Bandits à Marseille

Pourquoi lire ce livre d'Eugène Saccomano ? Je connais Sacco, commentateur passionné de football sur Europe 1, mais écrivain, non.
Mon exemplaire date de 1968. Il est en mauvais état, tâché et sans jaquette. Il faut n'avoir rien d'autre à lire pour ouvrir ce livre bon pour le pilon. Pourtant j'ai au moins une cinquantaine de livres qui m'attendent dans ma bibliothèque. Souvent les derniers livres rentrés sont les premiers lus.
En fait, c'est la curiosité qui m'a fait prendre cet ouvrage dans une boîte à dons que l'on trouve désormais dans tous les villages de campagne.

Sacco, jeune journaliste du Provençal dès 1959, puis correspondant permanent d'Europe à Marseille, décrit les gens et les activités du milieu marseillais. Les locaux parlent du mitan. Ces bandits sont polyvalents: contrebande, cambriolages, trafic de drogue, prostitution et hold up. Il couvre la période des années trente aux années soixante .
L'auteur connaît parfaitement son sujet. Il était au contact direct de cette "faune". Il est même devenu l'ami d'un contrebandier. Ce dernier est passé à une activité plus lucrative, le trafic de "neige". Sacco a même hébergé ce bandit, ce qui, aux yeux de la loi, est répréhensible.
J'ai aimé le côté désuet du récit, le langage, témoin de cette époque révolue, le folklore et les galéjades marseillaises. A cette époque, la police disposait de peu de technologie : les empreintes et la graphologie et la balistique.
Ce livre a fait l'objet d'une adaptation cinématographique en 1970 pour devenir "Borsalino", film à succès avec Delon et Belmondo.

Publié en 1968 et réédité 50 ans plus tard, cet ouvrage réjouira les amoureux de Marseille et les amateurs d'histoires de bandits, aussi cocasses que violentes.
L'expérience de journaliste du jeune Eugène Saccomano apporte précision dans le récit des faits, non exempts de qualité littéraire, dans les descriptions notamment.

Se défendant de toute tentation romantique et romanesque, en rapportant factuellement des histoires vraies, l'auteur réalise une prouesse : passionner son lecteur sans tomber dans une relecture idéalisée de la vie de la pègre. le vrai talent du journaliste est bien là, celui de l'écrivain n'est pas loin non plus.

Le lecteur est promené dans les petites et grandes histoires des célébrités du Mitan, parmi les hasards et les coups bas, les complicités politiques et policières, les vendetta et les contrebandiers.

Par la plume d'Eugène Saccomano on survole un monde disparu, où les match de boxes déchaînent les passions, les salaires sont convoyés en liquide, les cigarettes blondes sont américaines, où la begum cache ses diamants avec ses sandwichs.
Un vrai plaisir de lecture et de curiosité.