La joueuse de go /
Shan Sa/Prix Goncourt des lycéens 2001
La Joueuse de Go, publié en 2001, est le troisième roman de
Shan Sa. Il a obtenu le Prix Goncourt des lycéens.
Shan Sa, née Yan Ni, est née à Pékin en 1972. Écrivain, peintre, poète et calligraphe, elle est française. C'est en 1989 après les événements de la Place Tian'anmen qu'elle choisit la France pour renaître. Elle arrive en 1990 à Paris où elle obtient une bourse du gouvernement français, apprend le français, passe le bac en 1992 et fait des études de philosophie et d'histoire de l'art. Son premier roman «
Porte de la paix céleste » est récompensé par le Prix Goncourt du premier roman et du Prix de L'Académie française, son second «
Les quatre vies du saule » par le prix Cazes. À ce jour elle a publié une quinzaine d'ouvrages, roman, recueils de poésies et essais et obtenu six prix. Elle a été décorée Chevalier de l'ordre des Arts et des Lettres en 2009 et Chevalier de l'ordre national du Mérite en 2011.
L'histoire se passe en Mandchourie dans les années 1930. le dernier empereur de Chine exilé en Manchourie depuis 1931 règne alors sans pouvoir, le pays étant occupé par l'armée japonaise. Une jeune lycéenne de seize ans joue quotidiennement au go sur la place des Milles Vents de la ville et rêve d'un avenir meilleur et paisible. Son prochain adversaire, et elle l'ignore, est un jeune japonais de l'armée d'occupation déguisé en chinois. L'affrontement va être épique, sans concession, loyal, avec l'amour en prime, alors que le pays sombre dans le chaos.
Un chapitre sur deux de cet excellent roman est consacré à la jeune fille dont on ne connaîtra le nom qu'à la dernière page du livre, et l'autre au jeune soldat japonais initié autrefois au mandarin par sa nourrice, jeune garçon dont on ne connaîtra jamais le nom. Ainsi au fil des pages, leurs destins comme les pions au jeu de go, vont s'entrecroiser. Pour le soldat japonais, les séances de go avec la Chinoise deviennent vite une évasion vers le pays des démons, la chaleur de l'été aiguisant ses sens : « Un rien me met en érection : son bras nu, le bas froissé de sa robe, l'ondulation de ses fesses sous un tissu de soie, une mouche qui passe… Je suis là pour m'oublier, ici personne ne parle des arrestations, ni de l'occupation japonaise…J'écoute toujours le choc des pions. Il trahit la pensée de l'adversaire…Au go, seule la perfection esthétique conduit à la victoire…La joueuse s'attarde…Est-ce là l'image de la Chine, l'objet de ma passion et de ma haine ? Proche d'elle, sa misère me déçoit. Loin d'elle, ses charmes m'obsèdent. »
La jeune Chinoise nous parle du jeu de go : « La position d'un pion évolue au fur et à mesure qu'on déplace les autres. Leur relation, de plus en plus complexe, se transforme et ne correspond jamais tout à fait à ce qui fut médité. le go se moque du calcul, fait affront à l'imagination. Imprévisible comme l'alchimie des nuages, chaque nouvelle formation est une trahison…Le jeu go est le jeu du mensonge. On encercle l'ennemi de chimères pour cette seule vérité qu'est la mort…Mon adversaire : il possède la noblesse des hommes qui préfèrent les méandres de l'esprit à la barbarie de la vie. »
En phrases courtes et stylées allant à l'essentiel, l'auteur nous emmène dans un monde oriental tout à fait dépaysant en évoquant le monde des deux personnages, leur culture, leur enfance, leur entourage, leurs amours d'adolescents, des mondes en totale opposition mais qui n'empêche pas qu'ils se retrouvent tous les soirs autour du damier pour une partie d'un jeu qui ressemble à leurs vies. le beau style délicat, subtil et littéraire, tout en sobriété de l'auteure qui écrit en français, décrit bien le crescendo de la passion et nous laisse impatient du dénouement de cet affrontement entre deux solitudes, celle d'une jeune fille chinoise passionnée de go et celle d'un jeune soldat japonais idéaliste prêt au sacrifice suprême pour son pays.
Un beau livre à ne pas manquer. Très bon choix des lycéens.