moins, mais toutes, montrent (à travers un style très "oral") la tragédie d'un peuple mis
Commenter  J’apprécie          70
Juan Rulfo est une comète particulièrement brillante dans le ciel de la littérature sud-américaine. Deux livres comme deux regards sur l'âme de ce continent. le Llano en flammes est un recueil de nouvelles qui ouvrèrent la voie au réalisme magique, ce courant littéraire typiquement sud-américain qui colle si bien à l'immensité et au mystère de ce continent.
Les nouvelles de Rulfo prennent pied dans un Mexique marqué par la longue guerre civile (1910-1940), rapidement exsangue et dont les habitants, pauvres, subissent les rapines des soldats et les ambitions des politiques. Dans le Llano, cette plaine aride qui brûle aussi bien symboliquement que réellement, le souvenir des Cristeros, ces soldats du Christ contre l'Etat, plane encore.
Les rapports entre les hommes sont durs, même entre les membres de même famille. L'amour est rare, sinon dans son expression physique ; encore celle-ci est-elle rude comme le pays. le désespoir, l'ironie tragique et la désillusion pointent dans chaque nouvelle, dessinant la vie d'êtres ballotés par une Histoire plus grande et plus puissante qu'eux. Ainsi est né le Mexique contemporain.
Commenter  J’apprécie          70
Recueil lu dans le cadre d'un module sur la littérature d'Amérique du Sud à la faculté de Lettres. Une découverte que cette écriture...
Commenter  J’apprécie          70
Ce recueil de dix-sept nouvelles nous plonge dans un Mexique pauvre, violent et désespéré. A chaque texte, et en quelques mots, Juan Ruolfo instaure une atmosphère âpre et violente, sous un soleil souvent brulant, une terre aride et désertique, arrosée seulement par l'alcool et le sang.

Les hommes et les femmes ont les rides profondes et les sourires rares. L'amour ne semble pas un mot connu, seulement l'égoïsme, ou plutôt, dans ces lieux de poussières et de misères, la seule façon accessible de survivre : s'en sortir coûte que coûte, avec un couteau, un flingue ou un coup tordu. C'est brut et sanguin, dérangeant autant que fascinant.

J'ai rarement eu l'impression de ressentir dans tous les pores de ma chair l'ambiance d'un pays, d'une époque et d'une ruralité de manière si intense (sauf avec Faulkner, avec qui j'ai trouvé de nombreuses similitudes). Ces nouvelles pourraient presque être historiques tant les lieux, les âmes et les mots sont décrits avec un style vif et percutant.


Commenter  J’apprécie          60
Recueil de contes et légendes d'une région de bandits, de roches et de pauvreté, qui servirait volontiers de cadre, de prolongement, du chef-d'oeuvre qu'est Pedro Paramo. On y retrouve cette étrange diffusion des voix, des réputations, des rumeurs et des malédictions, comme colportées par les fantômes. Ce goût de poudre, de cendres et de sable volant au vent, croquant sous la dent. Là où la vie d'un homme vaut moins que celle d'une pierre, dans cette région de perdition, cette sécheresse où rien ne pousse, se rencontre une puissance humaine qui pourra faire penser à celle qui se dégage des romans de Giono, des contes De Maupassant, peut-être en plus tranchée, cruelle. Une humanité au rasoir, qui fait se côtoyer, se superposer, s'associer, se déchirer, le plus grand vice et les valeurs les plus intègres.

Résumés et commentaires de chaque conte sur le blog.

Lien : https://leluronum.art.blog/2..
Commenter  J’apprécie          50
J'aime beaucoup cet auteur, un des meilleurs écrivains sud-américains, il me semble. Son chef d'oeuvre reste "Pedro Paramo", cependant, ce recueil de nouvelles a l'avantage d'être plus accessible pour des lecteurs qui ne connaîtraient pas Rulfo et toutes les nouvelles sont excellentes.On retrouve l'ambiance de "Pedro Paramo", en particulier dans la nouvelle intitulée " Talpa " qui confirme que Rulfo est un des rares auteurs à savoir parler du corps dans ses états limites (maladie, agonie, etc.) . La terre est au centre de son oeuvre. Plus que de Nature au sens d'allégorie romantique, c'est bien de la terre très concrète qu'il est question chez Rulfo : la poussière, la chaleur de la terre, son humidité, sa fécondité ou son aridité.
Commenter  J’apprécie          50




Lecteurs (404) Voir plus



Quiz Voir plus

Les classiques de la littérature sud-américaine

Quel est l'écrivain colombien associé au "réalisme magique"

Gabriel Garcia Marquez
Luis Sepulveda
Alvaro Mutis
Santiago Gamboa

10 questions
371 lecteurs ont répondu
Thèmes : littérature sud-américaine , latino-américain , amérique du sudCréer un quiz sur ce livre

{* *}