Elantris est un roman dont la publication française est précédée d'une réputation flatteuse partout où il a été préalablement édité. L'éditeur français ne s'en cache d'ailleurs pas dans le quatrième couverture en se montrant fort généreux en superlatifs. Qu'en est-il exactement ? C'est ce que nous allons voir maintenant.
Elantris était un cité merveilleuse. Elle était habitée par ceux qui avaient été frappés par le Shaod, une magie bienveillante qui faisaient de ses élus les égaux des dieux. Mais il y a dix ans, la bénédiction est devenue malédiction ; le Shaod frappe encore, mais il convertit non pas en divinité mais en monstre digne d'un mort-vivant. Les victimes sont alors définitivement emprisonnées dans Elantris, devenue l'ombre d'elle-même, au sens propre comme au sens figuré.
Le royaume d'Arélon s'est en effet restructuré à la suite de la catastrophe. le capitalisme s'y est érigé en doctrine d'Etat, le pouvoir étant concentré entre les mains des plus riches, le roi lui-même étant le marchand le plus puissant. La conséquence d'un tel système politique est que le pouvoir est instable, ce qui ne peut qu'attiser la convoitise de son voisin oriental, le Fjorden, une théocratie basée sur l'obéissance la plus stricte.
C'est dans ce contexte économico-politique que le roman démarre, en se concentrant sur trois personnages principaux. Il s'agit d'abord du prince Raoden, futur héritier du royaume d'Arélon, s'il ne venait d'être frappé par le Shaod et emprisonné dans Elantris tandis qu'il est fait passer pour mort dans la capitale. Il s'agit ensuite de Sarène, princesse héritière du Teod, un royaume voisin, dont le mariage avec Raoden vient d'être arrangé pour des raisons bien plus politiques que romantiques, et qui fait d'elle une veuve avant même d'avoir rencontré son mari. Il s'agit enfin de Hrathen, un fanatique religieux du Fjorden, envoyé en Arélon pour convertir, par n'importe quel moyen, tout le royaume en un temps record.
Elantris se veut donc une oeuvre de Fantasy qui, à partir d'une idée relativement originale, est traitée de la manière la plus éculée qui soit. le prince déchu, la princesse aussi belle que forte de caractère et l'abominable prêtre sont entourés d'une galerie de personnages maintes fois rencontrés dans ce genre littéraire. Or, comme le roman s'appuie quasi exclusivement sur eux, il est facile de n'y voir qu'une suite ininterrompue de clichés. Quant à l'écriture de
Brandon SANDERSON, elle est à l'image de son intrigue : facile et parfaitement classique, empreinte de quelques longueurs, en particulier dans la deuxième partie du roman.
Néanmoins, de ce roman de Big Commercial Fantasy émergent de bonnes idées. C'est déjà le fait que l'auteur évite d'exploiter le bestiaire traditionnel de la Fantasy. C'est aussi l'idée de départ, qui fait d'Elantris une cité maudite, et dont la situation est parfaitement traitée par l'auteur qui évite aussi tout sensationnalisme, si ce n'est dans la courte troisième et dernière partie. Quant aux personnages stéréotypés évoqués plus haut, un se démarque des autres pour sa subtilité relative : Hrahten, le fanatique religieux dont la foi est mise à mal au fur et à mesure de l'avancement de ses machinations. Surtout, il faut reconnaître que le roman dans son entier est parfaitement construit, les rebondissements, bien que souvent prévisibles, venant alimenter à point nommé une intrigue finalement captivante.
C'est d'ailleurs à ce niveau qu'il faut rechercher la justification des critiques dithyrambiques dont le roman a bénéficié. Bien sûr
Brandon SANDERSON n'est pas le seul à parfaitement maîtriser les arcanes de la Fantasy, mais en 2005, lors de l'édition originale du roman, celui-ci avait tout juste 30 ans et signait-là son tout premier roman. Il démontrait alors qu'il était effectivement un auteur prometteur tant sa première oeuvre, bien que peu originale, était dotée de qualités indéniables.